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L’armée mercenaire des Américains

Publie le jeudi 10 juin 2004 par Open-Publishing

D’ex-miliciens ou paramilitaires au passé douteux sont recrutés pour des tâches de sécurité.

Par Didier FRANCOIS (Libération 09/06/04)

Hilare, et pas peu fier, Sacha exhibe à qui veut son badge plastifié. Flanquant le sceau du département de la Défense des Etats-Unis, sa photo et un grade : « GS-15 », une classification équivalente au rang de lieutenant-colonel avec avantages afférents. Accès libre aux bases militaires, transport gratuit sur les avions de l’US Air Force, garde-à-vous réglementaire en prime. Le comble de l’ironie pour cet ancien ennemi juré de l’Amérique, ex-milicien serbe en Bosnie, artisan du nettoyage ethnique dans la région de Banja Luka. En d’autres temps, sous une administration précédente, Sacha aurait encouru l’opprobre de Washington et les foudres de la justice internationale. Les nécessités de la guerre ont primé sur les leçons de morale. Le voici « contractant civil de la Défense », chargé d’instruire les jeunes recrues de la future armée irakienne. Une force que les stratèges du Pentagone jurent vouloir « respectueuse des droits de l’homme ». A en juger par le curriculum vitae de ses formateurs, l’avenir de l’Irak démocratique ne se profile pas sous les meilleurs auspices.

Miliciens serbes, paramilitaires protestants d’Irlande du Nord, phalangistes libanais ou supplétifs israéliens de l’armée du Sud-Liban, tout ce que la planète compte de soldats perdus se retrouve aujourd’hui en Irak, enrôlés à titres divers dans la croisade de George W. Bush. Au total, quelque 20 000 « affreux » de toutes nationalités vendent leurs services aux forces d’occupation américaines, recyclés sous le vocable, politiquement correct, de « contractants civils ». (...)

Les « instructeurs » forment les unités irakiennes de la police, de l’armée et des différentes « forces de protection » mises sur pied par la coalition. Autant de missions qui soulagent un contingent américain trop faible, de 135 000 hommes seulement, mais qu’il est politiquement délicat de renforcer en période électorale. « Les contractants privés nous permettent d’économiser le déploiement d’une brigade », reconnaît un des généraux pilotant l’opération en Irak. En termes d’effectifs, les sous-traitants civils du département de la Défense forment, de fait, le second contingent de la coalition, devant les Britanniques.

Filon. Le marché de la sécurité en Irak rapporte gros. Très gros. Au total, Blackwater a touché 57 millions de dollars depuis 2002. Erinys a décroché un contrat de 40 millions de dollars pour encadrer 6 500 peshmergas, les combattants kurdes qui seront chargés de surveiller les installations pétrolières dans le nord de l’Irak. Un « PSD » est facturé environ 1 000 dollars par jour au client. « Les directeurs d’entreprise prennent en moyenne 50 % sur chaque affaire », explique un garde du corps français qui travaille pour une société de location de voitures blindées équipées de leur escorte armée. « Un vrai filon. Un PSD américain, britannique, néo-zélandais, australien ou français sera payé dans les 500 dollars par jour. Mais les gardes sud-africains ou les gurkhas népalais, qui composent les gros bataillons de la troupe, ne touchent pas de telles sommes. Leur salaire mensuel tourne entre 2500 et 5000 dollars. (...) Les gars de Blackwater sont à 18 000 dollars par mois. Ce sont les mieux payés. Il faut dire qu’ils font un peu partie de la maison. Ils n’embauchent que des anciens des forces spéciales ou des services secrets américains...