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L’ange gardé. Angelo d’Arcangeli, 21 ans, étudiant italien...
Publie le jeudi 5 janvier 2006 par Open-Publishing1 commentaire
Soupçonné d’appartenir à un groupe clandestin d’extrême gauche transalpin, il sort de quatre mois de prison à Fresnes.
par Karl LASKE
Juste un petit souvenir. Le lieutenant sort l’appareil photo. Angelo est assis, menotté à sa chaise, mains dans le dos. Les autres policiers font cercle autour de lui, debout, regardant l’objectif. « Mais qu’est-ce que vous faites ? » s’étonne Angelo. « Ça fait longtemps qu’on est après toi », dit le lieutenant. Les quatre policiers prennent la pose. Flash. Ils sont comme ça à la Division nationale antiterroriste (DNAT). Auparavant, le juge antiterroriste Gilbert Thiel était venu jeter un oeil sur le jeune militant maoïste. Angelo d’Arcangeli, 21 ans, de nationalité italienne, n’a confirmé que son état civil. Il refuse même de signer les procès-verbaux. « Ils me demandaient : "Et pourquoi tu as rencontré ce militant ?" se souvient Angelo. Ils avaient des photos de moi dans le RER. Ils m’avaient mis sur écoutes. Tout cela concernait une activité politique légale. Je ne me cachais pas. » « Vous avez le droit de ne pas répondre, avait averti le juge. Mais si vous ne répondez pas, je vous envoie en prison. » Angelo est parti à Fresnes pour quatre mois.
Angelo d’Arcangeli, Ange d’Archange. Le procureur n’a pas pu s’empêcher de relever. « Le nom et le prénom ne sont pas adaptés à cette personne », a-t-il signalé. Angelo a souri jusqu’aux oreilles. Le jeune Italien a été repéré par la police durant l’hiver 2004. Précédemment inscrit en sciences po à Rome, il est venu faire ses études et un peu de politique en France, au moment du passage à la clandestinité de deux dirigeants maoïstes italiens Giuseppe Maj, 66 ans, et Giuseppe Czeppel, 45 ans. En mai dernier, les deux hommes sont interpellés à Paris, en possession de faux papiers, d’un logiciel et d’une imprimante pour en fabriquer. Leurs soutiens passent dans la mire. Angelo a été vu à deux reprises relevant, à leur place, la boîte postale de la délégation du nouveau Parti communiste italien (nPCI) une organisation dela famille des partis « marxistes-léninistes-maoïstes ». Donnant un cours particulier d’italien de temps à autre, mais assidu aux rendez-vous de l’extrême gauche parisienne, il aurait été, selon le juge, l’ange gardien de ses deux aînés.
Le 19 juillet, les flics de la DNAT font une descente dans le Val-d’Oise chez Elise, la copine d’Angelo. Leur entrée fracassante fait sauter l’électricité. Ils perquisitionnent à la lueur des torches. « Je me trouvais à poil dans le lit d’Elise, se souvient Angelo. Ils m’ont braqué un pistolet sur la tête et ils ont crié "objectif trouvé !" » Un drapeau « Pace » est saisi, quelques tracts. L’intérieur de la voiture d’Angelo est démonté volant, boîte de vitesses puis laissé en l’état. Rien. Pas d’armes, pas de faux papiers. Angelo, placé en garde à vue, Elise est entendue comme témoin. Elle confirme du bout des lèvres la présence d’Angelo à quelques réunions publiques. Aussitôt sortie, elle annonce sur Internet l’arrestation de son ami. Libertaire au visage encore poupin, Elise consacre son doctorat de sciences de l’éducation à « l’oeuvre éducative de la génération de 68 », une comparaison entre la France et l’Italie. Le « caractère en béton », la « détermination » d’Angelo la séduisent. « Ça peut être très lourd mais ça fait son charme », dit-elle. Fan de Kerouac et de la Beat Generation, il est sûrement un peu « trop » marxiste pour elle, mais ça anime leurs échanges. Elise imaginait qu’Angelo sortirait libre des quatre jours de garde à vue. Devant le juge Thiel, il admet seulement être « proche » de l’organisation des « camarades Maj et Czeppel » avant de se taire. L’accusation de terrorisme qui les vise découle d’une commission rogatoire italienne sur les attentats des nouvelles Brigades rouges en 1999, dont ils étaient étrangers. Mais Angelo a récupéré le téléphone portable de Maj. Le voilà lui aussi mis en examen pour « association de malfaiteurs ». Ecroué. Elise prévient ses parents à Priverno.
