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L’administration pénitentiaire accusée de traitements indignes

Publie le vendredi 31 décembre 2004 par Open-Publishing

Deux organismes s’inquiètent du sort réservé aux détenus placés à l’isolement ou menottés à l’hôpital.

La dangerosité , réelle ou supposée, d’une personne détenue ne justifie pas qu’elle fasse l’objet d’un traitement "inhumain et dégradant". Cette disposition tirée de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme vient d’être rappelée à deux reprises à l’administration pénitentiaire, tour à tour mise en cause par une autorité indépendante, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), et par une association, l’Observatoire international des prisons (OIP). A quelques jours d’intervalle, ils ont successivement dénoncé le traitement parfois "indigne" réservé aux détenus placés à l’isolement, ou menottés pendant leur hospitalisation.

Dans un avis adopté le 13 décembre 2004, la CNDS s’est alarmée de la durée "excessive" pendant laquelle un détenu particulièrement surveillé avait été placé, pendant plus de deux ans, au quartier d’isolement. La Commission, présidée par l’ancien président de la Cour de cassation, Pierre Truche, a estimé que cette mise à l’écart prolongée était "susceptible d’être considérée comme un traitement inhumain et dégradant", en raison notamment des "atteintes croissantes à l’intégrité physique et psychique" d’un détenu soumis à ce régime de détention.

Conformément aux textes en vigueur, la Commission recommande donc que "le maintien à l’isolement au-delà d’une période d’un an reste exceptionnel, le prolongement d’un isolement non sollicité ne pouvant être justifié ni par des intentions anciennes d’évasion (...) ni par la gravité des faits reprochés".

Elle préconise que les détenus isolés puissent bénéficier d’activités physiques et "s’inquiète" de voir s’étendre à tous les détenus mis à l’isolement la surveillance particulière des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), chargées d’intervenir en prison en cas de troubles), "à savoir des contacts de jour et de nuit exclusivement avec des ERIS en tenue d’intervention et encagoulés".

L’Observatoire international des prisons (OIP) a déposé, le 29 décembre 2004, un recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir la suspension en référé d’une circulaire ministérielle qui autorise le menottage des détenus et la présence des surveillants lors des consultations à l’hôpital (Le Monde du 25 novembre 2004).

"DISPROPORTIONNÉES"

Datée 18 novembre 2004, cette circulaire sur l’organisation des escortes pour les consultations médicales établit trois niveaux de surveillance des détenus. Le texte prévoit notamment "une surveillance constante"de la part des agents pour le niveau II à laquelle s’ajoute le recours aux moyens de contrainte (menottes ou entraves) pour le niveau le plus élevé. Pour le trajet entre la prison et l’hôpital, l’administration décidera si le détenu doit être menotté ou entravé et, dans l’affirmative, la circulaire recommande le menottage dans le dos.

Le recours de l’OIP vise également une instruction rattachée à cette circulaire qui prévoit notamment, pour les prisonniers se déplaçant avec des béquilles, que "chaque béquille doit être reliée à l’un des poignets du détenu au moyen des entraves de pied" pour éviter les évasions. Pour l’OIP, ces dispositions "portent atteinte aux droits et garanties" des prisonniers, qui risquent "de se trouver privés de soins" en raison de la réticence, voire du refus avéré des médecins à pratiquer des consultations de patients menottés dans le dos.

De telles conditions, qui porteraient atteinte à la "confidentialité" des examens, sont enfin jugées "disproportionnées au regard des impératifs d’ordre public" par l’association de défense des droits des détenus. Environ 60 000 extractions médicales ont eu lieu en 2003, rappelle l’OIP. Quinze évasions se sont produites en ces occasions, sur une vingtaine de tentatives.

Ce recours doit être examiné au mois de janvier par le Conseil d’Etat.

Alexandre Garcia

• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 01.01.05

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3226,36-392520,0.html