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L’union n’est pas la fusion…

Publie le lundi 1er janvier 2007 par Open-Publishing
4 commentaires

L’objectif d’un Rassemblement antilibéral et unitaire reste valide, la question est de trouver les formes institutionnelles permettant à tous ceux qui se retrouvent dans cet objectif de soutenir une lutte difficile et de longue durée. Ces formes institutionnelles doivent respecter les organisations (partis, syndicats, mouvements et associations) qui y participent : leur fusion (disparition dans un ensemble plus vaste) n’est pas à l’ordre du jour, la nature de leurs combats respectifs et leur histoire sont trop différentes aujourd’hui pour se résumer à l’antilibéralisme.

L’objectif du Rassemblement antilibéral et unitaire est valide car le capitalisme a atteint un niveau de développement où les inconvénients deviennent à l’évidence supérieurs aux avantages : dans sa phase financiarisée et mondialisée le capitalisme en tant que forme de production a basculé désormais d’un capitalisme de développement, entrepreneurial où il exploitait le travail humain à un capitalisme largement prédateur et terriblement destructeur. Cette capacité destructrice et prédatrice a été induite par des décisions gouvernementales historiques : abandon d’une monnaie-étalon qui favorise le dollar US et donc le foyer principal du libéralisme, refus de contrôler les transferts de capitaux, refus de supprimer les paradis fiscaux qui font le lien entre toutes les mafias du monde et les capitalistes.

Aujourd’hui, ce mouvement libéral amplifie encore ses effets négatifs par la suppression de toutes les lois qui considèrent que les entreprises ne sont pas des marchandises : les nouvelles règles comptables internationales sont établies pour donner une valeur à chaque entreprise au jour le jour, l’entreprise peut être ainsi achetée ou vendue immédiatement. La montée en puissance des bourses actuellement privatisées, leur fusion internationale, les opérations de fusions-acquisitions-destructions d’entreprises deviennent massives, les actionnaires ont pris le pas sur tous ceux qui se préoccupent de produire quelque chose avant de fixer le profit à en tirer, les donneurs d’ordre (grandes entreprises) exploitent les sous-traitants en cascade. Les services publics sont cassés ou ne sont pas créés, car ils mettent des domaines de profit hors marché et ils empêchent les actionnaires d’avoir des rentes énormes sur les distributions essentielles du monde moderne (électricité, gaz, communications, etc.). Les centres de recherche sont délocalisés en Inde ou en Chine : les capitaux ne sont plus investis en France où ils ne rapporteraient que 3 à 6 % alors qu’ailleurs ils rapportent 10 à 20 %... Ainsi le mouvement de délocalisation touche non seulement la main-d’œuvre la moins qualifiée mais aussi la plus qualifiée.

Il est donc vital de se rassembler et de lutter contre ce libéralisme économique, exactement comme entre les deux guerres on s’est rassemblé dans la lutte antifasciste, sans avoir pour objectif la fin du capitalisme pourtant source du fascisme. Exactement comme après la guerre le programme du Conseil national de la Résistance a été mis en œuvre, bloquant partiellement en France les ravages du libéralisme et maintenant vivante une solidarité grâce à la sécurité sociale, aux retraites par répartition et par les services publics. Que ces principes soient inscrits dans le préambule de nos constitutions de 1946 et de 1958, que la droite et son libéralisme ne soient pas encore parvenus à totalement les détruire n’est pas anodin, la lutte antilibérale passe donc aussi par le respect de la constitution, même celle de 1958, qui est à démocratiser !

Pour réussir dans cette lutte, il est nécessaire de rassembler très largement et ne pas supposer résolus les problèmes d’organisation avant de les avoir posés.

Or, la réussite des textes Ambitions-Stratégie-Candidatures et Ce que nous voulons a masqué l’inorganisation du Rassemblement antilibéral et unitaire qui n’a pu surmonter divers obstacles institutionnels fondamentaux. D’où maintenant une recherche improductive de responsables voire de boucs émissaires, de manipulations diverses à défaut d’analyse politique et institutionnelle.