A quelques dizaines de kilomètres au sud de Rome, l’abbaye de Fossanova a fait de cette petite ville un important centre religieux. Dans sa cathédrale du VIIe siècle, on peut admirer un fameux ange peint dans une crypte. Tous les ans, une procession célèbre une boîte dorée contenant une relique de saint Thomas d’Aquin, philosophe dominicain mort à Priverno en 1274. Antonio et Carmen d’Arcangeli, gérants d’un centre sportif, ont baptisé leur premier fils Angelo, comme toute une lignée d’aïeuls avant lui. Le petit d’Arcangeli fait sa première communion et sa confirmation avant de rejoindre durant deux ans l’équipe de foot junior de Padova, pour tenter sa chance dans le Calcio, comme son père. L’éloignement lui fait découvrir la politique. Et son nom. « A Priverno, les gens sont nombreux à s’appeler d’Arcangeli. J’ai commencé à penser à mes noms et prénoms en m’en allant. » Ces deux « niveaux d’ange » lui ont trotté dans la tête. « Je ne sais pas s’il existe quelque chose de l’altra parte (l’autre côté), opine-t-il, mais je cherche à réaliser quelque chose ici en pratique. » En 2003, il rédige un petit texte, le Miroir irrévérencieux, qui raconte Priverno, sa rue principale, la via Nova, et « l’indifférence » qu’il y a trouvée. Sur ce dernier point, il est démenti : le comité de soutien créé par ses parents et ses amis a recueilli 5 000 signatures. Fin août seulement, les parents obtiennent d’aller à Fresnes. « Les deux nuits avant le parloir, je n’ai pas dormi. Je me demandais ce qu’ils pensaient », confie Angelo. Le parloir est un réduit coupé à mi-hauteur par un muret. Passé les embrassades, Antonio parle de la mobilisation. « Il ne savait rien. Il était de plus en plus surpris », se souvient Antonio. « L’objectif du juge Thiel était de m’isoler : le résultat est absolument contraire, se réjouit Angelo. Mes parents sont devenus des militants ! » s’amuse-t-il. A Fresnes, seul en cellule, Angelo parvient à communiquer avec d’autres détenus politiques, basques et corses. Toujours militant : « Si Amnesty International fait un contrôle à Fresnes, elle va découvrir beaucoup de choses illégales au niveau sanitaire, prévient-il. J’ai vu des rats énormes. » Il s’associe à une grève de la faim des Basques, après le suicide en prison de l’un d’eux en Espagne. Elise reçoit sa première lettre, écrite un mois et demi avant. « Il m’écrivait qu’il supportait la prison la tête haute. »
Une voix s’élève pour dénoncer le maintien en détention d’Angelo et « l’abus de pouvoir du juge Thiel ». C’est celle du député (PS) André Vallini, ancien maire de Tullins, en Isère, ville jumelée avec Priverno. Depuis le mois d’août, l’élu aide la famille autant qu’il peut. En novembre est rendue une ordonnance de « non-prolongation de la détention » jugeant « minimes » les faits reprochés à d’Arcangeli. Une semaine après, Angelo peut quitter Fresnes.
Inscrit en sciences po à Paris-VIII, il est maintenant lui aussi sous contrôle judiciaire comme Maj et Czeppel avant lui. Pointage hebdomadaire au commissariat de Saint-Denis. Interdiction de quitter la France et de rencontrer un certain nombre de militants. « Est-ce que j’ai le droit de faire de la politique ? » demande-t-il. En Italie, les innombrables et infructueuses procédures pour « association subversive » ont poussé les dirigeants du nPCI vers la clandestinité. Pour échapper à « l’autoritarisme », être « plus libre contre l’Etat », explique Angelo. Disparaître, pour mieux agir discrètement. Un peu comme font les anges.
Messages
1. > L’ange gardé. Angelo d’Arcangeli, 21 ans, étudiant italien..., 25 janvier 2006, 01:38
Ouais, ben juste pour dire mon soutien à Angelo, pis pour preciser un truc,étant moi meme en science po paris 8 (L2), aucune info n’a filtré de la part de l’administration pour nous informer qu’un Etudiant d’chez ns était incarceré... Sur qu’ca aurait un peu bougé de notre coté...
M’enfin... j’pense que ce genre d’evenements nous demontrent bien que l’on rentre dans une nouvelle configuartion historique, ou l’Etat se voit l’besoin de resserer sa ’violence legitime’, histoire de montrer qu’il est tjs là pret à sauter sur ceux qui le remette en question.
Mais j’pense quand meme (pardon angelo), qu’la situation actuelle n’est pas de la part de l’Etat à la contre-révolution (pas pour le moment), les mvts révolutionnaires doivent donc aujourd’hui se contenter de construire l’outil insurrectionnel ,par l’agitation et la propagande...
Shoatan@gmail.com (dixit jonathan)