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LRUber_alles et propagande à l’Université de Strasbourg

Publie le vendredi 2 avril 2010 par Open-Publishing

Cà vaut bien un prix Goebbels (qu’il faudrait inventer) à remettre aux serviles serviteurs du pouvoir sarkozyste (et ce n’est pas une blague) :

Communiqué des syndicats Agir Ensemble pour une Université Démocratique signataires
1er avril 2010
à tous les personnels UdS

Agir Ensemble pour une Université Démocratique

Communiqué

Les organisations syndicales soussignées qui sont particulièrement attachées aux principes de la liberté d’expression et aux règles démocratiques, considèrent que l’existence d’une cellule « Vie démocratique » peut être un atout pour notre université. Celle-ci est aujourd’hui animée par notre collègue Philippe Breton qui est également directeur éditorial de la revue Savoir(s) dont le numéro 6 paraît ce jour.

Sans nous prononcer sur l’opportunité et la cohérence de ce cumul de responsabilités, nous tenons à informer tous les personnels que ce numéro de la revue Savoir(s), le premier sous sa responsabilité, comporte deux articles sans signature qui ont fait l’objet d’une scandaleuse réécriture sur la base d’articles rédigés par un journaliste professionnel suite à des reportages pour lesquels la direction de la revue avait passé commande.

Le journaliste, auquel nous tenons à manifester notre soutien, a alerté la présidence, les services ad hoc, des élus ainsi que les organisations syndicales sur des détournements, une censure et des pressions inadmissibles exercées par le directeur éditorial. Ils consistent en une réécriture substantielle des articles avec, d’une part la suppression de propos de plusieurs élus interrogés (syndiqués ou non), d’autre part l’ajout de propos du directeur général des services de l’Université, non relevés et donc non relatés par le journaliste, et le tout au prétexte d’une non-conformité à la demande.

Outre cette réécriture qui change totalement le point de vue de l’auteur en dénaturant son propos et en ruinant son travail d’enquête, le directeur éditorial a tenté d’imposer la signature du journaliste sur ces articles alors que celui-ci en refusait désormais toute paternité. Il est allé jusqu’à laisser sous-entendre que ce dernier pourrait ne pas être intégralement payé si son nom n’était pas mentionné au moins comme co-signataire, ce qu’il a refusé.

Nous ne pouvons croire aujourd’hui que la présidence soutienne de tels manquements au respect du code de la propriété intellectuelle, à l’intégrité de l’expression personnelle des élus, mais surtout à la déontologie journalistique et éditoriale dont on pouvait imaginer que le chargé de mission de la cellule « Vie démocratique » de l’Université de Strasbourg serait le défenseur et le garant. Nous osons croire que la Présidence saura tirer toutes les conséquences de ces graves entorses à la liberté d’expression et à la démocratie :
- en demandant à Philippe Breton de remettre sa démission de directeur éditorial de la revue Savoir(s)
- en accordant aux élus victimes d’une manipulation de leur parole un droit de réponse dans le journal électronique l’Actu ainsi que dans le prochain numéro de Savoir(s)
- en payant intégralement les sommes dues au journaliste victime du comportement scandaleux du directeur éditorial, pour le travail effectué selon la déontologie de sa profession.

Les syndicats soussignés demandent enfin que le président prenne l’initiative de mettre à l’ordre du jour du Congrès du 30 avril la question centrale du fonctionnement démocratique de notre université et des dispositions qu’il convient de mettre en œuvre afin de favoriser et d’améliorer son développement.
Nos élus aux 3 conseils et nos représentants au CTP auront à cœur d’y faire des propositions concrètes et constructives.

Vous trouverez ci-dessous les articles initiaux du journaliste (Alexis Fricker) et les versions modifiées (avant impression de la revue)

Les syndicats Agir Ensemble pour une Université Démocratique
signataires
SNESup-FSU, SNASUB-FSU,
SNPREES-FO,
SUD Education UdS


Articles initiaux, Alexis FRICKER

SUJET 1 : Enquête sur le bien-être au travail à l’UdS

Article 1 : Lead
Malaise en réunion

« On ne va pas s’enfermer dans une spirale négative, estime Jean Déroche, le
secrétaire général de l’université de Strasbourg, à l’évocation de l’atmosphère
assombrie au sein des services de l’UdS. Le malaise diffus est réel, la fusion a peutêtre
entraîné une perte de repères, j’en conviens, mais nous sommes actifs, nous
prenons des initiatives. Et ces difficultés ne sont pas spécifiques à l’UdS. C’est un
contexte global ».

