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La France des ouvriers doute de Sarkozy

Publie le lundi 30 mars 2009 par Open-Publishing
6 commentaires

De Sylvain Besson

Un temps séduites par le président, les petites villes industrielles au nord de Paris voient les signes de colère se multiplier

Suzanne, 57 ans, employée d’une chaîne de restaurants d’entreprise, gardera un souvenir amer du jeudi 26 mars. « C’était mon dernier jour de travail », explique-t-elle à la sortie de l’usine Impress de Laon, au nord-ouest de Paris. Impress, qui produisait des boîtes aérosol, vient de licencier 174 personnes, grossissant un peu plus la troupe des déçus du sarkozysme.

Abritée de la pluie froide par son capuchon, Suzanne laisse échapper un regard las lorsqu’on lui parle du président. « J’avais voté Sarko, déclare-t-elle sans détour. Je ne connais rien à la politique, mais je pensais qu’il ferait des choses bien pour les gens comme moi. »

Aujourd’hui, elle n’écoute plus ses discours – même pas celui prononcé le 24 mars à Saint-Quentin, une ville ouvrière proche de Laon. Son sort lui semble suffisamment éloquent : « J’aurais voulu continuer à travailler. Mais demain, j’irai pointer au chômage. »

Selon Jérôme Chevillotte, directeur industriel chez Impress, la désaffection de l’industrie cosmétique pour l’emballage en fer-blanc – plus lourd, moins cher et moins élégant que l’aluminium – a obligé ce groupe basé aux Pays-Bas à « revoir son portefeuille d’usines », condamnant ainsi le site de Laon.

Mais cette explication rationnelle ne satisfait guère les employés. En octobre dernier, ils ont séquestré leurs dirigeants durant une nuit – une forme de protestation qui, depuis, a gagné la France entière. Plus récemment, chez M & S Mode, juste à côté d’Impress, des employés ont brûlé des palettes de bois, signe, selon Suzanne, que « ça ne va pas bien non plus » chez eux.

Dans les environs, des carcasses d’usines à l’abandon témoignent d’un déclin déjà ancien. Et la crise risque de porter le coup de grâce aux industries qui restent. « On a l’impression que le bassin d’emplois est en train de s’effondrer », avoue Frédéric Briet, syndicaliste CFDT chez Impress. La liste des entreprises disparues ou menacées est interminable : Continental, Pirelli, Atal, Sonocas, Wagon, Wolber…

Ces noms reviennent dans toutes les bouches en Picardie, l’une des régions de France les plus touchées par la désindustrialisation. Avec ses collines aplaties, ses lumières rasantes et ses cimetières militaires légués par les deux guerres mondiales, elle incarne cette France populaire et laborieuse que Nicolas Sarkozy a exaltée durant sa campagne de 2007. L’Aisne, dont Laon est la préfecture, a voté pour lui à 53,36%, l’Oise, plus au sud, à 58,28%.

« Les villes moyennes qui bordent l’Ile-de-France ont bénéficié du desserrement industriel des années 1960 et 1970 », lorsque l’Etat voulait éloigner l’industrie de ­Paris, rappelle Jacques Lévy, géo­graphe à l’EPFL. Ce territoire se distingue par la faiblesse des bourgeoisies locales, étouffées par la proximité de la capitale, une attirance pour le populisme et un niveau d’éducation relativement bas : « On a longtemps considéré qu’il était bon, pour les garçons, de quitter l’école le plus tôt possible », note Jacques Lévy.

Séduits par Nicolas Sarkozy, bon nombre d’ouvriers picards avaient commencé à mettre en application son slogan « travailler plus pour gagner plus ». Chez Crown emballages, un concurrent d’Impress qui emploie 345 personnes, les heures supplémentaires défiscalisées ont rencontré un vif succès – jusqu’à ce que la crise frappe et dégarnisse le carnet de commandes.

« Aujourd’hui, des heures supplémentaires, il n’y en a pratiquement plus, observe Marc Christodoulou, syndicaliste CGT doté d’une petite barbe et d’un regard malin. Et il n’y a plus grand monde qui revendique avoir voté Sarkozy. »
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Laon, 28 000 habitants, a longtemps été protégé par sa forte proportion de fonctionnaires. Mais ce n’est plus le cas. La caserne et le centre de tri de la poste vont fermer. La faute, disent les habitants, à Nicolas Sarkozy et à sa réforme de l’Etat. Dans la moindre manifestation – comme celle qui a rassemblé 20 personnes, le 24 mars, pour défendre une classe maternelle de Tergnier –, on brandit désormais le portrait du président, sourire goguenard, comme un étendard de révolte.

Antoine Lefèvre, maire de Laon et sénateur UMP de l’Aisne, constate que ses administrés « trépignent d’impatience » et s’inquiètent pour leur avenir. « Il faut se montrer combatifs dans un monde qui devient de plus en plus difficile », estime-t-il, avant d’énumérer les atouts de sa région : l’aéroport de Roissy, tout proche, les autoroutes menant au Benelux et à l’Angleterre, un savoir-faire industriel et une main-d’œuvre dure au mal.

Mais le problème reste entier : quels emplois attirer ? Sur quels secteurs miser ? La région avait choisi les biocarburants, mais la polémique sur leur valeur écologique et la baisse des subventions européennes à la betterave menacent cette stratégie. Quant aux nouveaux postes de travail – femme de chambre à Center Park, assembleur de sandwiches par 6° chez Daunat –, ils ne sont guère plus attractifs que ceux qui ont disparu des anciennes chaînes de montage.

