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Jacques Chirac abolit l’esclavage... ou presque

Publie le mercredi 10 mai 2006 par Open-Publishing
6 commentaires

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Circulez, y a rien à voir !
Je ne peux pas entrer ? J’étais venue faire un reportage pour le journal de mon lycée.
Non, Mademoiselle. La cérémonie est réservée aux invités.

Marianne, jeune antillaise, n’insiste pas. Le gendarme qui lui répond est si aimable. « Je ne fais que mon travail. Je suis là depuis six heures ce matin, si vous croyez que ça m’amuse... » Entre elle et lui, la grille de jardin du Luxembourg, ornée d’un grand drapeau bleu blanc rouge. Un peu trop grand ?
Ils sont nombreux, comme Marianne, à piétiner devant les grilles. Sans laisser passer ni carte de presse. Ils se font refouler poliment mais fermement par les policiers.

Un sexagénaire demande à voir « le chef de la sécurité ». Il arrive et lui parle à travers la grille. « Je voudrais remettre ces photos au président. _ Au président de la république ? _ Oui, je mène une action contre le racisme. _ Monsieur, si vous voulez donner ces photos au président, mettez-les dans une enveloppe et envoyez la lui. » Après cinq minutes de palabre, l’homme quitte la place.

Puis arrive une escouade de policiers. Ils sont chargés d’établir un périmètre de sécurité. Ils repoussent le public. Il est interdit d’entrer dans le jardin par l’entrée principale, mais il est également interdit de rester devant cette entrée. Ceux qui le souhaitent peuvent passer par une autre porte. « Mais vous ne pourrez pas vous approcher à moins de deux cent mètres de la cérémonie », préviennent les policiers.

« Je voudrais rester jusqu’à ce que le président arrive », demande une femme d’origine maghrébine. « Non, madame, reculez ! » lui répond une policière.

Un groupe de noirs s’approchent du Luxembourg. Visiblement, ils se font une joie d’assister à la manifestation. Ils sont « sapés » pour ce qu’ils croient être une fête.

Mais à peine tentent-ils de traverser la rue qu’un policier, noir lui aussi, leur ordonne : « Reculez ! Vous ne pouvez pas rester là. » Ils n’insistent pas. Ils font demi tour. L’un d’eux lance : « Il y a toujours deux sortes de gens : ceux qui peuvent entrer et les autres. »
Ceux qui peuvent entrer, nous explique un gendarme, ce sont les officiels et les journalistes accrédités.

Jacques Chirac a donc inauguré une installation (voir photo) réalisée par Léa de Saint Julien, une artiste née de mère bretonne et de père guadeloupéen.
Il a prononcé un discours sur l’abolition de l’esclavage et sur le racisme, en ce jour choisi pour commémorer l’abolition de l’esclavage. Un beau discours. Des manifestations un peu partout dans le pays. Mais pour quelles avancées concrètes ?

La loi sur l’immigration, actuellement en discussion à l’Assemblée, ne promet rien de bon. Elle durcit les conditions d’entrée en France pour les étrangers. Elle accroît les difficultés de ceux qui y résident. Et elle dégradera sans doute les relations entre ceux qui se perçoivent comme des communautés.
Le 10 mai a aussi occasionné plusieurs couacs. Le Cran (Conseil représentatif des associations noires) voulait organiser une fête place de la Bastille. Cette fête a été annulée, suite à une série de manœuvres et d’intrigues.
Les amis de Dieudonné ont également protesté : l’Élysée ne l’avait pas invité à la cérémonie du jardin du Luxembourg. Mais, finalement, il y était. Et il a jugé la cérémonie "digne d’un tournoi de pétanque." Les humoristes ont toujours le dernier mot...

Messages

  • Je viens de voir un documentaire sur la 5, à propos de l’oeuvre "civilisatrice" de Léopold II (Belgique). Comment peut-on concevoir une telle inhumanité ?

    J’en ressort désespéré, en constatant que rien n’a changé au fond : c’est juste plus faux cul.

    Les millions de morts, aujourd’hui encore. Les sans papiers traités comme des chiens. Des milliers de morts à nos frontières. Les migrants à Calais, à Dunkerque, à Lille, partout, traités pire que des chiens...Claude qui nous apporte ses témoignages de la Réunion : c’est si loin ?

    De l’UMP, au PS, les immigrés vus comme des esclaves. Ces enfants qui meurent chaque jour dans l’indifférence complice de nos gouvernants et "élites".

    Je me sens une nouvelle fois sali, meurtri. Nous sommes nombreux à nous battre : pas assez malheureusement.

    Trop facile de rejeter la faute sur quelques hommes, aussi salauds soient-ils : nous permettons ces systèmes

    Merci d’y penser et d’agir

    Patrice Bardet

    • Trop facile de rejeter la faute sur quelques hommes, aussi salauds soient-ils : nous permettons ces systèmes

      Merci d’y penser et d’agir

      mon cher patrice ,

      tout est noir , tout est sombre , il faut rever encore davantage pour qu’une minuscule lumiere subsiste , pour que nous puissions nous y raccrocher , ton texte m’a collé le bourdon , mais je veux rever encore et encore et si nous ne gagnons pas , nous aurons essayé !
      il ne nous reste que peu de temps pour nous unir , pour rever , pour nous battre et nous battre encore pour abattre ces systemes que nous n’avons que trop tolérés .

      je te salue ami ,

      claude de toulouse .

    • Patrice, Claude,

      Oui, la question de l’esclavage semble (et est) désespérante.

      Mais une partie du problème tient, peut-être, dans la façon dont nous concevons le travail : comme une forme d’exclavage.

