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ITER : coûteux pour la France mais rentable pour les entreprises étrangères ?

par Maxime Benardo

Publie le mardi 11 septembre 2012 par Maxime Benardo - Open-Publishing
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Célébrée à l’origine comme une victoire pour la France, l’implantation d’ITER sur notre territoire se révèle finalement financièrement ruineuse et sans réel effet sur le tissu économique local et national. Ce grave écueil résulte du véritable piège dans lequel sont tombés la France et l’Union européenne en souhaitant obtenir à tout prix l’installation du projet à Cadarache. Paradoxalement, ce sont les entreprises étrangères qui raflent la mise alors que les entreprises françaises de haute technologie sont la plupart du temps oubliées.

« C’est un grand succès pour la France et pour l’Europe », proclamait le communiqué de l’Elysée. Il est vrai qu’en juin 2005, lorsque la France a obtenu que le projet ITER soit implanté sur son territoire, les Français pouvaient se sentir légitimement fiers. Après des années d’âpres négociations, le site de Cadarache (Bouches-du-Rhône) l’emportait enfin sur ceux de Clarington (Canada), Rokkasho (Japon) et Vandellos (Espagne).

Théoriquement ne s’agissait d’ailleurs pas seulement d’une question d’orgueil et de prestige mais d’une belle opportunité de développement économique national et local. Les 10 milliards d’euros investis sur 40 ans dans le projet – c’était le budget initial – devaient en effet, selon les études alors mises en avant, permettre de créer environ 3000 emplois indirects pendant la phase de construction et autant durant la phase d’exploitation, essentiellement dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Surtout, on espérait que l’implantation d’ITER aurait un effet d’entraînement, donnant naissance à une sorte de « Silicon Valley des nouvelles énergies ». Doués d’un sens certain de la communication, certains promoteurs d’ITER dépeignaient alors la Provence comme une « nouvelle Californie » !

Moins de dix ans plus tard, c’est pourtant la désillusion qui domine. D’abord parce qu’à mesure que le projet prenait du retard, son budget a littéralement explosé. De 10 milliards, on est ainsi passé, selon les estimations, à 12, 16 ou même 20 milliards d’euros. Or, l’essentiel de cette augmentation repose sur la France et l’Union européenne. Tout récemment encore - en avril dernier -, le Parlement européen a donné son accord au déblocage d’une aide supplémentaire de 650 millions d’euros au projet. Si bien que la contribution de l’Union Européenne, initialement fixée à 2,7 milliards, atteint désormais à 6,6 milliards d’euros, dont 1,4 milliards d’euros pour le seul budget 2012-2013 !

Certains estiment que cette dérive budgétaire était parfaitement prévisible, les coûts de construction et de réalisation ayant été volontairement minorés de façon obtenir la participation de nouveaux partenaires au projet, à commencer par les Etats-Unis qui s’en étaient éloigné à la fin des années 90, précisément pour des motifs de coûts trop élevés. En revanche, moins prudentes, la France et l’Union européenne avaient, par avance, accepté de prendre à leur compte l’essentiel des coûts. Dès 2004, le gouvernement français avait en effet pris l’initiative de doubler la mise du financement français du programme. Dans un courrier adressé à la présidence de l’Union européenne, le ministre de la Recherche, François d’Aubert, écrivait : « La France, qui assumait 457 millions d’euros dans le projet initial, est prête à financer jusqu’à 20 % du coût de la construction, soit 914 millions d’euros ».

Une telle générosité s’expliquait bien sûr par la volonté de voir le site de Cadarache retenu, ce qui, pensait-on, permettrait à la France de récupérer l’essentiel des retombées économiques, sociales et scientifiques du projet. Après tout il pouvait être avisé de dépenser de telles sommes si, en retour, cet investissement permet de donner naissance à un pôle de développement économique et technologique de premier plan ! Mais c’était compter sans les talents de négociateurs des autres partenaires et tout particulièrement du Japon.

Au fil de la négociation entre les différentes parties prenantes du projet, deux sites se sont retrouvés en concurrence. D’une part, le site de Cadarache, soutenu par l’Union européenne (après le retrait du site espagnol), le Canada, la Chine et la Russie. D’autre part, le site japonais, soutenu par la Corée du Sud et les Etats-Unis, notamment pour faire payer à la France son opposition à leur aventure militaire en Irak. Il en résultait une situation bloquée dont Tokyo a su habilement tirer profit.

