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LE RETOUR DU SOLEIL

Publie le dimanche 12 février 2006 par Open-Publishing
5 commentaires

de Le Yéti

Tous les ans, à la mi-février, un évènement secoue la routine du Fou de Bassan : le retour du soleil.

Mon bar favori est adossé côté sud à une grande colline. Courant novembre, l’astre disparaît derrière cette colline pour aller réchauffer l’autre hémisphère. Durant toutes les journées d’hiver, le Fou de Bassan reste plongé dans l’ombre. Sa nuit polaire, en quelque sorte. Le soleil ne revient qu’en février.

L’évènement tombait bien. Notre hiver avait été secoué par des vents mauvais qui avaient braqué les esprits : des caricatures polémiques, les retombées d’un fiasco judiciaire, les exactions répétées de la horde de pillards qui détenaient le pouvoir, j’en passe et des meilleurs... Nos discussions s’étaient enflammées au-delà du raisonnable.

Imprécations et condamnations prirent parfois le pas sur la raison et la réflexion. Comme souvent dans ce cas-là, chacun ressentait un petit arrière-goût d’amertume. Une certaine tension était perceptible.

Quand le soleil revient sur le Fou de Bassan, c’est sous la forme d’une langue de feu triangulaire qui lèche la façade et descend lentement, pointe en avant, jusqu’à inonder les tables que Roberto a sorties pour l’occasion. Comme chaque année, le matin venu, tous les habitués se pressaient sur le trottoir. On trinquait avec un petit muscat sec du pays d’Oc servi par une Rose aux anges.

- À chaque fois, ça m’impressionne, dit-elle alors que la pointe de soleil éborgnait la fenêtre du second étage. On est là à vaquer à nos petites occupations quotidiennes, avec nos petites peines, nos petites joies, nos petites colères, et on oublie cette formidable horlogerie qui nous régie.

- La lune ! La lune elle-même est émouvante quand elle est bien pleine et qu’elle nous dévoile ses cratères d’acné.

- Jusqu’aux confins de notre univers, des mondes existent que nous ne connaissons pas.

- Y a-t-il vraiment des confins ?

- Je me sens si petite, dit Corinne, une nouvelle venue. Petite et en même temps heureuse de l’être. La sensation d’être à ma place dans cette immense immensité.

- Tu dois bien être une des seules, parce qu’on a beau être ridiculement petits, nous autres les humains, faut encore qu’on trouve le moyen de faire chier le monde et de nous castagner, de nous massacrer entre nous !

- On peut être petit sans être ridicule ! ronchonna un type à moustaches qui tutoyait les 1 m 50.

- Des crétins ont inventé Dieu pour expliquer précisément ce qu’ils ne s’expliquaient pas et ne s’expliqueront probablement jamais !

- Quels crétins ???

- Holà, holà, jonquille ! dit Roberto.

- Pardon ?

- Jonquille ! C’est la fleur qui met fin aux froidures de l’hiver. Et c’était le mot-sésame que nous prononcions autrefois, ma cousine et moi, quand nos jeux devenaient trop douloureux. Jonquille, parce que si cette conversation continue sur cette lancée, ça va encore être le casino* !

Le soleil achevait sa descente. C’est Rose qui avait trouvé la meilleure place. La pointe de feu s’engouffra dans le corsage qu’elle avait entrouvert malgré le froid glacial.

(* Bordel, en italien)

Le blog du Yéti

Messages

  • Ouf enfin le chere Yeti ,enfin un rayon de soleil ,une sagesse populaire de chez moi dit "l’instant ou la nuit est le plus profond dans le noir est aussi l’instant le plus proche des premiers rayons de soleil ".
    et aussi "que les yeux qui revent d’horizons rose ne deviennent noir des nuages d’aujourd’oui ,la verité sera le soleil levant ,est ce possible par exemple que demain le soleil ne se leve pas ?
    je sais pas pourquoi j’ecrits ca ,mais comme ca sur par envie

    Ramo

  • Yéti,

    J’ai failli me reconnaître dans le type ronchonneur à moustaches, mais 1,50 m non … C’est forcément quelqu’un d’autre.

    Cette personne sait maintenant qu’on ne doit jamais dire que des abrutis ont créé Dieu, pas à haute voix. C’est un sacrilège dans toute l’immense immensité. Passe encore si on dit que Dieu a créé bon nombre d’abrutis. C’est te dire à quel point les abrutis sont abrutis !

    La sensation qu’éprouve Corinne serait encore plus grande si on pouvait être tranquilles, au Fou de Bassan comme ailleurs dans cette immense immensité, tout seuls avec les autres. Je veux dire sans aucun Dieu.

    Durdo REIL

  • Dis-donc cher montagnard,

    D’abord tu attires tout le monde au "fou de Bassan" puis tu calmes les exité(e)s, tu fais descendre tous les états conscients au niveau sophroliminal et ensuite tu lorgnes sur le corsage de la belle Rose !

    Le Yéti tu t’encanailles.

    Attention Rose, Le Yéti est un mutant, moi qui était sur l’autre versant, hors de son emprise, je l’ai vu déguisé en "KAA".

    Roberto surveille Le Yéti, il nous régale, mais faisons gaffe lorsqu’il nous attire dans l’atmosphère relaxante du "fou de Bassan", il nous fait baisser la garde.  ;-D

    Merci Le Yéti,

    Esteban

  • Merci pour cet éclat de vie, qui fait autant de bien qu’un rayon de soleil après l’hiver. Reçois une brassée de jonquilles en gage de reconnaissance, cher Yéti.
    "And then my heart with pleasure fills,
    And dances with the daffodils."
    Prima Vara

  • SALUT YETI ,

    toujours ces petits moments de bonheur à te lire , je vois que le soleil agit sur tous tes sens , yeti , attention les corsages entrouverts sont toujours dangereux , on a tous envie d’y plonger et meme de s’y perdre , au sortir de l’hiver surtout , quand le besoin de chaleur , de douceur , se fait de nouveau sentir !
    l’hiver a été dur , mais ce qui est sur c’est qu’on va vers l’été .
    salut à toute la bande du" fou ", et merci à toi yeti ,
    claude de toulouse .