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LETTRE OUVERTE A SILVIO BERLUSCONI (qui taxe de stupidité ceux qui votent pour la gauche)

Publie le vendredi 23 décembre 2005 par Open-Publishing
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de Carmelo R. Viola Traduit de l’italien par karl&rosa

Monsieur,

un certain Cicéron entama une intervention polémique, au "parlement" de l’époque, par cette interlocution, devenue ensuite fameuse : "usque tandem, Catilina, abutere patientia nostra ?, dont vous connaissez certainement la signification. Des dizaines de voix de la dite "opposition" (et pas seulement) auraient dû s’élever depuis longtemps pour "vous faire taire" (et de motifs valables, il y en a à foison) exactement à la manière de Cicéron, mais il y a trop de mollusques se vantant de représenter la gauche alors qu’ils ne sont que des bousilleurs du pouvoir, que de gras salaires avec tous les tenants et les aboutissants récompensent et font taire. Les rares qui l’ont fait - ou qui ont essayé de le faire - se sont retrouvés submergés et déconcertés par un désert de silences ou d’ambiguïtés.

C’est pourquoi vous n’avez pas tous les torts quand vous qualifiez de "stupides" ceux qui votent pour la gauche, comme vous venez de le faire. Je dirais que, théoriquement, il est impossible de reconnaître la gauche dans l’opposition actuelle qui - à quelques exceptions près - n’est qu’un des deux "pôles alternatifs " d’une plateforme parlementaire inspirée du capitalisme privé, qui est l’antagoniste spéculaire de la gauche.

Or, vous êtes trop intelligent pour ne pas comprendre qu’il n’y a qu’une seule véritable gauche : un gouvernement qui fait valoir les droits naturels de tous les citoyens - en n’excluant personne - à travers un pouvoir public social - dit, justement, Etat de droit (ou éthique), où la démocratie ne consiste pas dans le petit jeu électoral, qui donne au peuple l’illusion de gouverner et aux élus l’alibi d’user abuser du pouvoir dans des buts de parti (vous répétez, une fois par jour au moins, avoir été délégué par le peuple pour ce que vous avez fait, ce que vous êtes en train de faire et ce que vous vous proposez de faire !), mais dans la jouissance certaine et universelle des droits naturels, parmi lesquels ne se trouve pas celui de l’entreprise à faire les plus grands profits possibles - quoiqu’il en coûte à la vie citoyenne et à l’environnement - autour duquel s’agite cette jungle anthropomorphe que vous - comme la plupart, pour votre réconfort -appelez gratuitement société et même société libérale.

Le mot société rentre dans l’acception d’organicité/organisme, où chaque partie est interactive avec toutes les autres pour la meilleure fonctionnalité et la bonne santé du contexte. Au contraire, dans cette société - capitaliste aujourd’hui jusqu’au paroxysme animal - chaque partie (individu ou groupe) est en concurrence avec toutes les autres pour devenir de plus en plus forte. A vrai dire, le besoin de devenir plus fort dépend aussi du besoin de se rassurer contre la peur de l’incertitude et de l’inconnu, mais c’est justement pour cela que l’organisation sociale ne devrait pas se baser sur la compétition mais plutôt sur la collaboration. Au contraire, cette "société" se résout en un ramassis de disparités et de différences énormes, qui produisent conflictualité et violence.

Les plus forts, que j’appelle les "pères éternels" (et vous en êtes un) répètent que c’est l’unique système naturel, juste et possible du consortium humain et dans ce but distraient les masses par de véritables "anesthésiques sociaux" tels que le soutien sportif et même le consumérisme et acceptent volontiers l’union avec le charme clérical. Ils ont une grande peur de la vraie gauche, qui est le véritable socialisme qui, comme je l’ai déjà dit, se présente sous la forme d’un Etat social ou simplement "de droit" et qui n’est pas, comme le répétez vous aussi, le capitalisme d’Etat.