Ces faiblesses institutionnelles sont multiples à mon avis.
a/ Avoir réuni des organisations différentes (partis, syndicats, mouvements divers, associations) sans préciser leurs responsabilités et sans dire non plus que leur existence serait respectée (pas de création subreptice d’une force ou d’un parti au-dessus des organisations signataires). Le Rassemblement antilibéral et unitaire est un collectif d’organisations à parité, chacune comptant pour un dans le collège des organisations. Les responsabilités de ce collège des organisations auraient dû être précisées et débattues.

b/ Avoir organisé des réunions nationales avec des débats non centrés sur les questions du moment et les décisions à prendre, où les comptes rendus des collectifs, disponibles par écrit, ont occupé l’essentiel du temps de parole et où en définitive les décisions ont été prises par le collectif national sans aucune transparence mobilisatrice.

c/ Avoir projeté la désignation d’un collectif de candidats sans l’avoir organisée concrètement (évocation dans Ambition-Stratégie-Candidatures, puis encore une mention dans la méthode de discussion sur les candidatures et enfin disparition dans le complément de méthode pour la seconde phase), cet objectif a progressivement été perdu de vue au fur et à mesure que les difficultés pour désigner un candidat ont augmenté, la direction de la campagne qui aurait pu être assumée par ce collectif de candidats, et d’autres structures associées, s’est trouvée sans boussole.

d/ Avoir appelé à la déclaration de candidatures sans en définir les règles, sans impliquer formellement les organisations signataires de l’Appel dans cette désignation. Admettre des candidatures individuelles est venu brouiller le débat et déresponsabiliser un peu plus les organisations.

e/ Avoir estimé que des critères devaient permettre de définir ensuite le meilleur candidat et avoir abandonné le travail de clarification de ces critères sans un vote sur ceux-ci et leur importance relative (cf. analyse de Joumard). Ce qui a laissé la porte ouverte à des interprétations divergentes sur les délibérations, riches, des collectifs locaux.

f/ Avoir la certitude que l’animation de la campagne passe aussi par internet et ne pas avoir organisé démocratiquement le site de campagne, en répartissant les tâches et en mobilisant les compétences. Des collectifs locaux avaient des sites mieux organisés ou plus vivants que le ou les(?) sites nationaux. La tentative de wiki est restée inopérante.

g/ Avoir estimé que la campagne pouvait se suffire d’un débat sur le programme sans l’inscrire dans les luttes actuelles : aucune expression publique sur les expulsions, les casses d’entreprises ou leur rachat par des fonds de pension, l’augmentation urgente, immédiate, du pouvoir d’achat, la défense du service public, le refus de la fusion GDF-Suez et la privatisation de GDF ou celle d’EDF ensuite, etc.

Dans ces conditions, les collectifs antilibéraux ne pouvaient entraîner la grande majorité des militants du PCF et des autres organisations : le Rassemblement antilibéral et unitaire est apparu comme un regroupement de minoritaires, de rêveurs, de gauchistes et de spontanéistes, avec quelques intellectuels… pas vraiment rassurant et ouvrant la porte à toutes les suspicions.

Dans ces conditions chercher un coupable, le PCF, la LCR, Bové ou X ou Y n’est pas la bonne méthode, c’est au contraire la seule pour aggraver la situation et empêcher durablement les militants antilibéraux et unitaires de se réunir et d’agir.
Défendre l’idée d’une VIe république sans être capable de surmonter ce genre de difficultés institutionnelles n’inspire pas non plus un enthousiasme puissant !
Si nous voulons que le Rassemblement antilibéral et unitaire se poursuive, il faut, à mon sens, résoudre ces questions qui sont aussi posées par la campagne des législatives et les suivantes (ce qui pourrait aider à la clarification de la position des collectifs dans la campagne présidentielle).

Il faut donc que les collectifs locaux d’une circonscription puissent donner leur avis sur toutes les questions débattues, qu’ils assument le support matériel et politique des campagnes (législatives et municipales). C’est une vaste réflexion à mener dans des délais très courts pour être efficace.

Le Rassemblement antilibéral et unitaire est-il capable de repartir du bon pied ? De lever les ambiguïtés et de définir un fonctionnement institutionnel conforme à ses objectifs démocratiques et de lutte, respectueux de l’identité de chacune des organisations signataires, de leurs militants et des citoyens intéressés ?

