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L’atteinte à la liberté de la presse ou la grosse blague qui arrange tout le monde...

Publie le samedi 11 février 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

L’atteinte à la liberté de la presse ou la grosse blague qui arrange tout le monde...

Assaillis par le plus total désoeuvrement et une légère hypoglycémie, je me suis trouvé devant la TV à regarder l’émission « C dans l’air » avec Yves Calvi et Val (je ne les appelle pas monsieur, tout le monde sait que ce ne sont pas des demoiselles...). Le sujet d’actualité bien sur, la liberté de la presse, ou plus simplement la liberté face à la religion, la liberté quoi...

Le débat, comme on pouvait si attendre, à été sans aucun intérêt, chacun a joué le rôle qui lui a été distribué, sans excès ni fioritures. C’était de cette sorte de débat dont il suffit de lire le nom de intervenants pour écrire les dialogues... un débat sitcom avec ses archétypes et ses rebondissements connus d’avances. Val avec ses petits yeux de prédateur nocturne, son maxillaire surdéveloppé, ses opinions définitives et sa manie d’interrompre les monologues des autres intervenants (il avait oublié de lire le script ou quoi ?!!) présentait le parfait fanatique, face au souriant, lunetté et hautement « civilisé » avocat du conseil du culte musulman français. Pour résumer, un débat modèle de la télévision, en fait plutôt dans le haut du panier, on n’était quand même pas sur TF1.
Quand mon taux de glucide est suffisamment remonté pour que mon cerveau se remette à peu prés à fonctionner, ce débat a cristallisé en moi en sensation profonde, mais jusque-la assez diffuse, d’inquiétude pour la liberté. Ne vous trompez pas, ce qui m’inquiète ça n’est pas le sujet en lui-même, ni les événements absurdes qui ravissent les médias et qui ne sont que l’un des milliers d’épisodes pitoyable que nous propose ce monde à la con... dans lequel on est censé vivre. Sur ce sujet en particulier, j’ai une opinion qui comme souvent est transversale donc représentée par aucun des archétypes que le débat nous propose. Je la clarifie rapidement, pour éviter que l’on confonde mes réflexions qui suivent avec mon opinion ponctuelle sur le sujet du jour : La religion, le nationalisme et la peur sont la triplette infernale qui mène régulièrement l’humanité au massacre, un monde meilleur est forcément un monde débarrassé de ces trois la. En l’occurrence, je ne suis pas certain qu’encourager la bêtise pour lutter contre la religion soit une bonne idée. Je sait, quand on défends la liberté on doit aussi défendre le droit d’être con... mais de la à le devenir soi-même... c’est pas un peu abuser ? En clair j’aurais pas publié le dessin de la bombe dans le turban, pas à cause des émeutes (à choisir il vaut mieux mourir pour la liberté, la vraie, que pour le pétrole irakien non ?) mais parce que je le trouve raciste au fond ou, en tous cas, trop facilement représentatif d’une sorte de racisme et ressentit comme tel.

Ce point réglé, revenons au centre de mon angoisse : dans ce débat naturellement scénarisé, comme dans tous les autres débats médiatiques actuels, nous avons d’un coté des experts, censé représenter des opinions (groupe d’influence, « bande de brigands ») clairement affichées et le journaliste qui lui représente la balance de la justice, la voie médiane l’opinion de « Monsieur tout le monde », en l’occurrence Yves Calvi. Le problème de fonds c’est que tous les intervenants font partit d’une seule et même « bande de brigands », composée en partie des gens des médias et pour le reste « d’experts » désignés comme étant les seuls a avoir le droit de s’exprimer sur un sujet... pour l’unique raison qu’ils sont les seuls a avoir accès au médias. Comment arrive t’on à l’une de ces places, comment devient on un expert ? Simplement en passant les milliers de « test de conformité » quotidiens que chacun de nous subit et dont le résultat est un tamisage si serré, une ségrégation si fine, que la société française de l’an 2000 est plus verrouillée qu’elle ne l’était sous le règne de louis XIV.

