L’offensive contre Gaza pourrait durer des semaines

De Pierre Barbancey

L’armée israélienne a poursuivi, hier, son offensive dans le nord de la bande
de Gaza, où un tir de missile a tué au moins six Palestiniens, dont un commandant
opérationnel du mouvement de la résistance islamique Hamas. Le bilan de l’opération « Jours
de repentir », l’une des plus meurtrières depuis le déclenchement de la deuxième
Intifada, il y a quatre ans, dépasse désormais les 72 morts côté palestinien,
sans que cela n’émeuve outre mesure la communauté - internationale. La France « condamne
l’opération israélienne », a bien dit la porte-parole du Quai d’Orsay, Cécile
Pozzo di Borgo, rappelant les propos de son ministre selon lequel « il n’y a
pas d’issue au conflit dans la violence. Il faut que cesse cette violence et
il faut regagner la table des - négociations »

Créer une zone tampon

Aux Nations unies, Kofi Annan a exhorté Israël à mettre fin à ses raids dans Gaza, « qui ont provoqué la mort de dizaines de Palestiniens, dont de nombreux civils », mais il a également demandé à l’Autorité palestinienne d’agir pour empêcher les tirs de roquettes contre - Israël. Des déclarations qui ne sont pas suivies d’actes concrets et qui avalisent chaque jour un peu plus la mort de la « feuille de route » dont le « quartet » (Union européenne, Russie, États-Unis et ONU) est pourtant le garant. Or, sans mesures contraignantes, voire coercitives, et surtout sans protection du peuple palestinien, tout le monde sait qu’Ariel Sharon poursuivra son but, quel que soit le prix en pertes humaines, essentiellement palestiniennes comme en témoignent les chiffres : depuis le début de l’Intifada en septembre 2000, 4 428 personnes ont été tuées dont 3 404 Palestiniens et 953 Israéliens (source AFP).

Fort du quasi-silence international, le gouvernement israélien a d’ores et déjà fait savoir qu’il entendait « autant que nécessaire » poursuivre son opération militaire qui vise à établir une « zone tampon » dans la ville de Gaza, officiellement pour mettre les villes israéliennes hors de portée des tirs de roquettes.

Depuis le déclenchement de l’offensive, le 28 septembre, quelque 200 chars et véhicules blindés ont permis à l’armée israélienne de s’emparer d’une zone de neuf kilomètres carrés dans le nord du territoire palestinien. Des drones israéliens et des hélicoptères survolaient le camp, lundi matin, ouvrant le feu à la mitrailleuse lourde ou tirant des roquettes sur les Palestiniens qui s’aventuraient hors des ruelles étroites, alors qu’une épaisse fumée noire suffocante se dégageait de dizaines de pneus brûlés. Dans chaque quartier, des dizaines d’habitants affluaient dans des maisons ou des tentes montées par les familles des « martyrs » pour recevoir les condoléances. Des voitures de la Croix-Rouge internationale distribuaient eau et vivres aux habitants des quartiers les plus sinistrés, privés d’eau et d’électricité. De nombreuses incursions ont été menées parallèlement dans le camp de Djabalia, le plus important camp de réfugiés de la bande de Gaza, où la population est estimée à 100 000 habitants. La ville de Beit-Hanoun a également été encerclée par des blindés.

L’humiliation de tout un peuple

« Nous continuerons tant qu’il faudra. Nos forces sont prêtes à poursuivre cette opération non pas des jours, mais des semaines », a prévenu dimanche soir le chef d’état-major israélien, Moshe Yaalon, lors d’une inspection des troupes déployées dans la bande de Gaza, malgré les propositions de certains dirigeants du Hamas de cesser les tirs si Israël arrêtait ses opérations militaires. « Dans la guerre contre le terrorisme, on ne résout pas le problème en une opération mais par une suite d’opérations successives et nous continuerons (d’opérer) le temps qu’il faudra », a-t-il poursuivi. L’un des commandants des forces engagées dans l’opération, le colonel Eyal Eisenberg, a indiqué : « Si on nous le demande, nous prendrons d’assaut et occuperons le camp de réfugiés de Jabaliya et Beit-Hanoun. »

« Tant que les Palestiniens ne comprendront pas qu’ils se fourvoient (en poursuivant les tirs de roquettes contre Israël), nous continuerons à leur en faire payer très cher le prix », a-t-il ajouté. « Les roquettes Kassam existeront tant que l’occupation existera », a lancé, peu après, Mouchir Al Masri, un porte-parole du Hamas. D’ailleurs, malgré le déploiement de l’armée et les appels du président de l’Autorité palestinienne, des roquettes artisanales tirées depuis la bande de Gaza continuent de tomber dans le sud d’Israël. L’humiliation permanente, l’occupation ne sont pas des terreaux pour la paix. Sharon le sait. En focalisant l’attention du monde sur la bande de Gaza, il fait oublier la construction du mur, pourtant illégal, et son annexion des meilleures terres de Cisjordanie. Autant dire la mort d’un peuple.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-05/2004-10-05-401839