      Autre chose est-il possible ?

    • Tout à fait d’accord avec toi. Il est temps de repenser les rapports sociaux, et en particulier le rapport au travail au lieu de se lamenter. Patrice BARDET a raison dans ses remarques mais il est le prototype du bon militant, dévoué, sérieux, fidèle à des principes qui reproduit, au travers d’organisation obsolètes, des pratiques qui aujourd’hui n’ont plus aucune utilité, sinon de reproduire les erreurs du passé, et en pire car les conditions ont changé. Il est urgent de repenser une stratégie politique (au sens noble), et de se retrousser les manches et les neurones pour jeter concrètement les bases du monde que nous voulons.

      Rémi la G.

    • Bonjour,

      J’ai moi aussi vu ce documentaire, il ne m’a pas surpris, mais m’a renseigné concrètement sur les faits oubliés ou cachés depuis longtemps.

      Mais je voulais juste donner une anecdote sur l’ampleur du travail qu’il nous reste à accomplir pour pouvoir vivre avec une telle Histoire.

      J’ai appris entre autres choses, que les chocolatiers d’Anvers vendaient des palets au chocolat (noir) en forme de main, en référence je suppose aux amputations effectuée au Congo.
      Je ne sais pas combien de Belges connaissent l’origine de cette "friandise" ?

      Et cela me ramène à la France, ou un gateau constitué de meringue (blanche) et recouvert de chocolat (noir), de forme sphérique, s’appelle "tête de nègre".
      Etant très friand de ce gateau, je demande depuis plusieurs années une "meringue-chocolat" à ma patissière préférée.
      Et lors d’une réunion familliale, une des personnes présente à qui j’expliquais cette nouvelle dénomination m’a répondue : "Oui mais y’en a marre de toute ces "bétises", sous couvert de ne pas être raciste on ne va plus pouvoir parler comme on veut, j’ai toutjours appelé ce gateau "tête de nègre" je ne vois pas pourquoi je changerais".
      J’ai bien essayé de la sensibiliser en lui donnant comme exemple, ce qu’elle pourrait ressentir, si dans un pays lointain elle entendait demander une tête de blanc dans une patisserie, mais je ne l’ai pas convaincue.

      Je sais bien que cela peu paraître anodin, mais je pense que c’est une illustration parfaite du côté sournois d’une forme de pensée qui nous vient de l’époque coloniale.

      Un Blanc mélangé Français/Arménien.

      PéKa

    • Je cite, mon propos :

      fidèle à des principes qui reproduit, au travers d’organisation obsolètes, des pratiques qui aujourd’hui n’ont plus aucune utilité, sinon de reproduire les erreurs du passé, et en pire car les conditions ont changé

      Je ne comprends pas bien ce passage, ou contraire trop bien.

      Les organisations obsolètes ? vraisemblablement la CGT, puisque j’affirme régulièrement être militant CGT. En quoi le syndicalisme CGT, son versus "lutte des classes" serait obsolète ?

      Bien au contraire : le syndicat, c’est toujours l’outil des travailleurs pour se battre collectivement, par delà leurs divergences et opinions politiques ! Cet outil est toujours aussi "moderne", quoiqu’en disent les exploiteurs de tous poils.

      Les pratiques militantes obsolètes ? lesquelles ? ce sont celles que les militants choisissent ensemble : quel peut être un meilleur choix ?

      Les erreurs du passé ? naturellement qu’il y en a eu ! Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Ce n’est pas mon avis ! L’analyse des erreurs permet aussi de progresser, et d’éviter qu’elles ne se reproduisent !

      Les conditions ont changé ? Qui le nie ? faudrait-il adopter le langage de nos patrons pour faire "moderne" ? L’exploitation des peuples aurait-elle cessée ? Il n’y aurait plus de lutte de classe ? IL n’y aurait plus, comme le patronat et nos gouvernants voudraient nous le faire croire ? Le "Marché" serait-il une "loi" humaine que l’on devrait accepter comme étant suprême et universelle ?

      Le colonialisme, le néo-colonialisme auraient-ils cessés ? L’exploitation des peuples du Sud par ceux du Nord serait-elle une notion obsolète ?

      L’immigration, le droit des individus à circuler librement, à s’établir dans le pays de leur choix, à y vivre seraient-ils des notions obsolètes ?

      La politique xénophobe menée par nos gouvernants serait-elle une notion moderne ?

      Le pillage des élites intellectuelles du SUD par les pays du Nord serait-il une notion moderne ?
      Le tri des bons immigrés, la chasse à l’homme, les barrières entre les peuples et leurs milliers de morts à nos frontières seraient-ils des notions modernes qu’il faudrait accepter ?

      La phrase est trop courte pour donner un lieu à un débat.

      Je dirai simplement que le militantisme ne s’arrête pas à la porte du syndicat, ne se réduit pas au syndicalisme.
      Personnellement, j’essaie d’utiliser ce qui est à ma portée : associations et syndicat (mes sympathies politiques sont connues, mais je ne suis pour l’instant adhérent à aucun parti), soutien actif aux sans-papiers (etc..)

      Alors les actions et les pratiques sont extrèmement diverses : le tout est de ne pas se contenter de pleurnicheries strictement personnelles, de participer à des actions communes (la croisade personnelle, quel effet ?), d’avoir des pratiques communes et non strictement individuelles.

      Pour le cas du premier commentaire que j’ai écrit, bien évidemment que je me suis allé à l’émotion ! Claude l’a justement soulevé.

      Mon militantisme ne se réduit pas, ni à ma "sincérité", ni à mes émotions : il est contitué d’actes, pas que de verbiage.