La vraie question d’actualité pour la liberté d’expression ça n’est pas les tentatives de censure active, celle-la sont grossières et (pour le moment) on a encore la force de réagir, mais cette ségrégation permanente dans l’accès au média, la vraie censure c’est celle d’une société qui est, de moins en moins insidieusement, en train de se transformer en une société de castes. C’est un problème de fond pour la démocratie, maintenant il faut être « autorisé » pour avoir une opinion. Il faut être un expert validé par l’éducation nationale, la plus énorme machine de ségrégation et de mise au format de notre temps, et par des médias qui « appartiennent » au membres de ces mêmes castes (argent et/ou pouvoir politique). Le problème avec la liberté d’expression c’est que quand ce sont toujours les mêmes qui l’utilise, c’est plus de la manipulation ou de la propagande que de la liberté.

Comment s’étonner du taux d’abstention quand les médias martèlent à longueur de journée que seuls les « experts » ont le droit de s’exprimer et finalement d’avoir une opinion ? Les opinions deviennent comme les armes à feu, des sujets trop graves, trop sérieux, trop dangereux pour être confié à n’importe qui... évidemment on est censé être en démocratie, mais la démocratie c’est tellement mieux quand les seuls élus possibles sont ceux choisis par des partis tous également aristocratiques et que les seuls électeurs « autorisés » sont ceux qui correspondant aux normes de cette même aristocratie.

Comment s’étonner que la jeunesse de France, l’authentique jeunesse française, brûle des voitures ? Parce que ces émeutes n’étaient pas majoritairement une question d’intégration culturelle, religieuse ou ethnique, mais simplement une expression de révolte viscérale de ceux qui savent qu’ils n’ont plus rien à perdre, plus aucune chance dans ce système... mais il y a des milliers de jeunes, qui pourtant n’habitent pas tous en banlieue et ne sont pas fils d’immigrés, qui ont chaque jour envie de brûler des voitures ou n’importe quoi d’autre, parce que eux non plus n’ont pas les mots de passes et les parents qui permettent d’espérer commencer leur vie d’adulte avant leur 35éme année...

Mais ça on ne veut pas le dire parce que ça amènerait de vraies questions sur notre société, on préfère parler de ces arriérés qui cherchent à censurer la presse. C’est sans danger et quasiment tout le monde est d’accord sur le fond... y compris les gouvernement syrien et Iranien qui savent bien eux a quel point leur objectif est loin de la. Et qui, bizarrement, ont très largement utilisé les médias pour parvenir à leurs fins ! Bref, on préfère discuter d’une question tout théorique et lointaine plutôt que de problèmes concrets, chacun a pu jouer sa partition, tout le monde est satisfait du concert.

Donc ce qui est inquiétant pour la liberté ça n’est pas la censure mais, au contraire, le flot massif, la puissance brutale et uniforme de ce qui est dit. Pour faire disparaître la vérité il suffit de la noyer sous des monceaux de mensonges, de la rendre introuvable, invisible... Le danger le plus grave, le plus immédiat pour notre liberté, n’est pas en Syrie ou en Iran, il est chez nous, dans les siéges des grands médias et des partis politiques, mais face à celui-la on se sent désarmé, impuissant, isolé... on ne sait pas quoi dire !

Messages

  • Bien dit !
    C’est bien beau de dénoncer des régimes aux dérives soi-disant autocratiques ou fascisantes comme le font les médias, mais il s’agit déjà de commencer par lutter contre ses dérives-là chez soi, là où on a le pouvoir de faire quelque chose, et ce principalement comme on se désigne comme un modèle de démocratie... C’est sûr que c’est toujours beaucoup plus facile et moins dérangeant de critiquer les autres que de remettre ses propres actions en cause (la fameuse histoire de la poutre, de la paille et de l’oeil).
    Alors, sur ce, bonnes luttes à tous !!
    Amicalement et fraternellement !
    LN

  • Oui LN, il y a un peu de la poutre et de la paille...

