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"Je comprends que les petits veuillent casser"
Publie le samedi 4 mars 2006 par Open-Publishing5 commentaires

Des sociologues ont collecté dans un livre des témoignages d’habitants des cités à la lumière des émeutes.
par Jacky DURAND et Fabrice TASSEL
Qui mieux que celles et ceux qui ont grandi dans les banlieues peuvent capter, analyser la réalité des cités ? Quand les banlieues brûlent (1) est un ouvrage collectif de chercheurs et d’intervenants issus de quartiers du Val-de-Marne, de l’Essonne et des Yvelines. Ils reviennent sur les émeutes de novembre 2005. "Il était important d’avoir des entretiens avec des habitants et des émeutiers pour montrer qu’il n’y a pas d’un côté les méchants jeunes et de l’autre les adultes", indique Laurent Mucchielli, sociologue, chercheur au CNRS, qui a dirigé la rédaction de ce livre avec la sociologue Véronique Le Goaziou.
Dans le chapitre 3, le sociologue Eric Marlière raconte comment il est revenu dans un quartier populaire de la région parisienne où il a longtemps vécu, et qui n’a pas « flambé » en octobre-novembre. Il a interrogé une quinzaine de personnes sur la manière dont ils avaient perçu les violences urbaines. Extraits.
Les mères : l’injustice de l’institution scolaire
« Ma fille aînée a eu son bac général avec mention ! Et c’était la seule du lycée à l’avoir avec mention ! La prof d’économie en terminale lui a dit : "Pourquoi tu veux faire un concours pour aller dans une grande école ? Tu fais un BTS tourisme et c’est déjà mieux que ta mère qui fait le ménage !" Ma fille est rentrée à la maison en pleurant. Moi je travaillais à la cantine du lycée à l’époque. La prof, elle me connaissait et je la servais bien... Depuis ce jour je ne lui ai plus dit bonjour et une fois, elle est venue me demander ce que j’avais et je lui ai dit : "Ecoutez je ne suis qu’une petite femme de ménage et nous les Arabes, pour vous on est là pour faire le ménage." Alors mes enfants sont grands mais je comprends que les petits aient envie de tout casser parce que c’est pas bien ce qu’ils nous font. » (Femme d’origine tunisienne, 59 ans, 5 enfants, préretraite)
Les pères : un passé lourd à porter
« J’sais pas quoi dire ! Y a des enfants qui ne veulent pas travailler et ceux qui veulent travailler, on leur donne pas de travail ! Je ne sais si je te le dis à toi parce que je te connais mais je crois que je n’aurai pas dû partir du pays. J’étais jeune, je voulais de l’argent, en Algérie y avait plus rien à l’époque. Mais je regarde mes enfants, ils sont pas français mais ils ne sont pas algériens non plus. » (Ouvrier retraité d’origine algérienne, 71 ans, 11 enfants)
« Depuis le temps que cela devait arriver ! Cela fait 15 ans que je le dis ! Pour les jeunes y a rien, même si on dit qu’ils font rien ! Les politiciens s’en foutent. Y a pas que les jeunes qui doivent descendre dans la rue, nous les Français, on est des peureux. On a notre petite télé, notre bière et le reste on s’en fout ! » (Chômeur, 48 ans, fils d’ouvrier, 1 enfant)
Les grands frères : un sentiment revanchard
« On aurait dû accompagner les émeutes par une marche silencieuse sur Paris pour dire à tous ces politicards qu’on les soutient ces jeunes ! Y a vingt ans, c’était nous, et même si c’est n’importe quoi de brûler des voitures... je comprends ! ça fait vingt ans qu’ils ne nous aiment pas ! Je te parle comme ça et j’ai un bon boulot mais au fond je te dis ce que je pense. » (Contremaître maçon, 39 ans, marié, 1 enfant, né en Algérie)
« Moi, je m’en suis sorti, j’ai deux enfants, j’ai ma boîte de louageurs qui tourne bien, je pars en vacances et tout ça. Mais quand je vois ce que font les petits je pense à tous les mecs qui sont morts et qui n’ont pas pu fonder une famille parce qu’ils ont clamsé avant trente piges ! Ouais, y en a deux ici dans le quartier qui sont morts butés par la police, c’étaient pas des enfants de choeur, mais ils les ont tués comme des chiens ! Ils étaient arabes et c’est çà la différence ! Les jeunes dans ces quartiers, ils n’ont plus envie de vivre ça. » (Chauffeur-livreur, 43 ans, marié, trois enfants, né au Maroc)
Les jeunes non émeutiers : un sentiment de solidarité
« Franchement c’est une bonne chose ! Ouais il faut le dire ! Attends, les condés viennent ici et ils veulent faire la loi ! Ils nous parlent comme à des merdes ! Ils veulent que les bougnoules rentrent chez eux ! Si un jour ça pète ici j’irai brûler des voitures mais pas n’importe lesquelles ! Y a des racistes ici. » (Sans-emploi, 25 ans, petit trafiquant, issu d’une famille en provenance du Maroc)
« La France ne va pas s’en remettre ! La République raciste parce que cette République est raciste et élitiste ! Si t’es pas énarque ou normalien tu vas ramer toute ta vie ! Même toi t’as un bac plus 10 000 et tu manges des pommes de terre ! Moi avec mon bac plus 5 et ma tête d’arabe c’est pas gagné. J’ai bossé pendant un an dans une boîte de consulting et ils m’ont viré : ils voulaient que je change mon nom dans les rapports que je faisais (...) C’est pour ça que j’ai signé la pétition les "indigènes de la République" parce que là des sociologues peuvent revoir leur paradigme et les politiciens continuer à ignorer notre passé et notre histoire ! La France est un pays de merde et c’est pour ça que j’en veux à mes parents parce que, malgré tout ce qu’ils ont subi, ils croyaient en la France. Moi je n’y crois pas et elle est là la différence aujourd’hui. » (29 ans, titulaire d’un DESS, issu d’une famille en provenance d’Algérie)
(1) La Découverte, sortie le 9 mars.