La peur est motivée par le fait que, pour que chacun dispose de sa part de jouissance des biens produit par le travail de tous ceux qui en sont capables, personne ne peut posséder de tels produits sans limites au point de disposer - comme vous, justement - d’une villa pour chaque occasion. Vous connaissez certainement l’arithmétique. Mais je doute que vous connaissiez le vrai droit, qui n’est pas le produit de la volonté humaine et des lois, mais dont celles-ci sont les instruments possibles. Le droit est ce qui nous revient naturellement : malgré tous les efforts on ne peut pas démontrer que l’individu a besoin d’une propriété privée illimitée (comme le dit en substance le code du capitalisme). Le nouveau-né a le droit d’être nourri parce qu’il a faim - le symptôme d’un besoin naturel - et non parce qu’une loi lui reconnaît le droit de manger. La loi - c’est-à-dire le droit positif - ne peut que réglementer la satisfaction de ce droit. Dans cette pseudo société il y a des gens qui meurent littéralement de faim (jusqu’au suicide) tout en ayant le droit de manger et il y en a un petit nombre qui croulent sous toute sorte de bienfaits. Un Etat n’est pas un Etat de droit seulement parce qu’il est fondé sur les lois mais seulement si ces lois - des normes réglementaires - sont conformes à ce qui revient naturellement et biologiquement à chaque sujet d’une collectivité. Légal n’est pas synonyme de légitime, sinon seraient légitimes - pour donner un exemple - les assassinats d’Etat qu’on accomplit aux Etats-Unis ou en Chine au nom de la justice.

Vous ne savez pas cacher votre peur du socialisme - dont vous avez quasiment une phobie obsessionnelle - et pour cela vous le dénigrez systématiquement, jusqu’à la nausée. Il est vrai qu’au nom du socialisme (synonyme de communisme) des crimes (peut-être pas peu) ont été commis : cela ne démontre pas la fausseté du socialisme mais l’incapacité ou la malhonnêteté des hommes. Vous ne faites aucune distinction entre les principes et les faits, qui sont deux catégories différentes. Ou seulement quand cela vous convient. En effet, le principe chrétien - qui n’est que l’amour de son prochain - est nettement distinct des crimes qui ont été commis au nom du Christ pendant plusieurs siècles d’histoire, qui sont une des plus grandes hontes de l’espèce humaine. Mais, autant que je sache, vous ne faites pas de l’antichristianisme, au contraire, si je ne me trompe, vous vous déclarez chrétien (bien que seulement en paroles, puisque christianisme de l’amour de son prochain est synonyme de socialisme) malgré les milliers de bûchers qui ont brûlé, toujours au nom du Christ, à Rome et dans la "très catholique" Espagne. Malgré tous les Giordano Bruno brûlés vifs au nom du Christ ou tous les Galilée contraints à abjurer leur propre science.

Libéral est, dans notre cas, l’attribut mensonger le moins adapté que l’on puisse imaginer. Il est dérivé du premier facteur du trinôme en or de 1789 : "liberté, fraternité, égalité". Un trinôme reste tel s’il garde les facteurs qui le constituent (il est apodictique), dont chacun n’a (dans notre cas) la valeur qu’on lui attribue que s’il reste interactif avec les deux autres : s’il est distinct du trinôme, il devient autre chose. La "liberté", distincte de la fraternité et de l’égalité (économique, bien entendu) est synonyme de concurrence (compétitivité), qui n’est pas de l’émulation à qui fait mieux mais à qui devient plus fort hors et contre la fraternité et l’égalité. Le vrai libéralisme est le père naturel du socialisme. Une autre interprétation forcée est celle de faire dériver du même "facteur" le terme "libéralisme", qui a une valeur exclusivement "capitaliste".

La liberté, dont vous parlez à bâtons rompus, est votre liberté personnelle de posséder sans limites des produits du travail d’autrui (c’est-à-dire social) au nom d’un droit- invention humaine, elle n’est certainement pas la liberté du chômeur ou du précaire, du pauvre et de celui qui touche une retraite misérable.

Ce n’est pas tout : ce que vous (solidaire avec les théoriciens du capitalisme, en bonne ou mauvaise foi) appelez économie, n’est que proie-nomie", artscience - dont l’origine est clairement la jungle - de voler son prochain et la nature en s’efforçant de devenir plus fort que les autres. L’"éco-nomie" est l’administration de la maison et, par extension, d’une communauté, où tout le monde - sans exclure personne - a sa part du bien-être collectif. C’est pourquoi le capitalisme, qu’il soit d’Etat ou privé, est de par lui-même criminalité. Il fut physiologique à l’origine parce que l’homme est né animal ; il est devenu pathologique depuis que nous sommes capables de comprendre que le socialisme est la seule alternative au marasme de l’humanité et à sa fin prématurée suite à une saturation de négativité biologique.