Des focus groups ont donc été mis en place au sein de l’UdS dans le cadre d’une
enquête nationale sur la santé et la sécurité au travail (voir encadrés). _ La présidence
de l’UdS a voulu s’en faire l’écho pour tenir compte des difficultés rencontrées par les
personnels après la naissance de l’université unique au 1er janvier 2009. Objectif,
selon Didier Raffin qui mène l’étude avec la laboratoire de psychologie des
cognitions de l’UdS : « Évoquer les conditions et l’environnement de travail au cours
de 45 entretiens collectifs (auxquels participent 900 personnes tirées au sort, ndlr)
pour confronter les points de vue des gens et proposer des pistes d’action à la
présidence ».

Des personnes démobilisées

Bien évidemment, ces entretiens activent le ressort de l’émotion. Angèle Peter,
assistante sociale en poste à l’UdS depuis début janvier, relate quelques témoignages :
« Je reçois des personnes démobilisées qui vivent un profond malaise, qui sont
écrasées par cette masse qu’est l’UdS. Le travail, pour elles, n’est plus un élément
positif ni motivant ». A l’image de cette quinquagénaire qui travaillait auparavant
dans un service administratif de l’université Marc Bloch ; elle souffre d’un
« problème de reconnaissance dans la nouvelle université. J’ai l’impression que les
dés sont déjà jetés et que, quoi qu’on fasse, on est utilisé sans être considéré. En fait,
la hiérarchie ne reconnaît pas le boulot des chevilles ouvrières ».
Ce sentiment est confirmé par cette femme, elle aussi personnel BIATOS, au sein
d’un service né de la fusion : « Pour la direction, la base tourne et c’est le principal.
Elle ne s’intéresse pas aux conditions de travail, aux tensions avec les chefs, aux
horaires à rallonge, aux dossiers qu’on emporte chez soi pour travailler le soir ou le
week-end ». Elle reconnaît l’intérêt des focus groups, auxquels elle a participé,
« parce que ça m’a permis de déterrer des frustrations. Et d’être vraiment entendue,
ce qui n’est pas le cas avec la présidence ».

Souffrance profonde

Pour Jean-Luc Brucker, secrétaire général du SES-CGT, « la présidence semble
déconnectée des réalités du terrain ». Dans une enquête réalisée en octobre 2009 par
le SGEN-CFDT auprès des personnels sur les effets de la création de l’UdS, le
syndicat pointait lui aussi une « équipe dirigeante inaccessible et [...] un manque de
transparence instauré par cette équipe ». Réponse de Jean Déroche : « _ Ma porte est
toujours ouverte pour discuter ».
Médecin de prévention du personnel de l’UdS, le Dr Catherine Vivès voit « des cas
de souffrance profonde liée au travail, dont des personnes en dépression », plus
précisément des BIATOS. « Certains n’en peuvent plus, ils sont à bout dans leurs
services et demandent à changer de poste ». Elle évoque même deux tentatives de
suicide, dont l’une qui s’est produite il y a quelques mois sur le lieu de travail, sur le
campus de l’Esplanade à Strasbourg.

Pas le temps de la réflexion et plus le temps de l’échange

Quasiment dix-huit mois après la fusion des universités strasbourgeoises et avec
l’application de la LRU, la tolérance des personnels face aux changements et aux
difficultés semble aujourd’hui atteindre ses limites. Jean-Luc Brucker constate que
« le doute et la fatigue s’installent » et Paul Nkeng, secrétaire de section du SGENCFDT,
dénonce « une gestion managériale de l’université dont les chefs semblent
bien éloignés ». « J’ai du mal à comprendre comment fonctionnent les dirigeants »,
renchérit Michaël Gutnic, du collectif intersyndical Agir ensemble pour une
université démocratique.