Messages
1. > "Je comprends que les petits veuillent casser", 4 mars 2006, 15:22
France ,Belgique , Pays Bas, Allemagne ,Mon pére fut attiré par une pub ,Venez " travailler" et parti en Belgique ,la force de sa jeunesse avec lui donnat tous ces tripes pour ce pays avec la force de ces 9 enfants ,nous avons tous travailler mais sommes rester des "autres" ,notre statu est passé de celui de pauvres gens a celui de terroristes bien que typé "blanc Europeen" et de tradition familiale laic et Athée pour le grand nombre ...moi l’erreur de mon Pere de partir je l’ai réparé en revenant et je me porte bien mieux pour l’avenir me mes 3 enfants mais garde mon oeil sur labas pour tous ceux qui sont rester ...
Ramo ...Turquie
1. > "Je comprends que les petits veuillent casser", 4 mars 2006, 16:09
’Il faut lutter pour que les enfants deviennent des citoyens et non des étrangers dans leur propre pays, celui où les parents les ont fait naître et grandir .L’exil est une souffrance, et les parents qui arrivent affrontent une culture qui n’est pas la leur . Leurs enfants sont partagés entre leur amour et leur différence qu’ils refusent parce qu’ils viennent d’un mileu familial pauvre et qui ne peut pas faire grand chose pour les aider sur ce pays qui les accueille si mal. Le racisme le plus humilant c’est celui de l’argent, il est partagé internationalement.
Si on arrive pauvre dans un autre pays, on est aussi rejeté que ceux qui viennent en FRANCE, en BELGIQUE, en ALLEMAGNE ou en SUISSE, depuis un pays pauvre, quelle que soit son origine. Sortons du Communautarisme enfin, et luttons contre le fric.
2. > "Je comprends que les petits veuillent casser", 5 mars 2006, 08:32
Que veux-tu dire par communautarisme ? il me semble que le communautarisme le plus massacrant est celui que l’on ne voit pas, que l’on ne ressent pas tant il est fort et majoritaire. Communautarisme national, communautarisme normal, celui-là même auquel nous voulions tous appartenir nous les immigré-e-s de toutes les couleurs et de toutes les générations, et qui avons toutes morflé d’une manière ou d’une autre. Tous cherchaient l’abri du drapeaux du pays des droits de l’homme. (Appartenir à ce communaurisme ou s’intégrer puisque c’est le terme imposer). Les immigrés européens y sont parvenus, bien qu’ils en aient payé le prix (massacre d’Italiens à AiguesMortes,entre autreS) d’autres n’y parviennent toujours pas, parce que le communautarisme national-gaulois les refuse sous prétexte de religions ou et de couleurs de peaux avec un seul argument et qui fonctionne plein pot, c’est leur communautarisme à eux...
Qui dit communautarisme dit organisation autour d’une appartenance (couleurs, croyances ou non, loisirs etc... et nombre) dit théoriquement et entre autre, puissance. Elle où la puissance de l’organisation communautariste des immigrées afro-maghrébo-musulmans ? Où sont et quels sont les privilèges (dont bénéficie une communauté forte nombre si elle est organisée) dans la pauvreté qui est loin de n’être qu’économique que vivent les habitants des quartiers ? Dans la politique de "cantonnement" ? De camp de regroupement que sont les banlieues les quartiers ? Pour ma part qui suis immigrée depuis 47 ans, je me sers de l’histoire des Harkis et leurs familles pour mieux comprendre ma condition, en tout cas pour mieux comprendre le communautarisme national gaulois, dont la base est le racisme, car même un afro-magrébo-musulman thuné pensant faire partie de ce communautarisme-non-dit se casse le nez dessus à un moment ou un autre pour ce qu’il est non pour ce qu’il a.