Messages

  • Avoir estimé que la campagne pouvait se suffire d’un débat sur le programme sans l’inscrire dans les luttes actuelles : aucune expression publique sur les expulsions, les casses d’entreprises ou leur rachat par des fonds de pension, l’augmentation urgente, immédiate, du pouvoir d’achat, la défense du service public, le refus de la fusion GDF-Suez et la privatisation de GDF ou celle d’EDF ensuite, etc.
    C’est pour moi une caracteristique principale de l’echec.
    Les initiateurs ont sous estimé le degré de casse sociale et surestimés l’ampleur de la dynamique unitaire en mythifiant les mobilisations sociales anterieures comme les resultats du referendum.Ils ont refusé de comprendre qu’un programme dans les conditions actuelles de suspicion du politique ne peut etre credible que s’il s’ebauche en actes concrets visibles par tous et que la seule veritable rupture qui le rend credible est la.Tout le reste ne sont ques des mots.
    Les orphelins n’ont qu’une alternative s’investir dans toutes les luttes locales et les developper en un vaste mouvement federateur par un objectif d’ensemble ;le revenu garanti inconditionnel pour tous (jeunes ;chomeurs,retraites,precaires,paysans,
    independants etc.).Ce n’est pas un hasard si cet objectif est abscent des 125 propositions.Ce n’est que le resultat de la separation d’une partie essentielle de la realité vecue et subie par la majorité.

  • Bonjour,

    votre entreprise serait infiniment plus viable si elle était un collectif anti ultralibéral ouvert car le libéralisme est un mode de fonctionnement qui peut inspirer une économie modérée par des mécanismes sociaux raisonnables et de défense du patrimoine productif et de l’emploi comme de la créativité d’un peuple qui veut rester libre.

    Pour donner à une telle entreprise les chances d’un Conseil national de la Résistance créé en 1943 avec toutes les forces de la nation, il faut que le mouvement regroupe tous les citoyens, en oubliant les idéologies de droite et de gauche qui sont assez souvent dépassées aujourd’hui pour bon nombre d’entre nous, en ce qui concerne les idéologies extrêmistes ultralibérales et marxistes bureaucratiques, à leur état pur.

    Il faudrait faire un collectif rassemblant les 55 % du " NON" du 29 mai 2005 qui seraient passés à 60 % aujourdhui. selon des sondges. Ainsi, le peuple ne pourrait plus être manipulé au nom du clivage droite/gauche qui sert plus d’épouvantail de divisiion utile à ceux qui gouvernent le monde par ce moyen que de principe de gouvernment.

    Si vous me permettez de l’exprimer ainsi, il faut laïciser la politique économique car,
    "antilibéral" peut vouloir dire retour au " marxisme", ce qui ne semble pas être votre but.

    Alors le peuple pourrait reprendre le pouvoir et être respecté par les hommes politiques à condition de continuer à respecter cette laïcité politique.

    Nous pourrions poursuivre ce débat.
    Raoul louis Cayol
    Cayol.Raoul@neuf.fr

  • JeanNîmes, tu fais là une analyse précise et détaillée, sans complaisance mais sans acrimonie, des "défauts" qui ont amené la crise du mouvement antilibéral.

    Cette critique indique le programme de ce qu’il faut maintenant faire pour que le mouvement redémarre sur un bon pied.

  • A Raoul-Louis, merci de la lecture, même si nous ne sommes manifestement pas d’accord sur certains points !

    Le libéralisme philosophique a certes des aspects qui peuvent paraître séduisants, la liberté l’est toujours. Mais il s’est associé, je dirai acoquiné, à l’individualisme et à l’égoïsme économique du capitalisme (souvenez-vous de la dénonciation des « eaux glacées du calcul égoïste » par Marx) sous la forme de la privatisation absolue des moyens de production.

    Il n’y a pas de solution de ce côté-là. Les humains ont survécu dans le passé et en tous temps, face aux immenses difficultés posées par leur environnement grâce à la coopération, à l échange de dons, et aux partages des connaissances et des moyens de production. Il n’y a pas de destin humain civilisé en dehors de cette coopération. Ce n’est pas en voulant introduire des accommodements que l’on pourra réduire la barbarie de l’exploitation, de la prédation et de la destruction que le capitalisme financiarisé et mondialisé répand partout. Tout est discutable, pas ce point.

    Ceci posé, les collectifs antilibéraux sont ouverts et vous y serez le bienvenu, car nous serons certainement d’accord sur un certain nombre de mesures urgentes et indispensables à prendre pour que le quart-monde de notre peuple puisse enfin vivre correctement de son travail.

