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Intervention de Liêm Hoang-Ngoc à la réunion nationale du 18 juin des Collectifs pour le non socialiste
Chers camarades,
L’heure de vérité, l’heure de la clarification approche. A en croire notre camarade Jean-Christophe Cambadélis, le débat opposerait la gauche radicale, adolescente et irresponsable, à laquelle il a appartenu du temps de sa jeunesse, à la gauche réformiste et responsable, à laquelle il appartiendrait aujourd’hui.
Le véritable débat n’est pas celui-ci. Le véritable débat traverse le parti d’Epinay, notre parti, dès sa fondation. Il culmina au congrès de Metz. Ce débat mettait en présence deux lignes.
La première ligne était celle qui a abouti à prolonger et à démocratiser le compromis de 1945, fortement imprégné du programme du Conseil National de la Résistance. Il donné naissance au programme commun, sœur jumelle du programme du CNR, appliqué en 1981 par une gauche unie que François Mitterrand avait su rassembler. Un programme symbolisé par la politique industrielle, la redistribution et les congés payés. Contrairement à ce qui fut dit, ce programme n’a pas échoué pour cause d’inefficacité économique. Il était bien plus efficace, en termes de relance de l’investissement, de la consommation et de la croissance que le programme libéral, appliqué à la lettre au même moment par l’Angleterre thatchérienne et l’Amérique reaganienne, où la production industrielle s’effondrait et la récession s’installait. Le programme de 1981 a subi une défaite sociale. Il fut vaincu par la spéculation organisée par les marchés financiers pour décrocher le franc vis-à-vis du mark. C’est pourquoi les socialistes choisirent ensuite la voie de l’acte unique et de la monnaie unique. Malheureusement, la bouteille européenne, qui devait se remplir de moyens financiers, d’Europe sociale et fédérale, s’est rapidement vidée après 1992 au cours d’une période où la ligne de la deuxième gauche s’appliqua en 1997.
Une deuxième gauche faite d’un mélange de catholicisme social, de libéralisme économique, de néo-saint simonisme, secoué dans un shaker produisant un liquide imbuvable aux yeux du peuple de gauche le 21 avril 2002. Un mélange fait de baisses d’impôts, de privatisations, d’épargne salariale et de discrimination positive.
Contrairement à ce que l’on dit, la gauche n’a donc pas trahi. Les deux gauches ont chacune appliqué leur programme, l’une en 1981, l’autre en 1997. Ces programmes n’étaient pas inefficaces économiquement. « Le bilan était même bon » disait-on en 2002 (bien qu’il fut aidé au cours de cette période par la baisse des taux d’intérêt et la dévaluation de l’euro...). Non ! ces programmes ont tous deux subi une défaite sociale. Le programme de 1981 fut défait par la spéculation financière. Le programme de 1997 subit la pire des sanctions, celle de l’électorat de son propre camp le 21 avril 2002, mais aussi le 29 mai 2005 !
Un 29 mai où la preuve fut faite que, contrairement à une thèse défendue par la droite du parti, il existe bien une base sociale pour l’application d’un programme qui soit un programme socialiste ! Un programme minimum, faisant l’unanimité à gauche au vu des discussions dans les réunions publiques de cette campagne référendaire, ouvrirait au moins quatre chantiers dont le creusement passait par la victoire du non :
– La politique industrielle, pour faire face à la désindustrialisation de notre pays. Celle-ci ne passe certainement pas, contrairement à ce que propose Monsieur de Villepin, par la poursuite de la privatisation de France Télécom, d’EDF et de GDF ! Elle passe au contraire par le contrôle public des entreprises stratégiques et de celles assurant une mission de service public. Elle poserait le problème du financement de l’investissement, notamment en reconsidérant le rôle de la Caisse des Dépôts et Consignations, mais certainement pas en organisant sa privatisation !
– L’abrogation des réformes de la sécurité sociale ! Mais la gauche ne peut ici en rester à des revendications syndicales. Elle doit aussi proposer un autre mode de financement de la protection sociale. Nous avons travaillé en ce sens dans Nouveau Monde, tout comme Gérard Filoche a quelques propositions en la matière.
– Une authentique réforme fiscale de gauche. Elle reposerait sur la réduction de la part de la TVA et sur l’accroissement de l’assiette et de la progressivité de l’impôt sur le revenu. L’impôt sur les sociétés pourrait également être modulé pour stimuler l’emploi dans les PME et taxer les entreprises qui délocalisent.
– Une action sur le partage direct du gâteau. La part des salaires dans la valeur ajoutée doit regagner trois à quatre points pour revenir à son niveau des années soixante-dix. La réduction du temps de travail est un autre moyen d’agir sur le partage du gâteau. Je m’adresse ici à mes camarades technocrates de la commission économique du parti pour leur dire qu’il est une mesure hautement plus efficace et symbolique que l’incompréhensible machinerie de la flexibilité-réduction du temps de travail qu’ils ont conçue (même si elle créa plus d’emplois que les traditionnelles « baisses de charges »). Cette mesure hautement symbolique pour la gauche serait la septième semaine de congés payés. Elle bénéficierait à tous tout en laissant chacun le soin de s’adapter à ses propres contraintes et à celles de son entreprise.
Vous le voyez, ce ne sont pas les idées qui manquent ici et nous aurons l’occasion, ensemble, dans le cadre de la rédaction des contributions, de les rassembler.
Pour conclure, puisque la mythologie grecque intéressait les intervenants de l’université de rentrée de Douai, je dirai deux mots sur la mythologie grecque de la vie politique française. Contrairement à ce que certains pensent, la bonne clé de lecture de la vie politique française n’est pas la Révolution russe, mais la Révolution française. A cette aune, le parti socialiste ressemble aujourd’hui au club des Jacobins en 1791, à la veille d’une insurrection tranquille qui a commencé le 29 mai 2005. Les nouveaux Girondins ont été défaits. Mes chers camarades, il reste alors aux nouveaux Montagnards à rassembler tous les sans-culottes pour refermer la parenthèse libérale !
Messages
1. > Intervention de Liêm Hoang-Ngoc , 22 juin 2005, 12:49
Monsieur l’économiste "socialiste",
– Ce n’est pas 3 ou 4 points qu’il faudrait regagner sur le partage de la valeur ajoutée par rapporta aux années 70 .
C’est de l’ordre de la dizaine de points.
– Je n’ai rien trouvé dans votre texte qui remette en cause la casse du doit de travail pour inciter les entreprises à développer la précarité du salariat, sa flexibilité.
– Je n’ai rien trouvé dans votre texte qui remette en cause la "réforme" des retraites, qui servira des pensions de misères à la majorité des salariés, avec effet des 2008 : où est la revendication du retour à 37.5 annuités pour tous ?
– Je n’ai rien trouvé dans votre texte qui remette en cause la "réforme" de l’assurance maladie, qui institue le flicage des patients et l’offcialisation d’une médecine à deux vitesses.
– Je n’ai rien trouvé qui remette en cause le fichage généralisé de la population, que ce soit par l’Etat ou les entreprises (projet INES et autres...)
Ce sont sans doute des points mineurs...
Ou sont-ce des points sur lequel le Parti Socialiste s’est déjà trop impliqué pour pour pouvoir les remettre en cause ?