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Grenade sociale dégoupillée : l’âge de la retraite !

Publie le mardi 16 juin 2009 par Open-Publishing
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Grenade sociale dégoupillée
BERNARD DELATTRE CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS, libre belgique

Mis en ligne le 16/06/2009

Le gouvernement relance le débat sur le recul de l’âge du départ à la retraite.

C’est une séquence en quatre temps qui a été rondement menée. Et qui prouve une fois de plus, si besoin en était, la grande réactivité du gouvernement.

Un, samedi soir : après l’échec de leur cinquième journée consécutive de mobilisation nationale contre la politique économique du gouvernement, les syndicats sont au tapis - on a dénombré entre cinq et dix fois moins de monde dans les rues que le 1er mai, qui avait déjà été un fiasco. Deux, dimanche matin : le ministre du Travail, Brice Hortefeux, proche du président Sarkozy, évoque l’idée de repousser l’âge du départ à la retraite. Trois, lundi : la Sécurité sociale officialise les chiffres de son déficit pour 2009 : 20 milliards pour le régime général, dont 8 milliards rien que pour sa branche vieillesse. Quatre, lundi toujours : le Premier ministre François Fillon confirme que l’âge du départ à la retraite ne sera "pas une question tabou".

Ce n’est peut-être pas une question tabou pour Matignon mais, pour les syndicats, c’est un sujet explosif. La dernière fois que ce dossier des retraites avait été mis sur la table, c’était en 2003, lorsque Jean-Pierre Raffarin était à Matignon et un certain François Fillon ministre du Travail. A l’époque, ce dernier avait ébranlé deux piliers du système : les privilèges qui bénéficiaient aux titulaires de régimes spéciaux (cheminots, etc) et la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein (passée de 37,5 à 41 annuités d’ici à 2012). Stricto sensu, on n’avait alors pas touché à l’âge légal de la retraite (60 ans), un legs historique de l’ère Mitterrand. Les syndicats avaient tout de même fait descendre plusieurs millions de manifestants dans les rues. François Fillon, toutefois, avait globalement tenu bon.

Six ans plus tard, donc, sur ce même dossier des retraites, le même François Fillon a argumenté lundi que "dans tous les pays européens autour de nous, on repousse l’âge légal". Soutenant son ministre du Travail, le chef du gouvernement a confirmé que cette option figurerait parmi les pistes qui, en 2010, mériteraient "un grand débat national" afin de sauver le régime des retraites de son déficit abyssal. Auparavant, la majorité UMP avait déjà créé un certain tumulte dans les rangs syndicaux en repoussant de 65 à 70 ans l’âge limite obligatoire du départ à la retraite.

Lundi, les syndicats sont tout de suite montés au créneau.

Pour François Chérèque, leader de la CFDT (qui avait approuvé la réforme Fillon de 2003), repousser linéairement l’âge légal de la retraite est profondément inéquitable. Car cela va "sanctionner davantage les ouvriers et les plus modestes, ceux qui ont commencé à travailler à l’âge de 16 ans, par rapport à ceux qui sont entrés plus tardivement sur le marché du travail car ils ont eu, eux, la chance de faire des études". Pas question donc, pour ce syndicat, de plancher sur cette piste avant que le gouvernement ait enfin "posé le problème de la pénibilité au travail et des inégalités entre salariés". Son homologue de la CGT, Bernard Thibault, a fustigé le ralliement du gouvernement à une vieille thèse patronale. Et lui a déjà souhaité "bonne chance" pour dire aux jeunes chômeurs, si nombreux en France : "Désolé, il n’y a pas de place pour vous : ceux qui sont déjà au travail vont devoir rester". Le syndicat communiste veut qu’on comble le trou de la Sécu en mettant les revenus du capital à contribution. Quant au PS, au lieu de "prendre prétexte des déficits sociaux pour imposer un nouveau tour de vis social", il veut que l’on augmente le taux d’emploi (très faible) des plus de 55 ans, qui "constituent actuellement les premières cibles des plans sociaux et des licenciements économiques".

Gouvernement et partenaires sociaux ont jusqu’à 2010 pour, très hypothétiquement, se mettre d’accord. Ce délai ne leur sera pas de trop.

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