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La Fondation Abbé-Pierre pointe le lien entre travail instable et logement

Publie le mercredi 1er février 2006 par Open-Publishing

Précaires et petits salaires... la tuile

par Tonino SERAFINI

De l’apprentissage de la précarité. « L’état de jeunesse n’apparaît plus comme une période de transition vers une stabilité et une sécurité, mais davantage comme une période permettant d’apprendre à vivre sous la menace permanente de la précarité », pointe la Fondation Abbé- Pierre, dans son rapport annuel sur « l’état du mal-logement en France », rendu public aujourd’hui.

Cohabitation forcée. Ce document volumineux consacre un chapitre à la problématique de la construction de l’autonomie des jeunes, rendue hypothétique par la précarité de l’emploi. « L’accès à un travail souvent précaire ne (leur) offre pas la possibilité d’accéder à un logement. » En conséquence, « nombreux sont ceux qui demeurent au domicile familial quand cela est possible ».

En 2002, plus de la moitié (55 %) des jeunes âgés de 19 à 26 ans affirmait vivre chez leurs parents, 77 % d’entre eux déclarant que cette cohabitation était fortement liée à leur incapacité d’assumer un loyer. D’autant que la crise de l’emploi se double d’une crise du logement, marquée par un envol des loyers et des exigences accrues des bailleurs pour l’entrée dans les lieux. Les critères de solvabilité sur lesquels s’opère le tri des candidats à la location se révèlent cruels pour les jeunes. Même ceux qui disposent d’un emploi stable, mais rémunéré en deçà de 1 500 euros, peinent à trouver un toit.

Le rapport fourmille d’exemples. « Je suis passée par une agence pour trouver un logement. J’ai bien vu que même si je gagnais ma vie (1 200 euros, ndlr), ce sont les trois dernières fiches de paie de mon père qui ont compté. » D’autres jeunes témoignent de parcours résidentiels cahoteux : colocation, sous-location, squat, recours à des chambres d’hôtel, des mobile homes ou retour au bercail familial après des tentatives avortées d’autonomie. « A mon boulot, on est beaucoup en CDI, mais je ne connais personne qui ait un appartement vraiment à lui : soit les gens sont chez leurs parents, soit ils sont en colocation, raconte un jeune informaticien en CDI gagnant 1 400 euros par mois. On a embauché quelqu’un de Rouen. Il cherche quelque chose sur Paris mais ne trouve pas. » Il a trois heures de transport par jour. Souvent, l’accès à un logement est compromis par l’incapacité à présenter un garant disposant de revenus cinq fois supérieurs au loyer.

Bascule. Cette crise qui affecte des jeunes disposant d’un travail stable fait basculer dans l’errance les autres, plus fragiles. Ceux qui ont connu l’échec scolaire, les ruptures familiales. Ainsi, plus du quart des personnes sans abri accueillies à la Boutique de solidarité de Valenciennes ont moins de 25 ans. « La plupart sont issus de familles défavorisées qui se trouvent elles-mêmes dans des situations socio-économiques très difficiles, témoignent ses responsables. La grande majorité de ces jeunes est en totale perte de repères et perçoit davantage les dispositifs sociaux comme des moyens de survie que comme des leviers pour accéder à une autonomie. »

http://www.liberation.fr/page.php?Article=355879