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L’imam Sadr est prêt sous certaines conditions à retirer ses forces de Nadjaf

Publie le vendredi 13 août 2004 par Open-Publishing

L’imam Sadr pose ses conditions pour un retrait de Nadjaf

Par Khaled Farhan

BAGDAD/NADJAF, Irak - L’imam radical chiite Moktada Sadr est prêt sous certaines conditions à retirer ses forces de Nadjaf, où de violents combats avec les forces américaines, à proximité de lieux vénérés par les chiites du monde entier, ont provoqué vendredi des manifestations en Irak et en Iran.

Sadr est prêt à se retirer de la ville sainte si les troupes américaines la quittent elles aussi et si les autorités religieuses acceptent de prendre en charge ses sanctuaires, a fait savoir l’un de ses porte-parole, le cheikh Ali Smeïsime.

Ce dernier a ajouté que Sadr exigeait la libération de ses partisans détenus par les forces américaines et une amnistie pour ses miliciens, qui combattent depuis neuf jours l’armée américaine dans plusieurs villes d’Irak.

Selon Smeïsime, Sadr réclame également pour ses miliciens le droit de participer au processus politique dans le pays et le rétablissement des services de base à Nadjaf.

Le gouvernement intérimaire irakien avait fait savoir auparavant que Sadr était en train de négocier son départ de Nadjaf, mais on ignore toujours, au vu d’informations contradictoires, s’il a bien été blessé dans un raid américain.

Des porte-parole de Sadr ont déclaré qu’il avait été blessé dans un bombardement aérien, mais que sa vie n’était pas en danger. Selon le ministre de l’Intérieur, Falah al Nakib, en revanche, Sadr n’est pas blessé, et une trêve est en vigueur à Nadjaf depuis jeudi soir.

INDIGNATION DES CHIITES

Quant aux hommes armés qui avaient enlevé un journaliste britannique du Sunday Telegraph à Bassorah (Sud) et menacé de l’exécuter dans les 24 heures si les forces américaines ne se retiraient pas de Nadjaf, ils l’ont finalement libéré à la suite d’une médiation de l’entourage de Sadr.

Brandon a été conduit à Bassorah au bureau local de l’imam Sadr. "Je suis reconnaissant envers l’Armée du Mehdi (la milice de Sadr), et je suis en bonne santé à présent", a déclaré Brandon peu après sa libération.

Brandon, qui porte un cocard à l’oeil, a dit avoir été traité avec rudesse au début de sa captivité.

Des manifestations contre l’intervention militaire américaine à Nadjaf ont en outre eu lieu dans cinq villes - Diouaniah, Bagdad, Koufa, Samaoua et Falloudja - où certains ont réclamé la démission du Premier ministre irakien Iyad Allaoui.

A Téhéran également, des milliers manifestants ont protesté contre les actions militaires américaines en Irak aux cris de "Mort à l’Amérique !".

Un porte-parole de Sadr, Ahmad al Chinabi, a déclaré qu’il avait été blessé vers 00h30 GMT dans la nécropole de Nadjaf, où ses hommes sont retranchés. Selon lui, l’imam a été touché à la poitrine, au bras et à la jambe.

Mais le ministre de l’Intérieur a démenti ces allégations, affirmant qu’une trêve était en vigueur depuis jeudi soir à Nadjaf. "Personne ne fera de mal à Moktada s’il quitte le mausolée de façon pacifique", a-t-il dit.

Des habitants ont fait état cependant de combats, cette nuit, dans le centre-ville, où le calme serait revenu depuis.

BOMBARDEMENTS A FALLOUDJA

Le porte-parole de l’armée américaine en Irak, le général Erv Lessel, a affirmé pour sa part que des opérations de "nettoyage" étaient en cours pour isoler les miliciens à Nadjaf, mettant en doute la réalité d’une trêve.

Lessel a déclaré par ailleurs qu’il ne pouvait confirmer que Sadr était blessé. Il a dit que les forces américaines avaient reçu pour instruction de ne pas chercher à l’atteindre.

A Koufa, ville située à une dizaine de kilomètres de Nadjaf, les forces de sécurité irakiennes ont tué plusieurs personnes dans un raid contre un bastion de Sadr, a déclaré à CNN le capitaine de "marines" Carrie Batson.

Des avions américains ont bombardé par ailleurs pour la deuxième journée consécutive la ville de Falloudja, située à l’ouest de Bagdad, faisant quatre morts, dont deux enfants, a-t-on appris auprès de témoins et de responsables hospitaliers.

L’armée américaine a dit ne pas être au courant de tels raids. Falloudja est un bastion de la résistance sunnite à l’occupation américaine.

Même si le gouvernement dément que Sadr ait été blessé, la nouvelle pourrait enflammer la communauté chiite irakienne, dont l’obédience est majoritaire face aux sunnites, autrefois favorisés par le régime de Saddam Hussein.

Selon des analystes, le mouvement animé par Sadr jouit d’un tel soutien au sein de la population irakienne que la seule neutralisation de son dirigeant ne suffira pas à le réduire au silence.

"Le problème, c’est que l’ennemi qu’ils tentent de vaincre est à bien des égards indestructible", estime Gareth Stansfield, membre du Royal Institute of International Affairs.

"Son mouvement est tellement influent, et étendu, que même s’ils arrivent à arrêter ou à tuer Sadr, une autre personnalité en sortira."

Pour Toby Dodge, expert de l’Irak auprès de l’Institut international des études stratégiques de Londres, Allaoui et les Etats-Unis veulent, avec l’offensive sur Nadjaf, adresser un message aux centaines de milliers d’insurgés que compte le pays.

"Il veulent marquer la limite. C’est une pièce de théâtre sanglante", dit-il.

Selon lui, Sadr a réussi à faire ce qu’aucun homme politique irakien n’a fait depuis l’invasion américaine de l’an dernier : créer un mouvement de masse et attirer l’attention d’une majorité de l’opinion publique irakienne.

"Tuez-le, arrêtez-le ou intégrez-le, son organisation sera toujours là et pourra être utilisée par quelqu’un d’autre", assure-t-il. (Reuters)

http://fr.news.yahoo.com/040813/85/409zv.html