Les représentants syndicaux restent donc dubitatifs et attendent des résultats concrets
de cette étude sur le risque psychosocial. « Les focus groups sont certainement une
bonne idée, tempère Paul Nkeng, mais la présidence doit absolument réfléchir à
optimiser sa communication pour apaiser les esprits ». Grâce aux focus groups,
« nous pourrons mieux cibler les besoins et accompagner les personnels », tente de
rassurer Hugues Dreyssé, vice-président de l’UdS en charge des ressources humaines
et de la politique sociale. Mais l’urgence, d’après Jean-Luc Brucker, « c’est de mettre
la pédale douce et de baisser la pression sur les gens. Aujourd’hui, on a tous la tête
dans le guidon, on n’a pas le temps de la réflexion et plus le temps de l’échange ».

Alexis Fricker

Article 2 : Encadré
Les maux du travail

Le stress au travail est l’une des priorités des pouvoirs publics depuis quelques
années. En février 2007, la commission européenne éditait un rapport sur l’ampleur
grandissante du mal-être dans l’univers professionnel, sur la foi de données de
l’OMS : « Les problèmes liés à une mauvaise santé mentale constituent la quatrième
cause la plus fréquente d’incapacité au travail [...] D’ici à 2010, la dépression
deviendra la première cause d’incapacité au travail ».

Le stress, écrit le journaliste Jean-François Dortier dans un article paru dans le
magazine Sciences Humaines (n°12, sept-nov 2008), « touche toutes les catégories
de personnels, dans le secteur privé comme dans le public ». En 2005, le
gouvernement français accouchait du plan Santé au travail afin d’« améliorer la
prévention des risques professionnels ». Début 2010, voici le deuxième volet du plan
Santé au travail, notamment axé sur « la préservation de l’intégrité physique et
psychique de chaque salarié, son bien-être au travail et des conditions de travail de
qualité ». Entretemps, France Télécom a connu une vague de suicides de certains de
ses salariés et le gouvernement a certainement redéfini les priorités de son action en
matière de risques psychosociaux.

Quelques mois plus tôt, le 9 octobre 2009, le ministre du Travail, Xavier Darcos,
annonçait la mise sur pied d’un plan d’urgence pour la prévention du stress au travail.
Le 4 novembre, Matignon lançait une mission sur la prévention du stress au travail, et
le 20 novembre, le gouvernement et sept organisations syndicales ratifiaient un
accord sur la « Santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ».

Car dans le public ou le privé, la modernisation ou la restructuration visent le même
objectif : l’efficacité. Dans ce contexte, d’après le professeur Michel Lallement (Le
travail sous tensions, Sciences Humaines Editions, 2010), fonctionnaires et salariés
peuvent plonger dans « le désarroi » et vivre la modernisation « comme une perte de
sens radicale de leurs activités ». La modernisation « impose un délicat équilibre
entre deux logiques opposées : celle du modèle bureaucratique classique (stricte
répartition des tâches, hiérarchie organisationnelle, peu d’autonomie dans le travail)
et celle d’un modèle de la compétence technique où l’initiative, la flexibilité, la
responsabilité sont valorisées à tous les niveaux ». Et d’interroger : « Fallait-il pour
cela instiller l’esprit d’entreprise dans l’ensemble de la fonction publique » ?
A.F.

SUJET 2 : Séminaire des élus de l’UdS au Hohwald

Article 1 : Lead
Des élus en retraite

L’école des cadres de l’Université de Strasbourg organisait début février un séminaire
de formation des élus de l’UdS dans un hôtel des Vosges alsaciennes, au Hohwald.
Deux jours à l’intérieur d’un hôtel planté dans un paysage enneigé. Seul point
commun avec l’établissement Overlook, lieu central de l’intrigue du long-métrage de
Stanley Kubrick, Shining. Point de meurtrier à la hache cependant ni d’inscription
REDRUM en lettres de sang. La cinquantaine d’élus de l’UdS est là pour parler de
l’autonomie de l’université à travers des ateliers et des conférences qui répondent à un
objectif : travailler ensemble, autrement que dans le cadre formel d’un conseil, et
pouvoir ainsi faciliter les échanges entre élus et équipe de présidence. Telles sont en
tout cas les attentes des participants, même si émerge, pour Daniel Argudo-Blum,
étudiant en 3è année d’économie et élu au CA de l’UdS, « la crainte d’être formaté
plus que formé ».

