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Je graverai inlassablement toutes les saisons de mes douleurs...

Publie le mercredi 20 mai 2009 par Open-Publishing

De Mohamed BELAALI

Cinq mois après l’horreur des massacres de décembre /janvier derniers, le peuple de gaza dignement et dans la solitude presque totale continue à panser ses profondes blessures. Malgré la douleur et la souffrance liées à la disparition des êtres chers, malgré les privations, les restrictions, les humiliations et les sanctions collectives, l’attachement instinctif à la vie des hommes, des femmes et des enfants de Gaza est plus fort que la machine de mort d’Israël. Cette folle envie de vivre des palestiniens, vaille que vaille, à Gaza assiégée et qui manque de tout n’a d’égale que la farouche volonté d’Israël de les exterminer. Car le Grand Israël (Eretz Israel Hashlema ) ne peut être construit justement que sur les cadavres palestiniens. Cette dialectique de la vie et de la mort déroute Israël et son armée. Il s’agit là peut-être d’une nouvelle forme de résistance palestinienne : vivre pour résister et résister pour vivre.

Prise au piège de sa propre logique d’extermination, la société israélienne, élevée depuis 1948 dans la haine du palestinien, non seulement produit des fanatiques en tout genre comme par exemple Yigal Amir l’assassin de Rabin, mais choisit, pour la diriger, des hommes et des femmes qu’elle juge capables d’aller jusqu’au bout de leur mission : Benyamin Netanyahou (Le Likoud), Avigdor Lieberman (Israël Beitenou), Elie Yishaï (Shass), Daniel Herschkowitz (Foyer juif), M.Yaakov Litzman (Judaïsme Unifié de la Torah) etc.(1). Tous ces hommes sont issus de formations politiques de droite et d’ultra-droite. Mais ces qualificatifs ne sont pas assez forts : Un homme comme Ehoud Barak « socialiste » ou Tzipi Livni « centriste » (comme François Bayrou !), ont mené ostensiblement et froidement l’un des massacres le plus horrible de ce début du XXIème siècle. Que dire alors d’un homme comme Lieberman sans parler des fanatiques Daniel Herschkowitz ou Yaakov Litzman ?

Un gouvernement de cette nature n’a apparemment pas choqué la bonne conscience des dirigeants américains, européens et arabes. A. Lieberman comme les autres membres de ce gouvernement d’ailleurs ont été et seront reçus dans ces pays. Car les intégristes, les fanatiques et autres extrémistes infréquentables sont évidemment toujours du côté palestinien et d’une manière générale du côté musulman ! Pourtant tel qu’il est constitué, le gouvernement israélien représente bel et bien un véritable danger pour la paix dans la région et dans le monde.

Mais Israël nous a habitués à ce genre de dirigeants dont l’unique objectif est la réalisation du Grand Israël et la négation des Palestiniens : Ben Gourion, Moshe Dayan, Itzhak Shamir, Menahem Begin, Ariel Sharon, Ehud Olmert, Ehud Barak et bien d’autres encore. Anéantir toute entité et toute identité palestinienne reste la singularité la plus profonde de ces hommes. Leur « carrière » dans ce domaine est bien remplie. Leurs noms sont intimement liés à des lieux, aujourd’hui connus de tout le monde : Deir Yassine, Kafr Qassem, Sabra et Chatila, Jenine et Gaza pour ne citer que ceux là.

D’autres dirigeants viendront allonger cette liste macabre déjà trop longue. Avigdor Lieberman ne reprochait-il pas à Barak et à Livni « le travail inachevé » par l’armée israélienne à Gaza ? Il propose non seulement de « transférer » les palestiniens, mais surtout de « continuer à combattre le Hamas comme les Etats-Unis ont combattu les Japonais durant la Seconde guerre mondiale » en faisant clairement allusion à l’utilisation de la bombe atomique (2). L’accession de cet homme au pouvoir ne fait que refléter le vrai visage et la vraie nature d’Israël.