Une chose de sûre je vais lire ce bouquin.
Lila
3. > "Je comprends que les petits veuillent casser", 6 mars 2006, 10:14
J’entend par communautarisme une des formes que tu décris si bien, c’est toujours le même réflexe de ceux qui se sentent "concurrencés" par ceux qui arrivent. Et ceux qui arrivent se cherchent vite des "pareils" pour se sentir moins seuls et faire nombre face aux autres. C’est une logique d’affrontement basée des deux côtés par la peur de l’Étranger à soi et aux siens. Tout le contraire des idéaux du "Pays des Droits de l’Homme" dont tu ne retiens que les discours hypocrites de ceux qui les bafouent tous les jours, en jouant ces affrontements pour leur propre bénéfice.
Vois SARKHOZY, avec l’affaire du meurtre d’Ilan HALIMI, il a réussi encore à attiser les affrontements inter-communautaires en montrant du doigt les "MUSULMANS"( antisémite, le "gang des Barbares" était fondamentaliste musulman et pro-palestinien") face aux "autres" réunis pour la "défense de la communauté juive". Cela entraîne des frustrations chez ceux qui se sentent visés en bloc à travers l’exploitation de ce crime dans la communauté dont ils se réclament (parce qu’ils se sentent rejetés ailleurs) : "Eux, ils sont mieux défendus que nous..." etc. On n’en finit pas avec la violence que le Peuple s’inflige à lui-même pour le bonheur de ses maîtres dont les intérêts électoraux du ministre de l’Intérieur... Va-t-on en finir avec cette violence, qui a détruit des nations (pas dans le sens ethnique ou communautaire) du Cambodge, au RWANDA, en passant par la YOUGOSLAVIE et l’IRAK occupé par les grands pacificateurs américains ? Moi je me définis comme salarié et citoyen en France face aux capitalistes et à leurs serviteurs. Jdesp pas plus ou pas moins Gaulois que toi, Communiste et pas communautariste. Amitiés
4. > "Je comprends que les petits veuillent casser", 7 mars 2006, 02:46
Samedi 04 Mars 2006 à 22 H 30 un magrébin a été victime d’un assassinat raciste mais lors du journal régional, on en a parlé après la mort de quelques poules victimes de la grippe alors qu’Ilan Halimi a eu l’honneur de faire la une des journaux pendants des jours et même les programmes télé si sont mis.
PETITE EXPERIENCE : Lisez cet article et dites moi si une poule victime de la grippe est plus importante. Vous comprendrez ainsi LA HAINE que l’on peut avoir au fond de nous.
Dans la banlieue de Lyon, un père de famille d’origine algérienne a été tué à la sortie d’un bar. Le tireur aurait proféré des insultes racistes.
« Il y a eu des coups de feu, mon cousin Chaib est tombé »
par Olivier BERTRAND
QUOTIDIEN : lundi 06 mars 2006
Lyon de notre correspondant
Les enquêteurs restent prudents, mais cela ressemble beaucoup à un crime raciste. Samedi soir, un homme armé d’un pistolet automatique a tiré sur deux autres hommes, d’origine algérienne, à la sortie d’un bar. La scène s’est passée à la sortie d’un bar d’Oullins, dans la banlieue sud de Lyon. L’une des victimes est décédée, l’autre a été blessée au bras. Tous avaient passé la soirée dans le même établissement, la Brasserie du commerce, à l’entrée d’Oullins. Un bar PMU décoré à l’ancienne, et qui diffuse des matchs certains soirs. Samedi, l’Olympique lyonnais jouait à l’extérieur, à Ajaccio. Dans le bar, la salle était pleine pour ce match de championnat. Chaib, qui aurait eu 42 ans cette année, était venu avec son cousin Nabyl, 31 ans, et un ami. Ils se trouvaient au fond de la salle, auraient bu trois bières dans la soirée. L’auteur présumé des coups de feu, un homme de 35 ans, se trouvait à l’autre bout de la salle, vers l’entrée, près de la vitre. Il était attablé avec son frère et un ami. Selon un témoin, ils auraient commencé à boire dans l’après-midi, carburaient « au whisky pur ». Un enquêteur confirme que les trois hommes étaient ivres au moment des faits. Selon un témoin, le patron du bar aurait prévenu des consommateurs que ces clients étaient mûrs, et armés.
