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Italie : le signal

Publie le jeudi 7 avril 2005 par Open-Publishing

de GABRIELE POLO traduit de l’italien par Karl&rosa

Ils ont perdu et ils le savent : non seulement les élections régionales, mais le contrôle du pays. Ils sont encore au pouvoir mais ils se sentent assiégés dans une "province" cispadane : c’est pourquoi ils seront encore plus dangereux et - si on les laisse agir librement - ils pourraient nous préparer une année terrible. Les troupes de Silvio Berlusconi sortent mises en pièces par un vote qui confirme le déclin de leur chef charismatique et met en discussion la primauté du leader à l’intérieur de sa coalition même.

En sentant venir le vent, le président du conseil avait invité à mesurer le sens politique de ce vote en consensus absolu, plutôt qu’en régions gagnées ou perdues : nous le prenons au mot et, même si à cette heure de la nuit les données dont nous disposons ne sont que partielles, sa défaite est claire et évidente. Quand le pas de tortue du Viminal (siège du Ministère de l’Intérieur, NdT) nous donnera le résultat des partis, nous découvrirons la chute de Forza Italia dans toute son évidence.

Le centre-droit a perdu le pouvoir dans quatre régions qu’il administrait, du Nord (Ligurie) au Centre Sud (Latium, Abruzzes, Calabre). Dans deux autres (Piémont et Pouilles) il s’accroche à la lenteur du Ministère de l’Intérieur, mais les prévisions le donnent perdant. Mais paradoxalement sa "défaite" la plus lourde, on l’enregistre justement dans son fief cispadan : en Lombardie - en partie aussi en Vénétie - un centre gauche résigné à une défaite peu glorieuse perd pour quelques points et l’abîme qui séparait les deux rassemblements n’existe plus. C’est cet ensemble de données qui représente un signal politique clair : bien que les élections ne soient plus l’unique indicateur de la démocratie d’un pays, le message ne peut pas être ignoré et nous dit que le soleil de Berlusconi s’est obscurci, que la démolition de la constitution matérielle et le démantèlement progressif de la constitution formelle ne sont pas appréciés, que cette "classe dirigeante" (au niveau local aussi) à été recalée. Et que même le rôle international de l’Italie, dont elle s’est tant vantée, qui nous a porté en guerre sur le char de George Bush en opposition avec tout espoir d’autonomie européenne par rapport aux Etats-Unis, n’est pas rémunératrice. Les électeurs ont puni le centre droit dans chaque élément de sa politique, en ébranlant la bonne tenue de la majorité et en préparant de sérieuses rixes internes.

Ainsi le centre gauche est passé à la caisse, en profitant de la vague du déclin de l’adversaire. Il n’a pas fait grand chose pour le mériter, il continue à vivre des désastres d’autrui. Ses dirigeants sortent rassurés du vote régional, mais ils n’en sortent pas plus audacieux : à tel point qu’ils espèrent que l’agonie de la Casa delle libertà (le rassemblement de la majorité gouvernementale, NdT) sera plus longue que celle du pape et arrive jusqu’à l’échéance naturelle de la législature. Dont la fin anticipée est crainte comme le diable, même au prix de mettre en compte d’autres désastres sociaux et institutionnels. Ils devraient avoir un peu plus de confiance en eux-mêmes et en leurs électeurs et ne pas se confier au sort en espérant que ce sera le caractère querelleur d’une majorité éreintée qui empêchera le bouleversement définitif de la Constitution sur un ton autoritaire, la régression économique et sociale ultérieure du pays, la persévérance sur la voie de la servitude militaire et idéologique à l’administration de Washington. Ils devraient tirer jusqu’au fond la leçon du vote des Pouilles - dans son genre, le plus extraordinaire parmi tous - pour comprendre qu’on peut régénérer le démocratie d’en bas - sans "frontières" à gauche -, que ce n’est pas obligatoire de gagner en perçant à droite. Au contraire. Ils devraient saisir ce signal de demande démocratique lancé par le vote pour se redonner une politique et ne pas préparer une alternance, mais une alternative. Ils ont une année devant eux pour répondre à une demande formulée depuis longtemps. Mais cette année commence aujourd’hui.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/05-Aprile-2005/art7.html