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L’histoire de Judith

Publie le lundi 19 juillet 2004 par Open-Publishing
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À la suite de divers articles inscrits dans un site sous le pseudonyme de Judith, dans lesquels je dénonçais les excès actuels de "la dénonciation de l’antisémitisme" en France en déclarant que la lutte contre le racisme était indivisible, un lecteur m’a déclaré qu’en tant que "juive", je devrais avoir honte d’écrire des articles anti-juifs. Alors voici l’histoire de Judith...

Le fondamental pour moi est le choix politique, celui d’une communiste, c’est-à-dire quelqu’un qui profondément marquée dans sa famille et dans sa vision du monde par la Shoa, a choisi de devenir communiste pour que si un jour l’horreur nazie se reproduisait, elle puisse la combattre armes à la main. D’où sans doute le choix de ce pseudonyme guerrier de cette héroïne de l’ancien testament qui tranche la tête de l’envahisseur. Quelqu’un qui s’il se retrouvait en camp de concentration saurait au moins pourquoi.

Ce choix m’a permis de voir le caractère universel de l’horreur nazie et y compris de ne pas l’attribuer au seul peuple allemand. Cette horreur a été précédée de bien d’autres, comme l’esclavage, où un continent entier a été pillé ou des millions d’individus ont été déportés. Dans certaines plantations des Caraïbes, ils ne vivaient pas au-delà d’un an, sans compter la manière dont toutes leurs relations, leurs cultures étaient anéanties, leur sexualité détruites puisqu’il y avait souvent une femme pour vingt hommes. Les négresses refusaient d’ailleurs d’avoir des enfants, elles avortaient, se détruisaient l’appareil généital plutôt que de faire naître des esclaves... Il y eut de savants colloques où l’on s’interrogeait sur la "faible fertilité des négresses" et des lieux où des étalons reproducteurs étaient sélectionnés.

Mais pourquoi on peut considérer la Shoa comme un degré supérieur dans cette horreur : parce que l’État y est devenu criminel. C’est-à-dire comme l’avait bien vu Walter Benjamin il y a eu l’emploi de la technologie la plus évoluée, celle de trusts comme IG.Farben, pour aller vers la solution finale. Il ne s’agissait plus seulement d’exploiter des hommes comme s’il se fut agi de simples machines comme dans le cas de l’esclavage, mais bien de détruire la possibilité même de reproduction dans la mère et l’enfant. C’est pourquoi la chambre à gaz n’est pas un simple détail, mais l’essence même de la Shoa... Les élément en sont non la pulsion criminelle du malade mental mais la rationalité étatique à l’aide de la technologie qui au lieu d’émanciper le genre humain sert la barbarie, le nazi n’a même plus de pulsion, il ne se salit pas les mains, il traite la femme, l’enfant comme des choses nuisibles.

C’est pourquoi je vois désormais cet acte là où il est et non dans un antisémitisme fantasmé : par exemple le zéro mort de l’armée américaine, où grace à une technologie aveugle, sans que le soldat risque sa vie, sans corps à corps qu’est la guerre, est rejoué réellement la barbarie nazie... Je ne dis pas que les gouvernants US soient des nazis, je dis qu’il y a une dérive des sociétés occidentale vers la barbarie nazie.

La barbarie est du côté des " valeurs occidentales " qui sont des anti-valeurs, destructrices de l’être humain, associées à l’électronique, la biologie, l’énergie, les mathématiques, etc... Ces productions ne sont pas des marchandises, mais le produit du travail millénaire des hommes de toutes les civilisations reflétant le génie créateur de l’espèce. Les technologies sont converties par l’impérialisme en barbarie technologique de guerre, hier contre le Vietnam, aujourd’hui contre les peuples musulmans. Dans la paix, la technologie est employée pour accroître le profit et rejeter comme des parias les chômeurs. Les industries des pays développés détruisent la couche d’ozone, exposent les êtres humains à la radioactivité solaire, pendant que les multinationales abattent les forêts et entraînent la contamination des eaux. Cette situation objective qui tend à s’aggraver se reflète dans la subjectivité des êtres humains. Seule la montée d’une conscience universelle contre l’usage barbare de la technologie peut sauver le genre humain.