Fin de match. Les deux tablées n’ont pas échangé un mot de tout le match. Pas un regard. « On ne les connaissait pas, affirme Nabyl. Je sais qu’ils étaient d’Oullins parce que je les ai toujours vus là, mais c’est tout. » Hier après-midi, des dizaines de consommateurs ont été entendus par les policiers de la sûreté départementale lyonnaise. La plupart des témoins ont confirmé que la soirée s’était déroulée dans le bar sans le moindre incident. Un seul croyait avoir entendu un échange d’insultes, quand Chaib et son cousin sont sortis du bar, vers 22 h 30, après la fin du match.
« Connerie ». Nabyl et Chaib partaient alors retirer de l’argent en face du café, pour régler leurs consommations. Nabyl raconte : « On a traversé la rue et Chaib a retiré les sous au distributeur du Crédit agricole, juste en face. C’est quand on s’est retournés pour rejoindre le bar qu’on les a vus. Ils ont traversé la rue pour s’avancer vers nous. Ils étaient trois. Il y en a un qui avait une arme à la main. Il a crié "barrez-vous, enculés d’Arabes". » Un autre a dit « arrête, tu vas faire une connerie ». Après, tout s’est emballé. « Il y a eu des coups de feu, c’était la panique. J’ai été touché, mon cousin est tombé, je l’ai pris dans mes bras. »
Chaib, touché à la tête, est décédé rapidement. Nabyl, blessé à l’avant-bras, a été opéré samedi soir. Il est sorti de l’hôpital hier matin. L’auteur aurait tiré une demi-douzaine de coups de feu, avec un pistolet automatique. Des jeunes proches de Chaib ont retrouvé hier des douilles, qu’ils ont apportées au commissariat. Un épicier a découvert deux impacts sur le rideau de fer de sa boutique.
« Après les coups de feu, poursuit Nabyl, les gars sont partis en courant. Celui qui avait l’arme a descendu une rue, les deux autres sont partis de l’autre côté. J’ai lâché mon cousin et j’ai couru après celui qui avait tiré. Je l’ai rattrapé, je l’ai tapé pour qu’il ne bouge plus, et les policiers sont arrivés très vite. » C’est une patrouille du commissariat d’Oullins qui a arrêté l’auteur, l’arme encore à la main. Le quartier a été bouclé, et les deux autres interpellés très vite. Les enquêteurs ont ensuite attendu toute la journée d’hier que les taux d’alcool redescendent, pour entendre sérieusement les trois hommes.
« Pour l’instant, indique, prudente, une source proche de l’enquête, rien ne prouve le crime raciste. L’auteur reconnaît les faits, mais il manque une explication solide. Il donne des explications très insuffisantes. Il évoque un conflit antérieur à samedi, mais reste extrêmement vague sur ce conflit. » Nabyl reste formel : aucun différend, selon lui, ne les a jamais opposés au meurtrier. Dimanche, des proches sont venus déposer des plantes et des bouquets, des petits mots, au pied d’un panneau de signalisation, près de l’endroit où Chaib est tombé. Plusieurs étaient venus, le matin, nettoyer le sang du jeune homme, sur le carrefour, choqués que personne ne l’ait fait. L’un des petits frères de Chaib est venu aussi. Hier, il restait digne, calme malgré la douleur. Son grand frère avait trois enfants, « dont une petite fille qui aura 6 ans dans quelques jours ». Il travaillait comme cariste. « C’est quelqu’un de pépère, tranquille, raconte Halim. Comme beaucoup, il a fait quelques petites conneries quand il était gamin, mais il s’était calmé. C’était un père de famille, un gars sans histoires. »
« Chauds bouillants ». L’émotion restait très vive, hier, en début de soirée à Oullins. Plusieurs membres de la famille essayaient de calmer des jeunes gens « chauds bouillants ». A l’hôtel de police de Lyon, les policiers de la sûreté départementale devaient entendre l’auteur présumé et ses comparses jusque tard dans la soirée.
AVEZ AU MOINS COMPRIS CE QUE RESENTENT LES MAGREBINS EN FRANCE ? ( au moins une partie d’entre eux. )
AFIN QUE CELA NE SE REPRODUISE PLUS ET EN MEMOIRE DE CHAIB.UNE MARCHE SILENCIEUSE EST ORGANISEE CE MERCREDI 08 MARS 2006 A 13 H 30( DE CHEZ LUI JUSQU’AU LIEU DU DRAME ) RASSEMBLEMENT PLACE ANATOLE France DEVANT LA SOCIETE GENERALE.VENEZ NOMBREUX
RIDHA A.