    Mais surtout et c’est le plus grave, de la gesticulation...
    Faisons semblant de regler des problémes qui n’existent pas (la mise en danger de la liberté de la presse en occident par des "integristes religieux") et donnons nous de grands airs, plutot que de regler les problémes qui existent. Je n’ai entendu personne dire que comme c’est en iran, en syrie et par extension au liban que la liberté de la presse est mise en danger par les intergristes (et ca ca date pas de hier !!) donc il allait partir la-bas pour essayer de regler la question, ni parler de l’appropriation des médias occidentaux par des "elites", qui sont en fait plus des privilégiés que des élites... ce qui est le vrai probléme local avec la liberté d’expression.

    Voila, voilà

    TomB

    • Personnellement , mais je ne suis qu’un petit salarié niveau BEPC ! ,l’émission "C dans l’air" en question est une des meilleures que j’ai pu voir.
      Vos remarques physiques sur VAL et l’avocat ...rien sur la calvitie de GALLO ou le strabisme d’A. SFEIR ?...sont déplacées...en fait véritablement nulles.
      Pour ma part , j’ai trouvé trés convaincant VAL et GALLO (je précise que j’ai voté NON au TCE , en profonde opposition avec VAL ) A.SFEIR, au cours du débat a beaucoup mis d’eau dans son vin et l’avocat ne pas paru convaincu lui même:il semblait qu’il était le défenseur d’une mission impossible.
      Oui , vraiment un bon "C dans l’air " !! B.C.

    • OUlalalala ! on ne parle pas du tout de la même chose là...
      Ce ne sont pas des remarques physiques sur les uns ou les autres, mais des remarques, plutôt amusées, sur les archétypes particuliérement marqués qui nous étaient proposés : Des masques comme ceux de la commedia dell’arte...

      De la même façon Gallo campait le vieux briscard républicain et laicard bien que chretien (chauve effectivement et qu’on imagine fumant la pipe) et Sfeir l’arabe (levantin ? Originaire du moyen orient... le visage aussi tourmenté que cette region) non musulman, pour bien faire la distinction entre les propos racistes et ceux anti-musulmans... Je me moque donc de l’attitude de Val qui jouait l’extrémiste de gauche intransigeant (yeux de prédateurs, machoires serrées et non respect des temps de paroles) face à l’avocat qui avait le rôle du musulman modéré et instruit (souriant, a lunettes et d’une parfaite éducation...).

      Le physique, la tenue et les attitudes ne sont absolument pas des éléments neutres, les personnages publiques ne subissent pas leur image, pour l’essentiel ils l’utilisent tout autant (si ce n’est plus) que les acteurs. Les gens que l’on voit à la TV sont choisis justement parce que leurs attitudes et leurs aspects physiques etc... correspondent au message que l’on veut illustrer a travers eux. Ils ont une valeur de representation. Ne pas en parler c’est passer à coté d’une partie importante du contenu et de l’articulation du discourt médiatique.

      Pour l’émission en elle-même, en fait elle n’a aucune importance, comme ses participants au fond : ça n’est que l’exemple qui me sert à illustrer mon argumentation, donc peu importe de savoir s’il s’agit d’une bonne émission ou pas, tout autant que de savoir si les intervenants sont convaincants.

      (Pour info, je pense comme vous que l’émission « C dans l’air » est très probablement ce qui se fait de mieux dans ce domaine. C’est pour ça que je la regarde et c’est précisément ce qui en fait un aussi bon exemple pour une analyse structurelle du fonctionnement des médias. Mais Je ne suis pas critique à TV 7 jours...)

      Relisez donc mon mail en gardant ces idées en tête, ou au contraire, en oubliant complètement l’exemple, ou encore en remplaçant cette émission par une autre que vous n’aimez pas… et vous verrez alors quel est le sujet de mon post.

      Merci d’avoir exprimé votre opinion et donc de m’avoir permis de clarifier la mienne.

      TomB