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Immigration : l’offensive italienne

Publie le mercredi 18 août 2004 par Open-Publishing


de Paul
Falzon


Rome relance l’idée de centres pour demandeurs d’asile sur le sol africain.

Dix jours après la tragique traversée de 100 immigrants originaires d’Afrique
noire (28 d’entre eux avaient trouvé la mort en mer en tentant de rejoindre l’Europe),
près de 300 personnes ont débarqué lundi sur l’île de Lampedusa, entre la Sicile
et la Tunisie. Le rythme des arrivées de clandestins s’est accéléré ces dernières
semaines sur les côtes italiennes.

À Rome, cette situation provoque l’agacement du gouvernement Berlusconi qui répète invariablement la même position : désormais, c’est à l’Union européenne de réagir.

L’Italie estime en faire déjà beaucoup pour lutter contre l’immigration illégale. En vertu d’un accord signé l’an dernier avec Tripoli, Rome finance une partie du contrôle des côtes libyennes. Pour le ministre de l’Intérieur Giuseppe Pisanu, il faut maintenant passer à la vitesse supérieure : créer des centres " d’accueil et de regroupement" des demandeurs d’asile dans les pays du Maghreb. C’est le sens d’une initiative qu’il a lancée la semaine dernière avec son homologue allemand Otto Schily. Les deux hommes n’ont pas immédiatement détaillé leurs propositions. Mais Otto Schilly a précisé lundi qu’il s’agissait de créer " une institution européenne qui, hors des frontières de l’Europe, recevrait et examinerait les demandes d’asile ". Cette institution serait ensuite chargée " de trouver un pays d’accueil - dans l’UE ou dans un autre pays - pour les personnes dont le statut de réfugié a été reconnu ". L’intention de l’UE est claire : " externaliser " la gestion de l’immigration, présentée comme une menace pour le continent, et faire le ménage au sein des candidats au départ.

Ceux dont la situation humanitaire ou personnelle serait jugée réellement inquiétante pourraient bénéficier d’un sésame, sachant que les pays européens durcissent un à un leur législation sur l’asile, à commencer par les Pays-Bas qui assurent la présidence actuelle de l’Union. De même, ceux qui présenteraient un profil professionnel intéressant, en fonction des besoins du continent, seraient avantagés. Les autres, c’est-à-dire l’immense majorité, resteraient sur le carreau. On voit mal ce qui les dissuaderait alors de tenter la traversée clandestine.

La prochaine réunion du G5 (les cinq plus gros pays de l’UE) consacrée aux questions intérieures, prévue pour septembre, pourrait valider la création de camps en Afrique du Nord dans le cadre d’une réforme globale de la politique communautaire d’immigration et d’asile. Déjà, la France, par le biais de Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l’Intérieur, l’Espagne, elle aussi confrontée à l’arrivée de clandestins sur ses côtes, ainsi que le Royaume-Uni ont salué le projet repris aujourd’hui par l’Italie et l’Allemagne. L’an dernier, Tony Blair avait été le premier à proposer de placer les immigrants dans des pays extérieurs à l’UE, le tout en chassant parallèlement " les faux demandeurs d’asile ". Bruxelles semble sur la même longueur d’onde. Le nouveau commissaire chargé de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité, l’Italien Rocco Buttiglione, lui-même issu de la majorité Berlusconi, vient de qualifier de " bonne idée " la création de camps au Maghreb.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-08-18/2004-08-18-398942