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Giorgio Napolitano : "Président, laisse nous rêver"

Publie le lundi 15 mai 2006 par Open-Publishing
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de Gabriele Polo Traduit de l’italien par karl&rosa

Deux minutes après avoir juré fidélité à la République, une minute après avoir chargé Romano Prodi de former le gouvernement, Giorgio Napolitano devrait se présenter devant les caméras et annoncer, sur les trois télévisions publiques, des mesures d’urgence pour le foot.

L’annulation des dix derniers championnats. La dissolution de tous les organismes fédéraux. L’envoi à Allemagne 2006 de l’équipe nationale amateurs. L’interdiction perpétuelle de faire payer les matches à la télé et la reconversion des émissions sportives, en les consacrant intégralement au water-polo, à l’athlétisme, au rugby et à l’haltérophilie, en laissant à la radio l’exclusivité de la chronique des deuxièmes mi-temps des matches de première division.

Le prix d’un euro pour l’entrée aux stades de n’importe quelle catégorie, sans aucune distinction entre la tribune des VIP et la courbe. Plus, s’il décidait aussi, à titre symbolique, d’envoyer la Juventus en deuxième division - une année au moins - cela serait parfait. La meilleure façon de "contribuer à la sérénité de la nation" : le pays est divisé et le championnat du monde plane.

L’assomption des pleins pouvoirs présidentiels sur le ballon n’est pas prévue par la Constitution mais on pourrait faire une entorse - seulement une et seulement celle-là - à notre respect pour la Charte des pères constituants. Une entorse tolérable - sinon nécessaire - et certainement plus adaptée aux besoins populaires que celle, un peu golpiste, que propose, dans Il Foglio, Piero Fassino, supporter suspect de la Juventus.

Et qu’on ne nous dise pas que l’intervention de Napolitano serait une chose peu sérieuse pour le plus haut représentant institutionnel. Si le foot est une métaphore de la vie, il est aujourd’hui la représentation d’une métastase, le paradigme d’une logique de pouvoir qui a beaucoup à faire avec le berlusconisme (en laissant de côté la couleur, dans le foot, de l’ancien président du conseil). Pour soigner l’Italie on devra bien commencer quelque part, pourquoi ne pas le faire du "lieu" qui concentre les intérêts de quelques millions d’Italiens en leur redonnant une chance de salut.

Dans le monde pourri qui plane sur les rectangles d’herbe il y a la représentation de ce que nous sommes devenus. Des dirigeants qui ont transformé le module du foot total en un système totalisant ; une concentration de pouvoir qui dicte aux responsables de la désignation des arbitres les noms des "vestes noires" (elles sont maintenant colorées, il serait bien de les renoircir) ; des journalistes qui se font dicter les brouillons des émissions par les puissants nommés ci-dessus (probablement en échange de quelque chose) ; des footballeurs qui parient sur leurs matches (et, peut-être, les vendent ou les achètent) ; des sociétés d’intermédiation de foot qui font chanter les athlètes (comme des agences sportives de travail intérimaire).

Du pouvoir et de l’argent qui remplacent des règles et des droits, en commençant par ceux des personnes qui assistent au spectacle. Un public payant auquel on vend un faux show colporté comme une vraie compétition, appelé à "participer" en supportant les uns ou les autres, un peu comme cela est arrivé dernièrement en politique. Et à la fin on découvre même que le jeu est truqué. Entendre maintenant demander par le vassal de Berlusconi dans le foot un "code éthique" c’est comme assister abasourdis à un meeting sur l’éthique des affaires : le tour de passe-passe qui veut couvrir l’imbroglio.

Il vaut mieux ramener tout à zéro, du sommet à la base, recommencer à souffrir pour l’arrière aux pieds mauvais qui, en y mettant le paquet, renvoie mal le ballon. Renoncer à un peu de spectacle au nom de la vérité, à un peu de show au nom du sport. Autrement, il ne reste qu’à envoyer au diable San Siro, l’Olimpico et le Delle Alpi [respectivement, les stades de Milan, de Rome et de Turin, NdT], émigrer vers un terrain de foot de périphérie pour regarder des gamins avec des maillots trop grands pour eux.

Cela serait une révolution politique, le jeu le plus beau du monde.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

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