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Immigration Sarkozy sort la cravache pour ses préfets

Publie le mercredi 14 septembre 2005 par Open-Publishing

Tout répressif : le ministre surenchérissait vendredi contre les étrangers en situation irrégulière.

de Émilie Rive

Les préfets n’ont pas mis assez de coeur à renvoyer les étrangers : il ne reste que cinq mois pour expulser les 11 151 personnes qui manquent à l’objectif de Nicolas Sarkozy, qui attend donc "une entière mobilisation", "une implication personnelle" de ses subordonnés. Les mauvais élèves sont priés de s’adresser au Centre national de l’animation et des ressources pour obtenir un appui opérationnel. Les préfets sont incités à bannir tout état d’âme : "Il ne faut pas hésiter à utiliser toutes les marges de manoeuvre autorisées par la loi. Elles sont réelles." Il faut aussi "savoir résister aux pressions de tels ou tels "collectifs" ou "coordinations" qui ne représentent qu’eux-mêmes", ne pas se laisser influencer par l’entrée prochaine de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Union européenne, ni par la menace de la Cour européenne des droits de l’homme.

Les déboutés du droit d’asile seront plusieurs dizaines de milliers dans les mois à venir ? Qu’à cela ne tienne, « ils n’ont pas droit au séjour, sauf exception ». Tout le monde aura compris qu’il faut justement éviter l’exception, sous peine d’être mal noté. Le ministre liste aussi les pays récalcitrants à limiter la délivrance de laissez-passer pour rapatrier leurs ressortissants : Serbie-Monténégro, Guinée, Soudan, Cameroun, Pakistan, Géorgie, Biélorussie et Égypte seront sanctionnés, leurs habitants auront moins de possibilités de se rendre en France pour un court séjour. Autre cible ministérielle, le travail « illégal » et les marchands de sommeil. Là aussi, la réponse est à la chasse aux victimes : le séjour irrégulier doit devenir l’obsession préfectorale jour et nuit.

Pour Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme, « le ministre veut ignorer la souffrance, mais aussi ignorer les droits universels, droit au logement, à la santé, à l’éducation. Ce qui intéresse Nicolas Sarkozy, c’est la préparation de la présidentielle, donc il utilise toutes les possibilités des lois qu’il a fait voter, il mobilise tout l’appareil d’État dans le sens le plus répressif possible. Ce que nous voyons, en attendant, ce sont des enfants arrêtés dans des écoles et des familles qui brûlent dans des squats. Et c’est bien le gouvernement dans son ensemble qui est responsable de cette politique inacceptable ».

« Si le but est de harceler les étrangers, ce discours se comprend, remarque Pierre Henry, de France terre d’asile. Si son but est de régler la situation politique des dizaines de milliers personnes déboutées souvent de manière indue, ce n’est pas ainsi qu’il faut agir. J’ai l’impression que le ministre cherche l’affrontement avec les collectifs, et si on laisse faire ce face-à-face collectifs-police, on va dans le mur. Cela renvoie aux capacités des organisations et des partis de gauche à agir. » Fernanda Marrucchelli, du réseau Migration et Citoyenneté du PCF, parle de « déni de démocratie » : « S’attaquer aux collectifs, aux coordinations, c’est s’attaquer aussi à l’action des associations, des syndicats, des individus, de tous ceux qui sont un contre-pouvoir. Ce sont toujours les dictatures qui s’en prennent aux contre-pouvoirs. Aujourd’hui, le ministre fait un pas qui dépasse le simple populisme. Il fragilise toute la structure de la société. Il faut donc une riposte d’envergure des partis politiques de gauche, des organisations démocratiques. La démocratie même est en danger. »

* France terre d’asile et Forum réfugiés ont déposé vendredi devant le Conseil d’État un recours contre la liste des « pays sûrs » publiée en juin par le gouvernement. Comment, en effet, peut-on considérer la Bosnie-Herzégovine ou la Géorgie, par exemple, comme des pays sûrs, demandent-elles.

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