Nombre des participants au séminaire pointent une surcharge de travail conséquente
qui affecte tous les niveaux de l’UdS, dans sa configuration d’université unique après
la fusion début 2009, et concourt à une réorganisation du travail souvent lourde à
supporter. C’est pourquoi le président de l’UdS, Alain Beretz, estime nécessaire de
« définir des modalités d’action à court et moyen terme en menant une réflexion de
fond. On montre ici que l’on peut partager des valeurs sans pour autant rechercher
l’unanimité ». Philippe Clermont, chargé de mission de l’école des cadres de l’UdS et
élu au CA, juge utile ce « coup d’oeil dans le rétro. La fusion est un chantier difficile
et ce séminaire permet d’effacer les étiquettes entre les élus. On parle d’un vécu
commun, on confronte directement différentes expériences ». Autre point crucial : la
place de l’étudiant à renforcer au sein de l’université de Strasbourg. « Ce discours, on
l’a entendu mille fois », tempête Daniel Argudo-Blum. Mir Wais Hosseini, directeur
du laboratoire de chimie de coordination organique : « L’Uds, ce doit être une
question d’identification, un sentiment fort d’appartenance, et pas uniquement une
question de gestion et de management ». Le mot est lâché. Il peut faire peur, il n’est
pas forcément apprécié dans la communauté universitaire et, au-delà, dans les
structures publiques. Selon Philippe Clermont, « le management c’est aussi de la
transmission d’idées, cela fait partie de la formation d’un cadre quand il doit
conduire une équipe ». Voilà qui s’inscrirait donc dans une offre de formation
régulière des cadres de l’UdS. Les directeurs de composantes et les responsables
administratifs bénéficieront d’une journée de formation à la fin du mois d’avril, des
conférences s’échelonneront jusqu’au mois de juin et l’école des cadres, à terme,
espère constituer un vivier d’élus et de potentiels futurs élus qui envisageraient
d’occuper des responsabilités à l’université. Les syndicats de l’UdS, eux, demandent
avant tout des résultats. Michael Gutnic, élu au CA pour le collectif intersyndical
Agir ensemble pour une université démocratique, attaque : « On a toujours du mal
aujourd’hui à comprendre comment fonctionnent les dirigeants de l’université. Mais
au moins, après ce séminaire, l’équipe de direction ne pourra plus dire qu’elle n’était
pas au courant des problèmes qui se posent au sein de l’UdS ». Paul Nkeng,
secrétaire de section du Sgen-CFDT et directeur du service de la VAE, juge qu’« il
faut dépasser le cadre de la thérapie de groupe et évaluer la pertinence d’un tel
séminaire, surtout quand de l’argent public est engagé ». Ce séminaire de deux jours
a coûté 15.000 euros. « Il est normal de devoir justifier ces dépenses », conclut Paul
Nkeng.

Alexis Fricker

Article 2 : Encadré atelier d’argumentation
Une expérience de démocratie

Parmi les trois ateliers proposés durant le séminaire, concentrons-nous sur celui
intitulé « Prise de parole, argumentation et formation d’une opinion stratégique ».
Objectif avoué de l’exercice : parvenir à argumenter une position au sein d’échanges
collectifs et permettre ainsi aux élus de l’université de prendre une part active dans
l’exercice de leur mandat.

Encadré par Philippe Breton, professeur et chargé de mission « vie démocratique » à
l’UdS, et Célia Gissinger, doctorante et membre de cette cellule « vie démocratique »,
l’atelier pose la problématique de l’échange et de la démocratie au sein de l’université.
En somme, comment s’y prend-on pour argumenter, comment structure-t-on
l’argumentation ?