Le 5 mai 2005, le Japon accepte de retirer son site de la compétition. Mais en échange, il obtient de substantielles compensations : 20 % des contrats industriels pour la construction et 20 % des effectifs permanents d’ITER ; un programme complémentaire de recherche d’un montant de 700 millions d’euros financé à moitié par le pays hôte et non-hôte ; la construction d’un centre d’étude de matériaux pour la paroi d’ITER, baptisé International Fusion Materials Irradiation Facility (IFMIF), ainsi que le soutien du pays hôte à sa candidature pour le poste de directeur général d’ITER. Plus significatif encore : l’accord prévoyait que le pays hôte assumerait 40 % du prix de construction d’ITER…

Si l’on ajoute à cela que les autres membres contribuent essentiellement au projet sous forme de livraison de matériel, cela signifie, in fine, que la France et l’Union européenne se voient ravalées au rang d’hôte et de principaux bailleurs de fonds, tandis que les autres membres se voient réserver la conception et la fabrication des principaux éléments de haute technologie comme le reconnaît d’ailleurs le site Internet officiel d’ITER.

Profondément inéquitable – en même temps que non conformes au principe de libre concurrence - ces règles d’attribution des marchés ruinent tout espoir de voir la l’implantation d’ITER déboucher sur un pôle de compétences à proximité de Cadarache. En effet, comme l’essentiel de ses composants de haute technologie sont produits aux antipodes avant d’être acheminés par bateau, ITER est en quelque sorte un centre de recherche hors sol, littéralement coupé de son environnement immédiat. Si bien que les milliards investis jusqu’ici ont profité à des entreprises de haute technologie américaines, russes, indiennes, chinoises, japonaises et coréennes ne trouvant aucun intérêt à s’implanter dans les Bouches-du-Rhône, mais pas aux entreprises françaises et européennes, exclues de fait de l’essentiel des contrats…

Pourtant, dès l’origine, les experts soulignaient qu’au plan économique et social, le véritable enjeu d’ITER résidait dans la capacité à inciter d’autres entreprises du secteur à s’implanter à proximité, comme ce fut par exemple le cas pour les industries aéronautiques à Toulouse. Dans une étude de 2004, l’économiste Maurice Catin, directeur du Centre de Recherche en Economie Régionale et Industrielle (CRERI) estimait que l’impact de la construction du réacteur et du fonctionnement du pôle de recherche associé sur l’emploi étaient majorés par les promoteurs du projets et peu importants, même à l’échelle départementale… Et il conseillait de « mettre l’accent sur les effets d’entraînement technologique et le rôle attracteur que ITER peut procurer à terme pouvant faire émerger dans la région un véritable système scientifico-industriel local dans la lignée des expériences de la Silicon Valley ou simplement de Grenoble ou Toulouse, et qui pourrait être un des ressorts majeurs du développement de la région ».

C’est précisément cet objectif stratégique qui a été réduit à néant par les règles de fonctionnement d’ITER et les concessions consenties par le gouvernement français et, à sa suite, par les instances de l’Union européenne. Il convient en effet de souligner l’absurdité de la position du gouvernement français d’alors, faisant d’immenses concessions pour obtenir une implantation dont l’intérêt était justement réduit à néant par ces mêmes concessions… Reste maintenant une question : le gouvernement actuel (et ses partenaires européens) aura-t-il le courage de sortir de ce piège ou va-t-il le laisser perdurer ? Financer un tel projet doit s’assortir de solides compensations. Les retombées doivent s’inscrire dans une politique industrielle globale. Les entreprises françaises de haute technologie auraient du profiter davantage des contrats d’ITER ce qui aurait eu pour effet de les booster sur beaucoup d’autres marchés. Alors que faire ? Il y a quelques jours, le 31 aout, aux Universités du MEDEF Arnaud Montebourg Ministre du redressement productif faisait un discours sur le thème du patriotisme économique. Espérons que cette formule ne soit pas une énième gesticulation politique mais qu’elle se traduise concrètement sur le terrain. Sur le dossier ITER, peut être qu’une mobilisation des acteurs publics français pour défendre les entreprises tricolores pourrait infléchir ce bilan peu brillant. Alors que le cap des 3 millions de chômeurs vient d’être franchi dans notre pays, une chose est sûre : chaque euro dépensé par la puissance publique sera examiné à l’aune de son impact en terme économique et social !

Messages

  • Bonjour etant au coeur du sujet il serait aussi interressant de regarder l attribution des marchés btp...
    beaucoup d entreprises locales esperent avoir des chantiers et au contraire de cela des sous traitants espagnol polonais roumains leurs prennent des marchés en sous evaluants les couts de l ordre de - 40%.....pour exemple une tranchz de travaux estimée aux alentour de 10mllions d euros par les deux grands groupes francais leader du btp est en passe d etre gagner par une societe espagnole qui propose 4millions d euros....cherchez l erreur