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L’Europe est passée à deux doigts de la catastrophe nucléaire le 25 juillet

Publie le jeudi 10 août 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

de Réseau Sortir du nucléaire

Une étincelle suffit pour déclencher l’apocalypse nucléaire !

L’Europe est passée à deux doigts de la catastrophe nucléaire le 25 juillet 2006 à cause d’un court-circuit qui a provoqué le black-out d’un réacteur à Forsmark en Suède. Selon l’ancien responsable de cette centrale, "C’est l’événement le plus dangereux depuis Harrisburg et Tchernobyl".

Alors que la panne gravissime du réacteur suédois fait la UNE de la presse en Europe, on en a très peu entendu parler en France. Le Réseau "Sortir du nucléaire" apporte donc la lumière sur le plus grave événement lié à un réacteur nucléaire depuis l’explosion de Tchernobyl, il y a exactement 20 ans.

Le 25 juillet dernier à la centrale nucléaire de Forsmark (Suède) un court-circuit dans le réseau électrique extérieur de la centrale a provoqué la perte d’alimentation électrique du réacteur n°1. Le réacteur a alors été stoppé d’un seul coup en raison de la coupure de courant. Tous les écrans de la salle de contrôle se sont éteints simultanément : les opérateurs se sont retrouvés sans les commandes face à un réacteur incontrôlé et incontrôlable.

Une seule solution pour éviter la fusion du coeur : mettre en route les quatre générateurs pour alimenter en électricité les pompes de refroidissement du réacteur. Mais aucun n’a démarré spontanément comme il aurait dû le faire dès qu’une panne de l’alimentation extérieure survient. Il semblerait que les batteries des générateurs aient été affectées par le court-circuit.

Le cœur ne pouvant plus désormais évacuer sa chaleur, s’est échauffé [1], le niveau de l’eau dans le circuit primaire a baissé de deux mètres et la pression a dégringolé à 12 bars alors qu’elle doit se maintenir à 70 bars. Dans ces conditions l’accident majeur n’est plus qu’une question de minutes. Or il faudra 23 minutes à l’équipe en place pour finalement arriver à démarrer manuellement deux générateurs de secours. 23 minutes pendant lesquelles les opérateurs n’ont pas su si le réacteur était vraiment à l’arrêt et si leurs actions avaient les conséquences voulues [2].

Pourquoi seulement deux générateurs sur quatre ont-ils finalement démarré alors que les quatre générateurs étaient de même conception ?

On l’ignore toujours.

Que se serait-il passé si aucun des générateurs de secours n’avait fonctionné à Forsmark le 25 juillet ?
La première phase de la destruction du cœur, selon les Suédois, se serait produite 7 minutes plus tard et la fusion, dans l’heure qui aurait suivi, produisant un dégagement colossal de radioactivité qui se serait disséminée dans toute l’Europe. Une fois le processus de fusion du cœur entamé, l’explosion du réacteur risquait de se produire à n’importe quel moment [3]. Le réacteur de Forsmark est bien passé très très près de la catastrophe nucléaire.

Un ancien responsable et constructeur du réacteur n°1 de Forsmark, Lars-Olov Höglund, confirme qu’il s’agissait bien d’un événement gravissime : « C’est un pur hasard si la fusion du cœur n’a pas eu lieu » a-t-il déclaré au journal suédois Svenska Dagablet [4].

Faut-il rappeler que l’organisme de contrôle nucléaire américain, la NRC [5], estime que 50 % des scénarios menant à la fusion du cœur ont une seule et même cause : la coupure de courant du réacteur [6] ?

Comme un défaut générique est très vraisemblablement à l’origine de la panne gravissime, l’organisme de contrôle nucléaire suédois a fermé préventivement trois réacteurs.
Si l’on tient compte des réacteurs fermés pour maintenance, la Suède a aujourd’hui la moitié de ses réacteurs en berne. L’Allemagne et la Finlande examinent de près chacun de leurs réacteurs nucléaires et la France, bien évidemment, ne fait rien, persuadée qu’elle est de son infaillibilité. On pourra toujours nous raconter que cela ne peut pas arriver aux réacteurs français parce que leur conception est différente mais c’est un court-circuit hors du réacteur qui a mis à genoux le réacteur suédois.

EDF et la DGSNR [7] doivent impérativement démontrer que ce risque n’existe pas en France. Jusqu’à preuve du contraire, l’accident majeur nucléaire est possible en France en raison d’un court-circuit sur le réseau électrique. En attendant, les 58 réacteurs nucléaires français doivent être arrêtés et inspectés minutieusement pour déterminer s’il y a ou non un tel défaut générique.