Illustration avec une mise en situation bien concrète. Trois chaises d’un côté, trois
chaises de l’autre et deux groupes de discutants qui doivent argumenter. Les autres
participants sont là pour écouter, recevoir les arguments des uns et des autres et, peutêtre,
se laisser convaincre par certains développements. Ce sont les écoutants.
Les animateurs du débat, eux, sont retranchés derrière une table et cadrent très
strictement les échanges, chronomètre en main. Comportements à proscrire :
mensonge, mauvaise foi et violence verbale. Chaque orateur bénéficie de quatre
minutes pour développer sa position ; cette durée est découpée en trois : une minute
de parole sans interruption, deux minutes durant lesquelles l’autre groupe
d’argumentants peut poser des questions et, enfin, à nouveau une minute de parole
sans interruption. Chaque groupe prépare durant un quart d’heure des arguments liés
au thème du jour : l’autorisation du travail dominical dans toutes les branches
professionnelles. Un sujet propice au débat qui, dans ce cadre bien précis, a permis de
mettre en lumière ce que les animateurs appellent « l’empathie cognitive » : se forger
une opinion passe par la capacité à écouter et implique de se demander pourquoi son
interlocuteur défend une position bien précise. Cet exercice de démocratie, selon
Célia Gissinger, permet donc « l’expression de tous, de manière équitable, sans que
l’orateur le plus aisé ne monopolise la parole, à l’image d’un débat libre ».

A.F.

Article 3 : Trois questions à ...

Trois questions à :
Jean-Michel Rossignol, formateur-intervenant, responsable des actions de
formation des bénévoles de la Croix-Rouge française.

Quel rôle jouez-vous dans le cadre de ce séminaire des élus de l’Université de
Strasbourg ?
Ma mission, à la Croix-Rouge, consiste à former les élus de cette association, qui en
compte 13.000 au total dans les délégations régionales, départementales et locales
ainsi qu’au sein du conseil de surveillance. Être élu de la Croix-Rouge ou élu de
l’université, cela revient donc au même pour moi. Je m’adresse à des élus qui
n’exercent pas un mandat politique à proprement parler car leur mission s’apparente à
du bénévolat. Ce sont des personnes plutôt isolées dans l’exercice de leur mandat,
elles ont souvent besoin de clarification et d’éclaircissements sur leur tâche car ce
mandat ajoute une charge de travail supplémentaire à leur profession et donc à leur
quotidien. Et dans ces situations-ci, on se trouve rapidement dos au mur, perdu, sans
interlocuteur et sans recul possible sur des dossiers qu’il faut pourtant traiter.

Quelle est ici votre démarche ?
J’apporte simplement un regard extérieur à cette communauté d’élus de l’université de
Strasbourg. Ce n’est en aucun cas une thérapie de groupe, plutôt une chaîne
d’expression afin de libérer la parole, d’accompagner les besoins des gens une fois ces
besoins exprimés. En fait, mon rôle consiste à assurer une médiation, à conduire une
réunion mais surtout à ne pas animer un échange. Je suis là pour écouter, pour
orienter, pour rebondir sur des mots et accompagner d’éventuelles souffrances. Je ne
propose aucun modèle académique et ne donne pas une conférence, j’essaie
d’insuffler une dynamique qu’il est ensuite important de ne pas briser.

Quel est l’objectif de l’atelier que vous avez animé durant ces deux jours ?
Les origines professionnelles, les formations des participants sont très diverses. Ils
représentent des catégories au sein de l’université. A moi de montrer que l’on
recherche avant tout un sens à l’action menée, que ce qui prime, c’est le mandat d’élu
et non la fonction de chacun. Cela permet la transversalité. Au final, je livre une
synthèse ; je ne suis pas un expert et n’apporte donc aucun modèle d’action.
Recueilli par Alexis Fricker


Articles modifiés :

Page 18-19

Mieux connaître les conditions de travail à l’Uds
Les focus groups, une initiative pionnière

Y–t-il un malaise lié aux conditions de travail dans l’université ? Est-il général ou très
localisé ? Pour en savoir plus, le laboratoire de psychologie et des cognitions lance une
série d’entretiens avec les personnels. Points de vue sur une initiative originale et
innovante.« On ne va pas s’enfermer dans une spirale négative sans tenter d’apporter des réponses adaptées » estime Jean Déroche, le directeur général de l’université de Strasbourg, en parlant de l’atmosphère au sein des services de l’Uds. La fusion a certainement entraîné une perte de repères. L’exercice des nouvelles responsabilités a accru la charge de travail. « C’est bien pour cela que nous avons décidé, ajoute-t-il, de prendre des initiatives et d’être actifs en lançant une opération pour laquelle l’université est incontestablement pionnière dans le secteur public ».