Combien de temps les dirigeants occidentaux et leurs médias continueront-ils à soutenir de tels gouvernements extrémistes ?
Etrange Etat où l’existence d’un peuple, le peuple israélien, doit passer nécessairement par la négation de l’autre peuple, le peuple palestinien. Le modèle d’extermination qui fonde cet Etat, structure l’ensemble des rapports de la société israélienne. Une société fermée, raciste, sans opposition ou presque, qui s’habitue de plus en plus aux souffrances qu’elle inflige tous les jours aux palestiniens, qui devient insensible à leurs malheurs, sourde à leurs cris de douleurs et aveugle à leur présence.

Elle s’entoure d’un immense mur qui, à certains endroits, atteint neuf mètres de hauteur avec des miradors armés, des tranchées, des clôtures électriques et qui lui permet en même temps d’annexer un peu plus de terres et d’isoler davantage les populations palestiniennes les unes des autres. Contre ce mur, personne ne viendra se lamenter sur les malheurs des palestiniens !

Elle sème un peu partout les checkpoints qui réduisent la mobilité des palestiniens, les empêchent de se rencontrer, de voyager et les obligent à supporter, dans l’humiliation, des files d’attente interminables. Combien de femmes palestiniennes enceintes ont dû accoucher dans ces checkpoints faute de pouvoir arriver à temps à l’hôpital ? Se rendre à son travail, à l’école ou tout simplement rendre visite à ses proches devient, dans ces conditions, une insupportable corvée.

Elle multiplie les colonies en arrachant les villageois palestiniens à leur terre au mépris de toutes les lois internationales. A leur place elle installe, dans des maisons confortables, des colons fanatisés qui peuvent admirer de leurs fenêtres des paysages magnifiques sans jamais voir le drame palestinien qui se déroule pourtant sous leur yeux.
A Washington, le 18 mai 2009, Benyamin Netanyahu expliquait fermement à Barack Obama son désir de « poursuivre la politique d’agrandissement des implantations existantes » tuant ainsi toute tentive et tout espoir de paix avec les palestiniens (3). L’ancien porte-parole de la Maison Blanche Joe Lockhart, n’avait-il pas décrit d’ailleurs le premier ministre israélien comme « l’un des personnages les plus odieux qu’il (lui) a été donné de rencontrer, doublé d’un menteur et d’un tricheur » (4).

Comme la mort doit planer constamment sur eux, les palestiniens s’accrochent de toute leur force à la vie. Chaque instant, chaque moment qui passe est, pour eux, une victoire sur la mort. La résistance à la mort et donc à l’occupant devient dans ces conditions une nécessité vitale. « Ni la faim, ni la mort ne nous feront plier et notre résistance se poursuivra » dit un slogan palestinien (3). Il ne s’agit là que d’un slogan, mais à bien des égards, il reflète une certaine réalité. Les Palestiniens que le sionisme politique ne veut plus voir sont toujours là. Plus de soixante ans d’occupation, de massacres, de nettoyage ethnique, de déportation, d’exode, d’errance à travers le monde ; plus de soixante ans que les palestiniens comptent leurs morts dans l’indifférence quasi générale, mais leur volonté à vouloir vivre sur cette terre qu’ils aiment tant et qui les a vu naître et grandir reste totale. Chaque parcelle volée de cette terre palestinienne, chaque enfant, chaque femme, chaque homme tué est gravé dans leur mémoire collective blessée. Les poètes mieux peut-être que quiconque savent traduire cet attachement indéfectible à la terre et à la vie comme l’écrivait le grand poète palestinien Toufik Zayyad :

« Je graverai le numéro de chaque parcelle

de notre terre violée

et l’emplacement de notre village et ses limites

et ses maisons qu’ils ont dynamitées

et mes arbres qu’ils ont déracinés

et toutes les fleurs sauvages qu’ils ont arrachées

afin de me souvenir.

Je graverai inlassablement

toutes les saisons de mes douleurs... » (5).

Mohamed Belaali

(1) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo

(2) http://www.japoninfos.com/Gaza-faire-au-Hamas-ce-que-les.html

(3) http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-39326023@7-37,0.html

(4) http://www.lemonde.fr/proche-orient/...

(5) http://www.humanite.fr/1998-05-14_International_Poeme-pour-ne-pas-oublier

source : le grand soir

Makhno