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cf article de Philippe Bilger : http://bellaciao.org/fr/spip.php?ar...
mercredi 17 février 2010
La bourgeoisie
La bourgeoisie, a priori, on ne la fréquente guère, vous et moi. Le système de division entre les classes faisant qu’on peut coexister sans jamais se voir réellement, cette classe sociale à tendance à rester entre elle puisque ne comprenant pas réellement l’intérêt qu’il pourrait y avoir de voir d’un peu plus près tous ces gens qui font rien qu’à pas être comme eux.
Cependant, grâce à Internet, on peut avoir accès à ce qui se passe dans les cervelles de quelques uns, et c’est une lecture éminemment enrichissante. Si on a les nerfs solides toutefois, la césure quant à la vie ordinaire du commun étant arrivée à un point tel chez certains qu’on peut éprouver comme des frémissements parfois...
Ainsi, Philippe Bilger, qui prouve dans un billet qu’il ne s’ébat pas tout à fait dans les mêmes sphères que nous autres, pauvres hères que nous sommes...
D’emblée, le titre accroche l’œil, sans surprendre cependant : "Retraites : les syndicats ont-ils atteint l’âge de raison ?". On sait que pour quelqu’un de droite, être raisonnable signifie dire oui à tous les caprices du MEDEF. Et on ne sait également que trop bien que de ce point de vue, les directions de la CFDT, de la Cégète et de FO savent ne pas démériter.
"L’atmosphère a changé. Je ne parle pas du fond des revendications et des réponses gouvernementales. Je fais allusion à l’ambiance générale. D’où vient ce sentiment d’une sorte de décrispation dans le langage, d’une forme plus apaisée comme s’il y avait moins de lutte des classes et plus d’avenir possible en commun ?"
Ça s’appelle vendre son cul, Philippe Bilger. C’est dit en plus court et peut-être en un chouïa plus percutant, mais on parle des mêmes choses, je t’assure. Les directions ont fait le choix conscient de trahir et de laisser tomber avant même la bataille, d’où une certaine onctuosité dans la façon dont elles causent avec notre gouvernement de droite.
Mais c’est surtout la suite qui frise la pupille, puisque Philippe Bilger prouve qu’il ne vit peut-être pas dans le même monde que nous en osant écrire :
"J’essaie de me revoir il y a des années, quand la phraséologie révolutionnaire, le maximalisme et l’obsession d’obtenir avec des manifestations ce que l’Etat avait déjà concédé de bonne grâce m’exaspéraient comme, je le crois, beaucoup de mes concitoyens."
STOP !
Arrêtez de lire, tout de suite.
Là, il faut faire une pause pour bien observer ce qui se passe.
Rewind.
"ce que l’Etat avait déjà concédé de bonne grâce"
Là, on a mis le doigt sur quelque chose d’important.
Philippe Bilger, et on peut le supposer une frange représentative de sa classe sociale d’appartenance à travers lui pense, et à l’évidence le plus sincèrement du monde, que quand l’État - bourgeois - lâche des micro-miettes insignifiantes, qu’il va tout faire pour reprendre d’une façon ou d’une autre, et ce après des luttes parfois longues et âpres dans un rapport de forces d’autant plus tendu que l’un des camp en présence - celui qui manifeste, fallait-il le préciser ? - se bat pour sa survie, il pense donc que cet État l’a donné...
De bonne grâce.
C’est cadeau.
Ça me fait plaisir.
Si si, j’insiste.
Il est donc évident que du sommet de la néo-réalité dans laquelle il vit, Philippe Bilger ne comprend absolument pas pourquoi tous ces gens s’énervent alors que zut à la fin, les byzantines largesses qui leur ont été généreusement octroyées devraient leur suffire amplement.
Et si ça se passe comme ça dans les têtes de la bourgeoisie, on comprends mieux ainsi...bien des choses, disons.