Des focus groups ont donc été mis en place au sein de l’Uds dans le cadre d’une enquête nationale sur la santé et la sécurité au travail (voir encadré). La présidence de l’Uds a voulu s’en faire l’écho pour tenir compte des difficultés rencontrées par les personnels après la naissance de l’université unique au 1er janvier 2009. L’objectif, selon Didier Raffin qui mène l’étude avec le laboratoire de psychologie des cognitions de l’UdS est « d’ évoquer les conditions et l’environnement de travail au cours de 45 entretiens collectifs (auxquels participent 900 personnes tirées au sort, ndlr) pour confronter les points de vue des gens et proposer des pistes d’action à la présidence ».

La nécessité d’être entendu

Bien évidemment, ces entretiens activent le ressort de l’émotion. Et celle-ci est bien présente. Angèle Peter,
assistante sociale en poste à l’Uds depuis début janvier, relate quelques témoignages individuels : « Je reçois des personnes démobilisées qui vivent un profond malaise, qui sont écrasées par cette masse qu’est l’Uds. Le travail, pour elles, n’est plus un élément positif ni motivant ».

achtung : un paragraphe déplacé ici

« La perception d’un malaise par certains ne peut leur être contestée » commente Jean Déroche, « elle n’est
d’ailleurs certainement pas propre à l’Uds, comme on peut le constater chaque jour dans la presse : des
phénomènes analogues sont décrits dans de nombreuses institutions publiques comme privées ». Le contexte est en effet plus général. Le Ministre de la Fonction Publique a érigé comme action prioritaire en 2010 la lutte contre le risque psychosocial donc pour l’ensemble de la Fonction Publique.

Mieux accompagner les personnels

Médecin de prévention du personnel de l’UdS, le Dr Catherine Vivès voit « des cas de souffrance profonde liée au travail, dont des personnes en dépression », plus précisément des BIATOS. « Certains n’en peuvent plus, ils sont à bout dans leurs services et demandent à changer de poste ».

Un sentiment confirmé par cette femme, elle aussi personnel BIATOS, au sein d’un service né de la fusion :
« Pour la direction, la base tourne et c’est le principal. Elle ne s’intéresse pas aux conditions de travail, aux
tensions avec les chefs, aux horaires à rallonge, aux dossiers qu’on emporte chez soi pour travailler le soir ou le week-end ». Elle reconnaît cependant l’intérêt des focus groups, auxquels elle a participé, « parce que ça m’a permis de déterrer des frustrations. Et d’être vraiment entendue ».

Dans une enquête réalisée en octobre 2009 par le SGEN-CFDT auprès des personnels sur les effets de la création de l’Uds, le syndicat pointait une « équipe dirigeante inaccessible ». La réponse de Jean Déroche est claire, « ma porte est toujours ouverte pour discuter. Avec le vice-président « Ressources Humaines et Politique Sociale », nous avons par ailleurs des rencontres au moins mensuelles avec les organisations syndicales, avec lesquelles nous discutons naturellement de ces situations ».

Jean-Luc Brucker, secrétaire général du SES-CGT, constate que « le doute et la fatigue s’installent ». L’urgence, selon lui, « est de mettre la pédale douce et de baisser la pression sur les gens. Aujourd’hui, on a tous la tête dans le guidon, on n’a pas le temps de la réflexion et plus le temps de l’échange ».

Les représentants syndicaux restent donc dubitatifs mais attendent des résultats concrets de cette étude sur le
risque psychosocial. « Les focus groups sont certainement une bonne idée, tempère Paul Nkeng, secrétaire de section du SGEN-CFDT, mais la présidence doit absolument réfléchir à optimiser sa communication pour apaiser les esprits ». Grâce aux focus groups, « nous pourrons mieux cibler les besoins et accompagner les personnels », rassure Hugues Dreyssé, vice-président de l’Uds en charge des ressources humaines et de la politique sociale.