Vous seriez en mesure de comprendre cela aussi, mais vous manquez de l’attribut de l’homme biologiquement adulte, qui est la "syntonie bio-socio-affective", un attribut appelé par des noms et des locutions différentes : impératif catégorique, amour de son prochain, empathie, esprit social, sentiment fraternel ou seulement sens moral ou éthique. Le manque d’un pareil attribut complément de l’homme (qui reste autrement un anthropozoaire), se résout dans une espèce de psychose possessive, de "vice" comme celui du tabac et de l’alcool, une véritable psycho maladie sociale, une faim pathologique ou boulimie de possession illimitée de biens, qui sont naturellement soustraits à la collectivité, c’est-à-dire à ceux qui en auraient besoin. Nous en sommes encore à l’arithmétique.

Cette société, "libérale" selon votre définition est - et cela ne pourrait être autrement - une "criminopole", où l’absence d’amour social résout la naturelle libido affective en un amour pathologique de soi-même, c’est-à-dire en recherche fébrile de possession "auto rassurante". Le capitalisme est une guerre de tous contre tous (même de frères contre frères : voir le contentieux quotidien pour l’héritage). Etablir des règles (lois) pour la chasse au profit-possession - c’est-à-dire une légalité - ne suffit pas. A la criminalité légale s’associe l’ illégale. Les nouvelles sont de grotesques bulletins de guerre quotidiens d’une société qui, aux dires de ceux qui la soutiennent, devrait être la plus conforme à la nature de l’homme ! A propos, l’homme est, de facto, ce qu’il devient à travers les générations, en tenant compte du fait que l’environnement a le pouvoir de faire émerger de l’ADN certaines aptitudes, de les exalter et d’en enlever d’autres : d’où la grande importance de l’éducation du premier age évolutif et du système social.

C’est une scène grotesque que celle du pouvoir bourgeois qui s’essouffle pour éteindre les crimes illégaux, comme des feux qui s’allument ici et là sans cesse, tandis qu’il exalte les crimes légaux. En effet, la possession sans limites est elle-même un crime si on l’obtient en respectant la dite légalité. Grotesque est la lutte à ce qu’on appelle improprement "mafia", qui n’est qu’une façon différente de faire du capitalisme, c’est-à-dire du vol, et donc une dimension structurelle et constante de la société capitaliste.

Vous vous vantez d’avoir fait qui sait quoi avec votre gouvernement : vous avez contribué à désocialiser l’Etat, à le fragmenter (voir dévolution !) à le libéraliser davantage à la chasse du profit, à abolir la situation stable (improprement nommé "emploi fixe"), à rendre le travail précaire et l’avenir incertain, à légaliser le vol grinçant accompli par différents fournisseurs de services (voir la taxe fixe sans consommation au chapître "redevance"), à liquider la retraite - autrement dit le soutien légitime des personnes âgées et des vieux et, en même temps, à consolider (même au risque de transgresser la Constitution) la sujétion de notre pays à une superpuissance qui depuis toujours, mais surtout depuis environ soixante ans, s’arroge le droit de dominer le monde contre les conventions mêmes du droit international, au seul nom de sa propre force, qu’elle appelle "démocratie" (derrière laquelle il n’y a que la criminocratie). Je fais allusion à "Yankeeland". Autrement dit, vous avez contribué à accélérer la dégénération sociale - exprimée par le néolibéralisme - vers la fin de la civilisation et l’extinction de l’espèce sans vous rendre compte que vous laissez à vos enfants et petits-enfants un monde beaucoup moins vivable que celui dans lequel vous êtes né.