    Ceci pour dire que les idéologies, dont tout le mal viendrait, ne sont pas égales devant ce projet : j’entends rarement les actionnaires se préoccuper du devenir des salariés qu’ils exploitent et qu’ils jettent à la rue, d’autant moins que maintenant ils arrivent à exploiter des couches de la population qui étaient plutôt bénéficiaires du système… Mais je sais que certains, que ce soit par sentiment religieux, de solidarité, de générosité, souhaiteraient que le partage soit plus égal mais sans que les actionnaires voient leur pouvoir remis en question, et ça ce n’est pas possible, ils nous prennent trop d’argent pour qu’il en reste à ceux qui n’en ont déjà pas ! J’ai lu récemment que les institutions boursières internationales arrivaient « par des décisions vertueuses » à limiter les effets des bulles spéculatives… Demandez aux Argentins, après les Sud-coréens et les Thaïlandais, ce qu’ils en pensent. Demandez-vous pourquoi la stagnation économique après l’éclatement de la bulle internet de 2000… ce n’est pas la faute des 35 h mais bien de ces actionnaires qui pour payer leurs dettes en bourse sont venus nous prendre cet argent dans les poches par tous les moyens. Car c’est toujours comme cela que les crises financières se résolvent : les pauvres paient les dettes des riches avant de pouvoir vivre. Quels arrangements peut-on faire dans un système pareil ?

    Oui une majorité de notre peuple est d’accord avec ce constat, mais l’idéologie de droite vient régulièrement masquer cette réalité. Je veux bien qu’on ne parle plus de gauche ou de droite, parlons alors de ceux qui veulent une justice sociale, une égalité entre les humains de tous les pays, une maîtrise des moyens de production, des services publics, des soins, un logement et par-dessus tout un emploi qualifié et correctement rémunéré ! Croyez-vous que le gouvernement actuel (de droite ou pas de droite ?) est d’accord avec ça ? Qu’il fait tout depuis cinq ans pour ça ? Donc d’accord pour que la pensée ne soit pas réduite à des étiquettes mais n’introduisons pas de confusion : les actes peuvent être jugés et leurs résultats portent des noms.

    Enfin sur le dernier point, ne confondez pas l’analyse que Marx a faite du capitalisme et dont pour l’instant on ne voit que la vérification tous les jours, avec un capitalisme d’état, bureaucratique et antidémocratique sur bien des points, qui a échoué. Oui de nombreuses tentatives ont été faites pour sortir du capitalisme et à vouloir faire des oppositions trop primaires on n’a fait que construire l’inverse sans résoudre le problème de l’appropriation des moyens de production par les producteurs et non par les actionnaires ou par l’Etat. Or justement, nous sommes en France dans un système qui a ouvert une voie originale appuyée sur la nationalisation des moyens de production, les services publics et les droits nouveaux de protection et de prévoyance. Mais cette direction a été systématiquement contrecarrée par la droite, pardon par ceux qui ont un intérêt immédiat à prélever leur dividendes sur les activités nécessaires, dont personnes ne peut se priver : l’énergie, les transports de personnes et de biens, les communications, etc.

    Aujourd’hui nous pouvons développer des services publics moins centralisés qu’il y a cinquante ans : les moyens de transmission de l’information, de travail collaboratif à distance, sont infiniment plus puissants et nous permettraient de faire une gestion démocratique territorialisée, c’est ce qui est décrit, au moins en partie, dans le programme des collectifs antilibéraux.

    Aujourd’hui nous devons rendre effectif le droit à l’emploi, tel qu’il est énoncé dans le préambule de la constitution, c’est la base de la sécurité sociale nouvelle, bien plus large que la seule santé à laquelle on, la droite, euh pardon, les actionnaires qui…, l’a réduite et qu’on veut encore réduire par l’automédication : le type même des solutions que la droite trouve toujours pour casser un peu plus la vraie sécurité sociale dont nous avons besoin, avec des personnels de santé compétents que l’on puisse consulter quels que soient ses revenus.

    Ma réponse sur ce point me permet de marquer mon désaccord avec le revenu universel (proposé dans le commentaire au-dessus) qui fait l’impasse sur l’emploi : « les citoyens ont le droit d’avoir un emploi et le devoir de travailler » (c’est dit comme ça dans la constitution et je suis d’accord). C’est bien ainsi qu’on peut être un digne membre de la société dans la mesure où on y contribue par son travail et où on a en retour la reconnaissance sociale de celui-ci. Les Romains en décadence, actionnaires parasites des peuples qu’ils avaient soumis, se contentaient de donner du pain et des jeux pour obtenir la paix sociale, est-ce cela que nous voulons : manger sans travailler et le Loto pour tous ?

    Tous ces débats et bien d’autres doivent entrer dans la campagne mais surtout dans les têtes et dégager les fumées que certains prennent plaisir à déployer. Pour être tout à fait honnête, je me demande souvent en quoi je suis encore enfumé, par la droite !

    JeanNimes