On comprend surtout que cette classe sociale n’apprécie que ceux qui partagent ses vues, vues qu’elle prend pour l’alpha et l’oméga de la raison rationnelle dans un discours circulaire signifiant : ce que je pense est vrai, donc, ceux qui sont d’accord avec moi sont dans le vrai. Si il s’en trouve qui ne pensent pas comme moi, c’est nécessairement qu’ils sont dans le faux puisque c’est moi qui suis dans le vrai. Et la boucle de l’autisme est bouclée. Ensuite, oui, on ne va pas bien loin en pensant ainsi, certes. Mais pourquoi Philippe Bilger et ses semblables éprouveraient-ils le besoin d’aller plus loin ??? Leur position sociale leur accorde le luxe de n’avoir pas besoin de se remettre en question, puisque l’aisance et l’argent donnent une confiance inébranlable en son bon droit, dans des mécanismes psychiques qui s’auto-confortent en rond...
C’est somme toute assez fascinant, de voir que son origine sociale conditionne à ce point une manière de penser, non ?
Au prix certes d’une importante distorsion du réel, en effet ; mais ces gens s’en foutent : ils sont les moyens.
Tenez, lisez donc ça :
"Il apparaît aussi que les personnalités n’y sont pas pour rien. Quoi de commun entre le Conti volcanique Mathieu et Bernard Thibault"
L’un pointe au chômage et l’autre est grassement payé en tant que permanent, avant que de se prélasser bientôt au Conseil Économique et Social - qui est on l’oublie trop souvent un joujou du patronat - qui l’accueillera à bras ouverts ? Ensuite on dit ça, on dit rien, hein...
"Quoi de commun entre les leaders syndicaux d’aujourd’hui et ceux d’hier qui n’étaient effrayés par aucune inféodation politique et pour lesquels la loi de la grève avait une force supérieure à tout ?"
Les couilles, peut-être ?
"Je me souviens d’un déjeuner, sous l’égide de Paul Wermus, avec Jean-Claude Mailly dont j’avais pu apprécier, certes dans un cadre restreint, l’intelligence, la finesse et la capacité de dialogue. Il était clair qu’avec des responsables comme lui, l’Etat ne perdrait jamais son temps en privilégiant la négociation sur le coup de force."
J’adore ce passage, c’est peut-être mon préféré. Relisez-le vous aussi, il apprend beaucoup de choses.
"Cette différence sensible entre les figures emblématiques du passé et celles du présent ne signifie pas nécessairement que celles-ci ont abandonné "les journées d’action", les débrayages et autres mouvements collectifs. Peut-être leur nombre s’est-il même accru mais leur tonalité n’est plus la même."
Oui, en effet : à présent, les "journées d’action", ça ne sert à rien. Bravo et merci, les bureaucrates.
"Il serait injuste de ne pas retenir comme cause fondamentale de cette révolution paisible la politique de dialogue mise en oeuvre depuis 2007."
(Sluuuuuuurp !!!!)
"Certains ont cru seulement à une manoeuvre vieille comme le monde : en embrassant les syndicats, on allait les étouffer"
Mais comment donc pouvait-on penser pareille infamie ?
"Il n’empêche que cette manière de respecter les syndicats au-delà même de ce qu’ils pouvaient espérer dans leurs rêves les plus fous, même s’ils proclament ne pas être dupes, a accentué et rendu décisif un mouvement qui, peu ou prou, a fait perdre ses griffes à la violence révolutionnaire, rendu la réforme acceptable, sorti le compromis de la honte et constitué la démocratie comme une table ouverte."
Réformes (néolibérales) = démocratie. Et dans le monde de Philippe Bilger, tout est gentil et mignon. Il nous avait déjà précédemment exposé sa vision pour le moins originale de la lutte des classes qu’il n’hésitait pas à un peu réécrire dans le sens qui l’arrangeait.
Parce qu’il est absolument évident que si on exprime un désaccord si minime soit-il avec l’énorme tas de conneries que Philippe Bilger débite au kilomètre, nul doute que se dernier se récriera de sa bonne foi et se drapera dans son absolue sincérité, en fustigeant au passage les irresponsables qui osent avoir des avis contraires au siens - et qui partant sont des esprits bien échauffées pourvoyeur de chaos et d’anarchie, quand tous les philippe Bilger du monde se posent toujours en garant de l’Ordre et de la Raison...
(alors qu’en fait, ils défendent becs et ongles leur bifteck de dominants, ce qui passe par écraser ceux qui sont en dessous d’eux mais dis comme ça c’est vachement moins sexy, c’est vrai).
Et ça se passe comme ça dans la tête de la bourgeoisie




