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Italie : « Combattre la Camorra par une politique d’avant-garde »
Publie le vendredi 11 avril 2008 par Open-PublishingLégislatives J-3 . à Naples, la polémique sur la gestion des déchets enfle. Entretien avec Fabio Tirelli (PRC), maire de l’arrondissement Pianura.
Entretien réalisé par Gaël De Santis
Naples (Italie) Depuis l’été dernier, les montagnes d’immondices dans les rues des villes et villages de Campanie, autour de Naples, ont fait le tour du monde. En réalité, le phénomène revient régulièrement depuis la moitié des années quatre-vingt-dix. Un drame pour les habitants exaspérés par une telle situation. Et une atteinte à l’image de l’Italie, que le leader du centre droit Silvio Berlusconi ne cesse d’instrumentaliser contre le gouvernement de Romano Prodi. Et ce d’autant plus facilement que la région est dirigée par Antonio Bassolino (Parti démocrate, ex-DS). Celui-ci vient d’annoncer sa démission dans un an.
Aujourd’hui, des solutions provisoires ont été trouvées, si bien qu’on ne trouve plus de déchets dans les rues que dans certains villages de l’arrière-pays de Naples. Mais aucune solution définitive n’est pour l’instant mise en oeuvre.
Au mois de janvier, la tentative d’ouverture de nouvelles décharges a provoqué la colère de riverains. Des affrontements violents ont notamment eu lieu devant la décharge de Pisani, dans la municipalité de Pianura (Naples). Fabio Tirelli (PRC), maire de Pianura Soccavo, avait à l’époque fait partie des manifestants.
Quelles sont les causes de cette crise des déchets en Campanie ?
Fabio Tirelli. Cette crise a éclaté ici en Campanie. Mais ce pourrait être la même chose d’ici peu dans toutes les régions d’Italie. La question est de mettre en place des systèmes d’incinération ou de gazéification des déchets.
Entre la Campanie et les autres régions italiennes, la différence réside en une mauvaise gestion des décharges. D’où le manque de place et les dégâts sur l’environnement. Dans cette région, le pourcentage de collecte différenciée des déchets est très faible.
Ensuite, il y a également l’élément « Camorra » (la Mafia napolitaine - NDLR). Dans les décharges légales, et dans celles gérées par la Camorra, on retrouve des déchets toxiques, sans aucune mesure de précautions. Ces déchets ne proviennent pas seulement de Naples, mais de toute l’Italie.
La gestion de la région de Campanie, à laquelle participe Refondation communiste, est mise en cause. Que pensez-vous des accusations portées contre le président de région Antonio Bassolino ?
Fabio Tirelli. La droite instrumentalise la question des déchets. Antonio Bassolino n’est pas le responsable unique. Il est plutôt un bouc émissaire. La responsabilité est celle de l’ensemble du monde politique. Y compris de Refondation communiste qui a participé à la gestion de la Campanie. Ces dernières années, nous aussi avons été silencieux sur la question.
En janvier, les habitants de la municipalité de Pianura et vous-même avez manifesté contre la réouverture d’une décharge. Pourquoi ?
Fabio Tirelli. Dans la zone de la décharge de Pisani il y a eu une rébellion des citoyens honnêtes de notre municipalité. Les manifestations ont compté jusqu’à 5 000 personnes qui refusaient la réouverture de la décharge. Nous avions de bonnes raisons, documentées. Aujourd’hui, les conditions nécessaires à l’accueil de nouveaux déchets ne sont pas réunies.
La demande des citoyens, à savoir la bonification du site, a été acceptée. Juste après les révoltes du mois de janvier, le site a été mis sous séquestre. Et la mobilisation a porté à une décision qui a eu le soutien de la région, du Commissariat général pour « l’urgence déchets » en Campanie et du ministère de l’Environnement.
Le site ne sera plus jamais une décharge et sa gestion est désormais confiée au ministère de l’Environnement. Ce qui constitue pour nous une garantie. Il sera mis aux normes de sécurité, et les produits polluants seront traités. Les résidus liquides ont en effet atteint les nappes phréatiques.
Quelles peuvent être les solutions au problème des déchets en Campanie ?
Fabio Tirelli. Pour l’instant, une grande partie des déchets a été transférée en Allemagne. Et une petite décharge a été mise en place à Marigliano, dans la province de Naples.
Mais le problème n’est pas réglé. Il faut une solution définitive. Nous sommes en train de pousser sur le tri sélectif. Car l’ouverture de nouvelles décharges n’est pas la solution et rencontrerait l’hostilité des riverains.
En tant que municipalité, nous sollicitons l’ASIA (l’entreprise qui gère la collecte des déchets - NDLR) pour qu’elle implante des lieux de collecte différenciée. Ce sont les citoyens qui nous poussent à cela.
La région de Naples est très touchée par la Camorra. Face à ce phénomène que peut la gauche ?
Fabio Tirelli. C’est par une politique d’alternatives, par une politique d’avant-garde que la gauche doit combattre la Camorra. Pour que celle-ci ne récupère par les jeunes, il nous faut leur donner des réponses en termes de travail et d’aides sociales.
L’alternative que nous proposons en termess de société doit être concrète. Nous n’avons pas réussi jusqu’alors à la faire réellement émerger. La requalification urbaine peut être un moyen de donner un signal, celui de la présence de l’État. Car, souvent, la Camorra vient se substituer à l’État.