Oui, on peut perdre le contrôle d’un réacteur occidental récent pendant plus de 20 minutes. Oui, on risque l’accident nucléaire à cause d’un simple court-circuit. Non, les tenants de l’atome n’ont pas tout prévu. Preuve en est la déclaration de l’AIEA [8] rapportée l’année dernière par l’exploitant du réacteur suédois : « La centrale nucléaire de Forsmark est une des plus sûres au monde et il devrait être possible de la faire fonctionner pendant encore 50 ans » [9].

Belle clairvoyance !

La technologie nucléaire est extrêmement fragile par essence parce qu’elle met en œuvre une infinité de procédés plus complexes les uns que les autres, rendant les sources d’accidents multiples et imprévisibles. Le nucléaire est par nature périlleux et ingérable. Forsmarks Kraftgrupp, propriétaire de la centrale de Forsmark, l’avait probablement oublié en affirmant en 2005 qu’« un réacteur nucléaire n’est en réalité qu’une bouilloire géante » [10].

La crise nucléaire de Forsmark montre clairement que les réacteurs russes RBMK ne sont pas les seuls à être dangereux mais que, bien au contraire, tous les réacteurs nucléaires sont menaçants même s’ils sont construits par une des nations les plus développées au monde, la Suède. Le nucléaire nous fait prendre des risques ahurissants sans pouvoir assurer notre sécurité.
Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

Pour qu’on arrête de jouer nos vies à la roulette russe, exprimons notre refus de l’énergie nucléaire à nos gouvernants en rejoignant le samedi 17 mars 2007 les manifestations du Réseau « Sortir du nucléaire » contre la relance du nucléaire à Lyon, Toulouse, Rennes, Strasbourg et Lille.

Martin Leers, chargé de campagne au Réseau « Sortir du nucléaire »

Mail : martin.leers (at) sortirdunucleaire.fr

Notes :

[1] Même lorsque un réacteur nucléaire ne produit pas d¹électricité, il faut
continuer à le refroidir car des fissions nucléaires se poursuivent. A titre
d¹exemple, un réacteur de 1300 MW un mois après son arrêt produit encore 6
MW de puissance résiduelle.

[2] Rapport préliminaire de l¹organisme de sûreté nucléaire suédois
concernant Forsmark 1

http://www.ski.se/dynamaster/file_a...

[3] Notamment due à l¹émission d¹hydrogène produit par l¹oxydation du
zirconium des gaines abritant le combustible quand le c¦ur fond (cf. rapport
scientifique d’activité 2002 de l’IRSN p.28).

[4] http://www.svd.se/dynamiskt/inrikes/did_13348422.asp

[5] Nuclear Regulatory Commission

[6] HIRSCH, Helmut, Nuclear Reactor Hazards Report. p.121.
http://www.greenpeace.org/internati...

[7] Direction Générale de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection

[8] Agence Internationale de l¹Energie Atomique

[9] http://www.forsmark.com/upload/277/eng_broschyr.pdf

[10] Id.

Réseau Sortir du nucléaire ­ Fédération de 743 associations
www.sortirdunucleaire.fr - Tel. 04 78 28 29 22

Messages

  • La lecture de l’analyse du réseau Sortir du nucléaire m’a énormément surpris. Pas tant les faits, que le manque de curiosité que cet accident a suscité en France. Bien qu’opposant au nucléaire de longue date, j’avais gobé le caractère « bénin » de cet accident « classé 2 sur une échelle qui en compte 7 » et pensé que les antinucléaires allemands avaient – c’est de bonne guerre – utilisé ce énième « incident » pour mettre la pression sur le lobby nucléaire, et visiblement je ne suis pas le seul.

    La réussite de cette dissimulation nucléaire montre la capacité du lobby nucléaire à anesthésier la société à phagocyter ses anticorps. Il montre aussi la nécessité d’une « critique de l’intérieur » du nucléaire qui ne se contente pas du nécessaire rejet a priori de cette technique, mais s’appuie sur une analyse du fonctionnement concret de cette industrie. Analyse qui demande une certaine expertise, laquelle est rare dans un domaine où les experts sont pour l’essentiel des gens qui vivent de cette technique (on pourrait en dire autant des OGM, des nanotechnologies, des techniques informatiques, etc.).

    Mais la réussite de cette dissimulation illustre surtout la difficulté des opposants à la société industrielle à faire passer dans l’opinion publique des informations complexes, techniques, angoissantes et non spectaculaires… Pas d’accident ? De quoi vous plaignez-vous ? Parle-t-on des trains qui arrivent (à peu près) à l’heure ? Certes l’actualité explique en partie que la nouvelle d’un « non-accident » (même de type Tchernobyl) n’ait pas été plus commentée en France, mais puisque le traitement de la presse n’a pas été le même dans d’autres pays, il faut bien chercher une explication ailleurs. Par exemple dans l’omerta que la presse respecte, en France, sur le nucléaire.

