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Garde à vue : "Nous demandons de pouvoir assister aux interrogatoires"

Publie le mardi 20 juillet 2010 par Open-Publishing
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de Mathilde Gérard

Me Emmanuel Ravanas, avocat au barreau de Paris, a dénoncé, mardi 20 juillet, devant le Conseil constitutionnel, le non-respect des droits de la défense lors de gardes à vue. "Notre rôle [en garde à vue] se réduit à vérifier que la personne a été alimentée, n’a pas été violentée, à s’entendre réclamer une cigarette qu’on ne peut pas donner et l’entretien est terminé", a regretté Me Ravanas lors de sa plaidoirie (qui peut être visionnée sur le site du Conseil). L’avocat explique la démarche engagée avec des dizaines d’avocats auprès des sages pour abroger certaines dispositions régissant la garde à vue.

Quelles seraient, selon vous, des conditions de garde à vue conformes à l’esprit de la Constitution et des traités internationaux ?

Emmanuel Ravanas : Nous ne disons pas que la garde à vue est inconstitutionnelle, mais que les modalités de la garde à vue, telles qu’elles sont actuellement prévues, sont inconstitutionnelles. Nous demandons que la personne qui est placée en garde à vue puisse bénéficier, si elle le désire, de l’assistance d’un avocat qui ait pu consulter préalablement le dossier et assister aux interrogatoires de la personne gardée à vue.

D’autres questions ont été débattues ce matin, notamment celle du contrôle du placement en garde à vue : le parquet est-il une autorité suffisamment indépendante pour recevoir l’information d’un placement en garde à vue et décider de la prolongation de cette mesure ? Les questions posées s’attaquaient aux modalités de la garde à vue dans leur ensemble.

Une récente étude du Sénat relevait que "le caractère limité de l’intervention de l’avocat pendant la garde à vue" était une "singularité française". Qu’est-ce qui explique cette frilosité de la France à accorder une plus large présence à la défense en garde à vue ?

Il y a des réticences de la part des officiers de police judiciaire, qui craignent que la présence d’un avocat retarde leur enquête, mais ces craintes ne correspondent pas à la réalité : l’avocat est présent lors des procédures d’instruction, cela n’empêche pas les instructions d’avancer.

Il y a aussi des considérations d’ordre matériel pour savoir si le barreau français, dans son ensemble, serait capable de mettre en œuvre cette mesure. Mais ce n’est pas l’objet de notre demande : nous posons une question de principe, ensuite ce sont aux moyens matériels de suivre. C’est l’honneur et la responsabilité du barreau que d’honorer la mission qui est la sienne, faire respecter les droits de la défense.

Qu’attendez-vous de la décision du Conseil constitutionnel ?

Les avocats défendent, les juges décident. Nous souhaitons arriver à un système équilibré et conforme à ce que doivent être, selon nous, les droits de la défense. Dans la pratique, nous sommes confrontés à énormément de personnes qui nous disent : "Mais je n’ai pas dit ce qui a été écrit ; la pression psychologique était très forte ; on m’a menacé ; c’était tellement dur que je me suis accusé..." Notre objectif n’est pas de faire en sorte que les malfrats puissent s’en sortir, mais d’éviter les abus et garantir les droits de la personne gardée à vue.

La décision du Conseil constitutionnel pèsera à coup sûr. C’est précisément cette décision qui guidera le législateur dans cette réforme en indiquant les grands axes de ce que devra être demain la garde à vue en France. Ce n’est pas un hasard si le législateur ne s’est pas empressé de légiférer sur cette question.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2010/07/20/garde-a-vue-nous-demandons-de-pouvoir-assister-aux-interrogatoires_1390321_3224.html

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