La grande inconnue reste en effet, au delà de quelques situations douloureuses, toujours
singulières, de mieux évaluer la réalité et l’ampleur éventuelle du phénomène. L’analyse des
entretiens réalisés de façon rigoureuse dans ces focus groups, permettra sans doute d’en savoir
plus.
AF

Les maux du travail

Le stress au travail est l’une des priorités des pouvoirs publics depuis quelques années. En février 2007, la
commission européenne éditait un rapport sur l’ampleur grandissante du mal-être dans l’univers professionnel, sur la foi de données de l’OMS : « Les problèmes liés à une mauvaise santé mentale constituent la quatrième cause la plus fréquente d’incapacité au travail [...] D’ici à 2010, la dépression deviendra la première cause d’incapacité au travail ».
Le stress, écrit le journaliste Jean-François Dortier dans un article paru dans le magazine Sciences Humaines (n°12, sept-nov 2008), « touche toutes les catégories de personnels, dans le secteur privé comme dans le public ».
En 2005, le gouvernement français déployait le plan Santé au travail afin « d’améliorer la prévention des risques professionnels ». Début 2010, le deuxième volet du plan Santé au travail est notamment axé sur « la
préservation de l’intégrité physique et psychique de chaque salarié, son bien-être au travail et des conditions de travail de qualité ». Entretemps, France Télécom a connu une vague de suicides parmi ses salariés, et le
gouvernement a certainement redéfini les priorités de son action en matière de risques psychosociaux.

Quelques mois plus tôt, le 9 octobre 2009, le ministre du Travail, Xavier Darcos, annonçait la mise sur pied d’un plan d’urgence pour la prévention du stress au travail. Le 4 novembre, Matignon lançait une mission sur la prévention du stress au travail, et le 20 novembre, le gouvernement et sept organisations syndicales ratifiaient un accord sur la « Santé et la sécurité au travail dans la fonction publique ».

Car dans le public ou le privé, la modernisation ou la restructuration visent le même objectif : l’efficacité. Dans ce contexte, d’après le professeur Michel Lallement (Le travail sous tensions, Sciences Humaines Editions, 2010), fonctionnaires et salariés peuvent plonger dans « le désarroi » et vivre la modernisation « comme une perte de sens radicale de leurs activités ». La modernisation « impose un délicat équilibre entre deux logiques opposées : celle du modèle bureaucratique classique (stricte répartition des tâches, hiérarchie
organisationnelle, peu d’autonomie dans le travail) et celle d’un modèle de la compétence technique où
l’initiative, la flexibilité, la responsabilité sont valorisées à tous les niveaux ». Et d’interroger : « Fallait-il pour cela instiller l’esprit d’entreprise dans l’ensemble de la fonction publique » ?
A.F.

Les moyens d’action à l’UdS

L’étude sur la prévention du risque psychosocial à l’Uds est menée par quatre psychologues du
travail du laboratoire de psychologie des cognitions de la fac de psychologie, sous la direction
de Didier Raffin, professeur associé de psychologie du travail. Les premiers résultats seront
présentés fin juin, après l’étude des questionnaires qui seront envoyés courant mai aux
quelque 4 600 personnels de l’université.
Contact des responsables du projet : uds-enquete@unistra.fr.