    Il y a certes des intérêts financiers puisque Areva, EDF, etc. sont des annonceurs particulièrement généreux, mais on sent bien qu’il y a autre chose : s’attaquer au nucléaire, c’est s’attaquer à la croissance, à la consommation, au « progrès » et à l’État qui l’a construit, bref à tout ce qui fonde « notre » société industrielle et c’est beaucoup pour des journalistes. Mais c’est faire trop d’honneur aux journalistes que de les rendre responsables à eux seuls de cette omerta. Cele-ci n’est en effet efficace que parce qu’elle s’appuie sur l’apathie de l’opinion publique qui n’a pas confiance dans le nucléaire et est hostile à son développement, mais dont l’opposition reste virtuelle ou au mieux « sondagière ». Et ce n’est pas faute d’information (même si…, voir plus haut), ni faute de réflexion, mais parce que dénoncer le nucléaire pour cause de danger atomique implique d’y renoncer… maintenant. Et que cela pose des questions de société extrêmement angoissantes.

    En effet, chacun voit bien que les sympathiques énergies renouvelables ne sont pas, en termes de puissance et de disponibilité, une alternative crédible au nucléaire (ni maintenant, à l’évidence ni probablement jamais, si l’on examine les choses de plus près) et cela au moment même où la société réalise que le modèle de développement capitaliste fondé sur les énergies fossiles touche à ses limites. Faut-il renoncer au « progrès » et basculer dans une autre société, inconnue ? Ou bien ne rien changer et vivre dans la hantise d’un nouveau Tchernobyl « près de chez nous » ? En fait, il est plus confortable de se dire que « jusqu’ici tout va bien »… et d’éviter d’aller y regarder de trop près.

    On le sent bien, ce non-accident ne percera pas l’écran de l’information-désinformation, pas plus que l’écrasement ordinaire des Palestiniens, des Irakiens, etc. ne suscite ordinairement l’intérêt. Seule une bonne guerre bien saignante avec beaucoup de destruction, de sang, de fumée arrive à en faire parler, fut-ce mensongèrement. Mais le mensonge, qui est un aveu – la langue va où la dent fait mal –, c’est déjà mieux que le silence.

    Car le silence sur le non-accident (ou plus subtilement sur sa gravité) et le doux sommeil qu’il induit nous prépare sans doute des réveils fracassants… Qui donc, il y a deux mois avait prédit l’atroce et dangereuse guerre du Liban ? Et pourtant…

    • En 1997, la plupart des iles indonésiennes étaient en feu.

      On a accusé "El Ninô" d’en être le responsable.

      Or, quelques temps auparavant, j’avais suivi sur ARTE un reportage sur l’ile de Bornéo

      montrant les autochtones en train de faire du "sitting" pour empêcher les bulldozers de détruire

      leur environnement en déboisant à outrance.

      Lorsque le feu a fini par s’éteindre, sont apparus d’immenses ronds noirs laissant à supposer

      qu’El Ninô n’était pas le seul responsable (a-t-on annoncé aux informations d’un ton dégagé)

      Quelques temps plus tard, toujours sur le même ton les infos ont fait état d’un nuage au dessus

      de l’océan de trois kms d’étaisseur et d’une surface faisant 5 fois la superficie de la France

      Après le feu nucléaire, le nuage !

      J’avais lu, précédemment que 80 mini bombes atomiques de fabrication soviétique (bombes-

      valises) avaient disparus

      La façon d’éliminer les obstacles (le sitting) aura été radicale

      J’en ai été malade pendant plusieurs jours

      Michèle DRAYE

  • J’ai peur du nucléaire. Il faut en avoir peur, ne pas accorder notre confiance, car rien n’est infaillible. Dans le Sud-Ouest, et notamment près de la centrale nucléaire à Blayes, on constate un taux plus élevé de cancers de la thiroïde qu’ailleurs. Il faut vraiment en avoir peur du nucléaire. Vivement qu’on en sorte, pour se délester de ce stress insupportable.

  • Les systèmes radar de certaines bases aériennes sont équipés de générateurs "temps 0". il s’agit d’un lourd volant d’inertie de plusieurs tonnes qui tourne en permanence alimenté par le réseau et qui, lors d’une panne, sert de démarreur à des générateurs de secours. On arrive à des temps de coupure insignifiants, indispensable dans le cadre du contrôle aérien militaire. Pourquoi ne pas les rendre obligatoires sur les centrale nucléaires ?