Les cas de "déséconomie" de votre gouvernement sont innombrables et je ne pourrais pas tous les lister. Quelques exemples... A propos de l’école, la spéculation industrielle sur les livres de l’école obligatoire, naturellement "avec licence de l’Etat" est de plus en plus féroce et impudente. Des "jeunes" qui postulent à l’enseignement, ayant gagné plusieurs concours, désormais ultra quadragénaires, même mariés et avec des enfants, attendent une situation stable : avant cette situation, même s’il sont chargés d’enseignement pendant toute une année, ils restent sans salaire pendant les quatre mois d’été (quasiment une punition !). Si leur avenir prochain est incertain, leur vieillesse (s’ils y arrivent) devra être vraiment douloureuse. Un véritable chemin de croix consolidé par la sagesse néolibérale (c’est-à-dire néoprimitive) d’une certaine Moratti (ministre de l’Education nationale, ndt).

Sur le plan fiscal, vous avez contribué à augmenter "le racket publique" par l’agressivité induite des Communes, dont certaines se sont adonnées à la "vente" de l’eau - un bien naturel, qui devrait être distribué gratuitement à tout le monde - à prix d’or. Quelle honte ! Sur le plan postal, il y aurait beaucoup de choses à dire : on nous sucre un euro et demi sur les soixante premiers crédits annuels et, le cas échéant, un demi euro pour ceux qui suivent (ce n’est pas peu si on pense qu’auparavant un tel service était gratuit sur la base de la loi de la "compensation réciproque"). La Poste Italienne, astre naissant de la proienomie libérale - légale, bien entendu - fait, et en fait même trop, à son bon plaisir : elle réduit le personnel en empirant les services au guichet, a recours aux heures supplémentaires obligatoires, embauche des "précaires" "jetables". Elle a aboli le virement postal entre titulaires d’un compte courant et même la catégorie presse, en contraignant les opérateurs culturels à dépenser plein d’argent pour expédier des journaux, des livres et même leurs propres publications comme de la correspondance. Une véritable promotion de la culture !

Un processus de "délocalisation" des bureaux périphériques des fournisseurs de services (Enel, par exemple) est en cours : il faut éventuellement parcourir de nombreux kilomètres pour avoir un contact humain ou on doit se servir de "rapports robotiques" par téléphone, parfois avec des attentes exténuantes et à condition que l’ouïe de l’usager (pardon, du client) soit bonne.

Sur le plan sanitaire, les choses sont encore pires : les listes d’attente pour des visites et des diagnostics spécialisés sont devenues plus longues. Pour une IRM, j’aurais dû attendre plus d’un an (sic !) si je n’avais pas dénoncé le ministre de la santé en personne ! Des gens meurent en passant d’un hôpital à un autre en quête d’un lit disponible. Le ticket modérateur sur les médicaments est de retour, sans compter les spécialités, parfois de première nécessité, qui ne sont pas remboursables. Cette nouvelle, publiée par un quotidien d’hier (15 décembre 2005) et rapportée par la revue de presse du matin de RaiTre 24 News d’aujourd’hui, illustre mieux le tableau que tout commentaire possible : "Chaque mois, trois cent familles italiennes tombent dans la pauvreté pour se soigner". Vraiment de grands progrès qui vous ont autorisé à vous déclarer "saint" : l’auréole c’est pour quand ?

J’oubliais : pour faire passer les propositions de loi les plus contestées (sur le pouvoir judiciaire, sur la loi des finances ou autres) le recours systématique, autocratique, puéril au vote de confiance. Un expédient antidémocratique des criminels qui se sont reconnus coupables. Quoi de plus ?

Une fois, je vous ai posé une question - restée évidemment sans réponse - : "s’il est vrai que la richesse est le fruit du travail, combien de personnes ont-elles travaillé pour produire la richesse que vous possédez ?". Je vous la pose aujourd’hui en termes paradoxaux mais en substance équivalents : "combien de siècles avez-vous travaillé pour produire la richesse que vous possédez ? Certes, c’est le cas d’appeler stupides ceux qui votent pour la gauche (qui au demeurant n’est que potentielle) parce qu’elle, dans la version réelle du socialisme, si elle était au pouvoir, vous demanderait de vérifier la correspondance entre le travail personnel effectué et les biens en votre possession avec des conséquences bien prévisibles.

Et, pour cela, je mérite cet épithète offensif et, croyez moi, j’en suis fier. Je vous souhaite sincèrement le bien de la santé ("l’unité - disait Mantegazza - qui donne de la valeur à tous les zéros de la vie").

http://bellaciao.org/it/article.php3?id_article=11706

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