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Faut-il voter ?

Publie le samedi 29 mars 2008 par Open-Publishing

De passage dans une petite librairie parisienne, Badiou et Brossat in real autour de leurs livres parus chez Lignes il y a peu.
Une fois de plus Badiou dont le travail est admirable sous beaucoup d’aspects se fent de commentaires hostiles au vote, au procédé électoral.

Tout en convenant que sous certaines conditions historiques précises et rares, le vote est utile, il conteste vivement qu’il le soit depuis 40 ans...son dernier vote commi.
Son credo théorique sur ce point est qu’il ne faut pas confondre la politique et le vote, qu’il ne faut pas la réduire a une affaire comptable, que le vote est une opération de l’Etat.
Naturellement, il n’invite personne à prendre les armes pour renverser le pouvoir, cela il le refuse.
La politique véritable évolue donc dans l’écart entre violence et élection, une sorte de militantisme restreint et patient.

Evidemment, nous avons de bonnes et sérieuse raisons de ne pas désirer la sociale démocratie, ou le concensus gauche-light d’une partie de l’opinion, cependant dirions-nous que tout est égal et que pour la population la plus fragile de france, Sego/Sarko c’est blanc bonnet et bonnet blanc ?
Je crois que de ces deux redoutables maux, le second est plus redoutable et plus violent encore. En ce sens, il était très nécessaire de voter à gauche en mai 2007 et de considérer qu’il ne faut certes pas réduire la politique au vote.
Le vote est même un temps mineur de la vie politique et des processus politiques réels mais il n’est pas indifférent de soutenir par son vote les partis les plus en phase avec l’antique projet de l’émancipation.
Badiou ne réccuse pas le voeu révolutionnaire et il a raison tout de même qu’il n’encourage et ne désire pas de grands soirs...La révolution doit demeurer pour nous un horizon, un idéal régulateur de l’action exactement comme nous avons besoins de l’idée de Justice pour agir justement ou de l’idée de chien pour trier les chiens des chats.
Au fond je crois que notre horizon ne peut qu’être révolutionnaire mais notre présent réformiste, on ne fait pas table rase du passé, on réforme avec force et constance, c’est une loi du monde : on ne change que ce qu’il y a.
Il ne suffit pas de ciller pour que le présent soit tel qu’on le rêve, il faut travailler la matière du monde, la révolution doit se construire à coup de réformes, voter peut participer de ce projet.

Je me demande finalement ce que signifie cette défiance marquée pour le vote chez Badiou, les désastres staliniens et chinois (désastres de l’Etat Parti) remarqués par lui semblent avoir durablement clivés l’Etat (dont les partis sont aussi des agents) et la politique, Badiou aurait intériorisé un hiatus qui ne va pas de soit car si la politique n’a pas pour objet une marche vers un Etat adéquat à un peuple émancipé, elle se condamne finalement à l’echec.
Marx voulait qu’à la fin, l’Etat déperisse.Que l’Etat sous sa forme connue et récente d’Etat-nation disparaisse semble clair, déjà l’Europe mine la nation.Mais peu importent les noms, car il y aura toujours un Ensemble régulateur, qui sous son nom compte et rassemble le peuple.
Le peuple livré à sa seule puissance n’est pas je crois une perspective très satisfaisante, ce qui est vrai pour un est vrai pour tous, nul ne peut vivre sans lois, sans normes, en ce sens, les anarchistes n’existent pas.
Badiou n’aime pas l’Etat, pas plus qu’il n’aime le démocratisme des foules, et la politique n’est l’affaire ni d’une oligarchie bureaucrate ni de la multitude inorganique.

Dans ce cas, les corps intermédiaires tels les partis, ou mouvements sont très nécéssaires car ils constituent des médiations pour l’action politique, ils organisent et portent l’inorganique masse, ils font passage de l’action de masse (le vote Sarkozy) à l’action de classe, et Badiou lui même milite activement à l’Organisation Politique.

Finalement, cette défiance du vote chez Badiou ressemble davantage à un double fétichisme anti-Etatique et anti-comptable qu’il conviendrait de briser.