Gouvernance
Pages 20-21
Penser l’autonomie

La fusion des trois universités et le passage à l’autonomie oblige les élus à repenser leurs
méthodes de travail. Les élus des quatre conseils de l’UdS ont passé deux jours début
février dans les Vosges, dans un hôtel du Hohwald, pour un séminaire organisé par
l’école des cadres.
Une cinquantaine d’élus de l’UdS a accepté de jouer le jeu de la délocalisation, de troquer
pour deux jours, les 1er et 2 février, le cadre formel des conseils contre les salons feutrés d’un
hôtel vosgien.
Il était impératif de revenir sur le passage à l’autonomie, sur la nouvelle configuration née
début 2009 de la fusion des trois universités. Un « coup d’oeil dans le rétro », pour Philippe
Clermont, chargé de mission de l’école des cadres et organisateur de la réunion, « la fusion
est un chantier difficile et ce séminaire permet d’effacer les étiquettes entre les élus. On parle
d’un vécu commun, on confronte directement différentes expériences ». _ « Partager des
valeurs sans pour autant rechercher l’unanimité », précise même le président de l’université,
Alain Beretz.
Partager des valeurs, oui, mais aussi des repas et une ascension en bus, de Strasbourg au
Hohwald, pour bénéficier à plein de l’effet de groupe. « L’atmosphère était à la fois ouverte,
respectueuse de chacun et apparemment dénuée d’autocensure », résume l’un des
intervenants extérieurs, Jean-Michel Rossignol, et les débats se sont prolongés dans les
couloirs, autour du bar, ou dans le cercle des fumeurs, les pieds dans la neige.
La présidence misait en effet sur la convivialité pour faciliter l’expression de tous et la mise
en commun des points de vue. Enseignants-chercheurs, représentants des personnels et des
étudiants ont participé aux mêmes ateliers et aux mêmes conférences - prononcées par
Bernard Dizambourg et Christine Musselin - que l’équipe présidentielle. Daniel Argudo-
Blum, inscrit en 3eannée d’économie et élu au conseil d’administration le reconnaît
volontiers, il craignait, à l’ouverture du séminaire, « d’être formaté plus que formé ». « Au
moins, l’équipe de direction ne pourra plus dire qu’elle n’était pas au courant des problèmes
qui se posent au sein de l’Uds », estime Michaël Gutnic, élu du collectif intersyndical « Agir
ensemble pour une université démocratique ».
Partager des valeurs, oui, mais lesquelles ? Au-delà de la question du statut et de la
compétence des élus, il était important de s’assurer que tous défendent le même attachement à
une université unique.
« L’Uds, ce doit être une question d’identification » explique Mir Wais Hosseini, directeur du
laboratoire de chimie de coordination organique, « un sentiment fort d’appartenance et pas
uniquement une question de gestion et de management ». « Management », le mot peut faire
peur. Pourtant, pour Philippe Clermont, « le management c’est aussi de la transmission
d’idées, cela fait partie de la formation d’un cadre quand il conduit une équipe ».
Plusieurs vice-présidents ont d’ailleurs conduit des ateliers sur l’articulation des compétences
techniques en s’appuyant sur des situations concrètes.Le secrétaire général Jean Déroche a
tiré le bilan de ces travaux en insistant sur la notion « d’intérêt général » qui doit habiter
chaque représentant des conseils : « si on ne peut leur dénier leur fonction de porte parole du
segment de la communauté qui les a élus, ils doivent souvent, au moment de leur vote sur une
délibération qui portera sur l’ensemble de l’établissement, dépasser ce mandat pour se
fondre dans l’intérêt général ».
A condition, bien sûr, de maîtriser les règles de fonctionnement des conseils, comme les
différentes formes de consultation. Lors de l’atelier organisé par Jean-Michel Rossignol,
plusieurs participants ont suggéré de désigner au sein du CA des référents chargés de faire le
lien avec les conseils consultatifs. Ils ont souhaité la mise en place de règles pour faciliter le
débat sur le fond et aimeraient aussi faire appel occasionnellement à des experts issus de
l’administration de l’Uds.
Distribuer harmonieusement la parole est une autre règle essentielle, au même titre que
l’écoute réciproque. Dans un autre atelier, Célia Gissinger et Philippe Breton insistaient
justement sur « l’empathie cognitive » et sur le respect des règles de la discussion. Les deux
chercheurs proposaient à tous les participants un exercice concret, le « débat argumenté »,
durant lequel chacun doit à la fois, dans un temps imparti, défendre un point de vue et écouter
celui de l’autre.Car l’enjeu est bien là, favoriser le fonctionnement démocratique des conseils
pour les rendre plus efficaces et aider les élus à remplir leur mission, pour consolider
l’autonomie.
La synthèse finale a permis de souligner également la pertinence de poursuivre une offre de
formation régulière et spécifique pour les cadres de l’Uds. Les directeurs de composantes et
les responsables administratifs bénéficieront rapidement d’une journée de formation. L’école
des cadres espère faciliter les passerelles et former un vivier de futurs élus qui pourraient à
terme occuper des responsabilités au sein de l’université. Pour réussir son évolution vers
l’autonomie, l’Uds doit faire circuler la parole et puiser dans toutes ses compétences, le
séminaire de février dernier a montré que c’était possible.

Alexis Fricker