Accueil > L’élastique de la guerre

de Gabriele Polo traduit de l’italien par karl&rosa
Les salariés de la BREDA FERROVIARIA de Pistoia se demandent pourquoi leur patron - la FINMECCANICA - néglige cette usine jusqu’à en mettre l’avenir en danger. Ils se doutent - avec raison - que le groupe de propriété « publique » privilégie les marchandises de guerre au détriment des pacifiques voitures ferroviaires. Quand ils lèvent la tête des lignes de montage et regardent ce qui se passe du Liban à l’Afghanistan, ils comprennent pourquoi.
Ce gâchis d’armes est l’une des plus grandes affaires contemporaines et les gouvernants du monde ne font pas un pli. Que cette affaire comporte un « gâchis » de vies est considéré comme un problème secondaire, au moins jusqu’à quand l’existence en jeu n’est pas la sienne. Mais il faudrait être moins myope, tirer quelques leçons du passé et savoir qu’on ne peut pas toujours enrayer les incendies, même par le meilleur pompier du monde.
Et savoir que la politique étrangère d’un pays comporte des choix de fond, qu’elle n’est pas une somme de généraux et d’ambassadeurs mais le résultat de ce qu’un pays est ou veut être. De ce qu’on produit et d’avec qui on s’allie. Notre politique étrangère est depuis toujours dépourvue de souffle stratégique et d’autonomie. Camillo Benso, comte de Cavour, l’inaugura ainsi : propre à un petit règne qui, en passant d’une alliance à une autre, voulait conquérir une nation. Et une fois faite - la nation - la politique étrangère resta la même, tergiversant entre les puissants et finissant par devenir substantiellement subalterne au puissant allié de service. Qui correspond depuis un peu d’années à la puissance qui s’est matérialisée dans un seul état.
En somme, ce n’est pas une politique étrangère mais un élastique auquel on est accroché, qui ne permet que de petits « éloignements ». Mais jusqu’à une certaine limite, pour ne pas déchirer l’élastique. C’est pourquoi nous pouvons partir de l’Irak mais pas de l’Afghanistan, c’est pourquoi on peut condamner les excès d’Israël mais pas sa stratégie. La limite est là, le terrain d’action est défini.
Même le gouvernement en charge - de centre-gauche et pour lequel nous avons voté - se ressentndenla théorie de l’élastique. Il peut se prévaloir de l’intelligence de son ministre des Affaires étrangères pour l’allonger un peu (l’élastique), mais il doit rester dans les limites. Quitte à devoir supporter de profondes crises de conscience de tant de ses supporteurs et de quelques parlementaires.
Mais la politique étrangère on ne la fait pas avec les crises (ou les prises) de conscience ni avec un sporadique vote parlementaire. Une politique qui sur l’Afghanistan est le miroir cruel de ce que - au moins pour le moment - nous pouvons être. Le gouvernement en charge ne tombera pas par la faute de Kabul, même pas au Sénat (même s’il obtiendra quelques voix du centre-droit). Et c’est bien qu’il en soit ainsi, parce que c’est le simple reflet de ce que nous sommes.
Mais pour être autre chose il est bon aussi de ne pas renoncer à pousser pour déchirer cet élastique, dans le parlement et surtout à l’extérieur. Pour offrir un appui à ceux qui aujourd’hui n’arrivent vraiment pas à faire plus en faisant en sorte que, éventuellement le plut tôt possible, ils trouvent le courage de retirer les troupes de tous les théâtres de guerre, de hauuser le ton vis-à-vis d’Israël pour sauver cet Etat de ses tendances suicidaires, d’œuvrer pour le désarmement du Moyen Orient.
En somme, pour commencer à avoir une politique étrangère. Les salariés de la BREDA de Pistoia en profiteraient aussi.