Donc Judith a choisi de combattre l’horreur nazie où qu’elle surgisse... Et dans son esprit elle reste profondément fidèle à la tradition juive, celle des "justes"...

Le racisme qu’il frappe les juifs, les arabes, les noirs, où tout autre, est indivisible parce que justement nous sommes à ce moment de l’histoire de l’humanité. Et une lutte contre l’antisémitisme qui se retourne contre les victimes est un mal...

L’histoire de Judith c’est aussi cette anecdote : j’ai adopté un enfant alors qu’il avait 4 ans, à 18 ans il a fait sa première crise de shizophrénie. Pendant dix ans j’ai été seule pour affronter à ses côtés la souffrance de cette terrible maladie mentale. Puis un jour j’ai aidé une famille d’Algériens clandestins. Ceux-ci, sans que je leur demande rien tant j’avais l’habitude que mon enfant soit repoussé de tous, l’a pris en charge avec amitié. Avec une espèce de naïveté : quand il était bien, c’était lui, quand il agissait de manière destructrice, ce n’était pas lui, mais la maladie ! Inch Allah !" Il a été intégré au monde musulman du quartier Belzunce, certes il y avait aussi les dealers de hashish mais ceux qui étaient devenus ma famille allaient les voir, passant des compromis avec eux comme s’il se fut agi de l’ardoise chez le bougnat du coin... Non seulement depuis 5 ans mon fils n’a plus de crise, se soigne, fume de temps en temps mais ce n’est plus l’ivrognerie, il vit une vie normale, mais Djaouida est devenue ma fille adoptive, ses enfants merveilleux sont mes petits enfants. L’ainé est le meilleur de sa classe et tout le monde est convaincu qu’il va devenir un intellectuel comme sa grand mère (moi), je leur ai laissé mon grand appartement des beaux quartiers marseillais, mon fils a récupéré leur deux pièces dans le quartier arabe où les voisins l’admettent, le traitent avec amitié alors que dans tous les logements antérieurs il avait été poursuivi par la haine et la peur des voisins. Mes enfants ont leurs papiers, ils ont un travail, habitent une belle maison où ils reçoivent tous leurs amis autour d’un coucous avec mon fils et sa compagne... La semaine dernière mon petit fils d’adoption a eu "le baptême" en clinique, et en se réveillant il a réclamé son tonton, mon fils. On a fait la fête en habits de satin, les mains et les pieds décoré au henné...comme le peti héros de la fête qui ressemblait à un Spahi ! Ma mère est juive proclame ma Djaouida...

Désormais je sais encore plus que la solution est dans la recherche de la paix et du dialogue dans la justice, ici comme ailleurs, cela seul peut abolir les peurs, les haines qui sont la maldie mentale de notre civilisation... Les rassemblements unanimes contre le malade mental comme dans M.Le Maudit, pour mieux ne pas voir les crimes d’ÉTAT, la propagande qui transforme les victimes en criminels...

Alors quand je vois mes enfants joyeux, mon fils malade mental qui se bat contre sa maladie, ma fille Algérienne et son mari, ses enfants devenus Français et que je mesure à quel point cette propagande indigne peut leur faire du mal, la colère m’envahit et mon analyse politique rejoint mon vécu pour dire : "Plus jamais ça !" d’où que cela vienne...

" Judith "

Messages

  • C’est une très belle expérience de vie que tu nous racontes là, ne changes pas, tu as raison sur les dangers qui nous guident vers la séparation des peuples. Le mélange est l’avenir (le présent ?) de nos sociétés, et c’est aux peuples du monde de décider de leur sort !
    Une communiste (donc forcément révolutionnaire:o) athée, française d’origine algérienne, avant tout INTERNATIONALISTE.
    fraternellement !

  • Magnifique leçon d’humanité

    Patrice