Autre question sans réponse : la déception actuelle va-t-elle profiter à un nouveau leader populiste – par exemple Olivier Besancenot – ou se muera-t-elle en explosion de ras-le-bol général ? Sur la vitrine abandonnée d’un magasin de Laon, un graffiti proclame : « Réveillons-nous. Agir. » Nul ne sait quand, ni de quelle façon l’appel sera entendu.

 http://www.letemps.ch/Page/Uuid/092...

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    La France des ouvriers doute de Sarkozy
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    « Les villes moyennes qui bordent l’Ile-de-France ont bénéficié du desserrement industriel des années 1960 et 1970 », lorsque l’Etat voulait éloigner l’industrie de ­Paris, rappelle Jacques Lévy, géo­graphe à l’EPFL. Ce territoire se distingue par la faiblesse des bourgeoisies locales, étouffées par la proximité de la capitale, une attirance pour le populisme et un niveau d’éducation relativement bas : « On a longtemps considéré qu’il était bon, pour les garçons, de quitter l’école le plus tôt possible », note Jacques Lévy.

    Séduits par Nicolas Sarkozy, bon nombre d’ouvriers picards avaient commencé à mettre en application son slogan « travailler plus pour gagner plus ». Chez Crown emballages, un concurrent d’Impress qui emploie 345 personnes, les heures supplémentaires défiscalisées ont rencontré un vif succès – jusqu’à ce que la crise frappe et dégarnisse le carnet de commandes.

    « Aujourd’hui, des heures supplémentaires, il n’y en a pratiquement plus, observe Marc Christodoulou, syndicaliste CGT doté d’une petite barbe et d’un regard malin. Et il n’y a plus grand monde qui revendique avoir voté Sarkozy. »

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    Laon, 28 000 habitants, a longtemps été protégé par sa forte proportion de fonctionnaires. Mais ce n’est plus le cas. La caserne et le centre de tri de la poste vont fermer. La faute, disent les habitants, à Nicolas Sarkozy et à sa réforme de l’Etat. Dans la moindre manifestation – comme celle qui a rassemblé 20 personnes, le 24 mars, pour défendre une classe maternelle de Tergnier –, on brandit désormais le portrait du président, sourire goguenard, comme un étendard de révolte.

    Antoine Lefèvre, maire de Laon et sénateur UMP de l’Aisne, constate que ses administrés « trépignent d’impatience » et s’inquiètent pour leur avenir. « Il faut se montrer combatifs dans un monde qui devient de plus en plus difficile », estime-t-il, avant d’énumérer les atouts de sa région : l’aéroport de Roissy, tout proche, les autoroutes menant au Benelux et à l’Angleterre, un savoir-faire industriel et une main-d’œuvre dure au mal.

    • la fin de l’art.
      si vous pouvez le remettre en une seule page : je suis nulle !!!

      Mais le problème reste entier : quels emplois attirer ? Sur quels secteurs miser ? La région avait choisi les biocarburants, mais la polémique sur leur valeur écologique et la baisse des subventions européennes à la betterave menacent cette stratégie. Quant aux nouveaux postes de travail – femme de chambre à Center Park, assembleur de sandwiches par 6° chez Daunat –, ils ne sont guère plus attractifs que ceux qui ont disparu des anciennes chaînes de montage.

      Autre question sans réponse : la déception actuelle va-t-elle profiter à un nouveau leader populiste – par exemple Olivier Besancenot – ou se muera-t-elle en explosion de ras-le-bol général ? Sur la vitrine abandonnée d’un magasin de Laon, un graffiti proclame : « Réveillons-nous. Agir. » Nul ne sait quand, ni de quelle façon l’appel sera entendu.

    • mais non mais non, pourquoi ce faire du mal ainsi ...

      Combien de cette base ouvrière c’est fait doubler par ce populiste poujadiste résident, c’est là qu’il est le problème majeur des démocraties. Laisser dire et annoncer n’importe quoi au risque de crééer des rancoeurs et des revirements de position d’un électorat quelque peu stupide et naif a écouter ces politiciens mis en scéne par des publicitaires sans scrupule.

      Comme je l’écrivais il y a un an ,

      Un président de la république est une denrée périsable, au meme titre qu’un yaourt , ce président n’a plus de légitimité réelle, son pot est percé combien mème il aurait la banane ! (dans le ciboulot y a pas de doute) .

      Comme les campagnes électorales sont présentées et vendues comme produits consommables, dès lors que la denrée est devenue inmangeable, il faudrait bien revoir les institutions pour organiser des élections présidentielles, au moins une fois l’an.

      Le peuple français ayant eu de tout temps cette façon de dire OUI et puis NON.

      Un article interressant au demeurant, donc t’es pas nulle, y a assez de maso comme ça et encore Merci

  • Mais qui a pu croire un jour aux conneries du nabot ? Les français sont des grands malades,ou des veaux comme disait De Gaulle !momo11

    • Quand les chefs de la gauche son nuls, il y a ceux qui retroussent les manches pour changer de chef et ceux qui crachent sur la masse...

    • C’est assez vrai, ce qui nous a manqué c’est un "chef" charismatique à gauche pour emporter nos revendications et les défendre mordicus ! Pour se faire, il faut que ce "chef" déteste l’argent et les paillettes, les rollex, soit hautement instruit et cultivé, et aime sincèrement le peuple et les travailleurs. A celu-là, je lui prédis un bel avenir politique.