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La mort de mon amie Rachel Corrie

Publie le mardi 16 mars 2004 par Open-Publishing
1 commentaire



Le 16 mars 2003 une jeune américaine du nom de Rachel Corrie, venue en territoire
occupé pour dénoncer le traitement réservé aux palestiniens, périssait écrasée
par un bulldozer israélien qui s’apprêtait à démolir une maison supposé liée à des
militants. Dreg était présent...


Dreg Sha le
17 Mars 2003

Bonjour,
Je pense que vous avez pour la plupart dû entendre parler de la mort
de Rachel
Corrie.

Rachel était une personne remarquable. Elle était intelligente, créative, un
peu artiste. Elle avait un vrai sens de l’humour, elle aimait la vie et était
incroyablement belle, physiquement et intérieurement.

Dans ce mois passé à Rafa nous avions développé une relation amicale très forte.
Ce qui lui est arrivé est une tragédie et un meurtre.
Ce fut un gâchis humain inutile et tragique. Ce que Rachel, les autres internationaux
et moi faisons ici est bien évidemment très risqué. Il ne se passe pas une journée
sans que je craigne d’être touché par une balle perdue parce que la Force de
Défense Israélienne tire régulièrement au hasard partout dans la ville. Mais
je n’aurais jamais pensé que l’un d’entre nous se ferait tuer par un de ces bulldozers
si lents et lourds.
Rachel se tenait devant la maison d’une famille dont elle était très proche.
Depuis trois mois un européen ou un américain y dormait chaque nuit, et Rachel
y avait elle-même passé plusieurs nuits.
Rachel se tenait bien en évidence. Il n’est pas possible que le conducteur du
bulldozer ne l’ait pas vue. Elle portait un gilet orange fluo. Nous étions huit
en tout sur les lieux, quatre américains et quatre britanniques. Il y avait deux
bulldozers et un tank.

Notre groupe s’était disséminé parce que les bulldozers attaquaient une surface
assez grande comprenant trois maisons toujours occupées par des familles. Rachel
a tenu tête au bulldozer seule parce qu’elle connaissait cette famille et parce
qu’elle pensait que son action était juste. Les destructions de maisons par ces
bulldozers étaient et sont illégales. S’approchant de plus en plus de Rachel,
le bulldozer a commencé à pousser la terre sous ses pieds. A quatre pattes, elle
essayait de rester au sommet de la pile qui ne cessait de monter. A un moment
elle s’est retrouvée assez haut, presque sur la pelle. Suffisamment près pour
que le conducteur puisse la regarder dans les yeux.
Puis elle a commencé à s’enfoncer, avalée dans la terre sous la pelle du bulldozer.
Le bulldozer n’a pas ralenti, ne s’est pas arrêté. Il a continué à avancer, pelle
au niveau du sol, jusqu’à lui passer sur tout le corps. Alors il s’est mis en
marche arrière, la pelle toujours au sol, et lui est repassé dessus. Tout le
temps que dura cette scène d’horreur, mes six compagnons et moi lui avons crié d’arrêter
en courant vers l’endroit.
Rachel gisait sur le sol, tordue de douleur et à moitié enterrée. Sa lèvre supérieure
déchirée saignait abondamment. Elle ne put que dire "je me suis cassé le dos".

Après ça elle n’arriva plus à dire son nom ni même à parler. Nous l’avons tenue
et lui avons dit de se détendre. Je lui ai demandé de serrer ma main, ce qu’elle
a fait, ce qui prouve qu’elle nous entendait. Je lui ai demandé de respirer avec
moi, inspire, expire, inspire, expire, et elle l’a fait. Nous lui avons tous
dit que nous l’aimions.
Mais on pouvait voir son état se détériorer rapidement. Des signes indiquant
une hémorragie interne à la tête apparurent bientôt.
Après environ un quart d’heure des brancardiers sont arrivés et l’ont emmenée à l’hôpital.
Certains diront et disent déjà que ce que nous faisons ici est excessivement
dangereux et stupide. Je suis d’accord. Je ne voudrais rien de plus au monde
que de revoir Rachel vivante.
Mais cela ne change rien aux faits : Rachel a été assassinée.
L’armée israélienne a commis deux crimes : elle a commis un meurtre alors même
qu’elle se rendait coupable de destructions illégales.

Rachel, elle, n’avait commis aucun crime.
L’IDF a déjà commencé à tourner cette histoire, en disant que Rachel avait glissé devant
le bulldozer, et que des tirs nourris sur les lieux avaient motivé leur comportement
agressif. Tout ceci est faux. Il y a sept témoins oculaires internationaux et
des photos pour prouver la vérité.
Je suis en état de choc et je souffre. J’ai appris beaucoup plus que je n’ai
jamais voulu savoir sur ce que ressent un Palestinien. La plupart de mes amis
ici ont décidé de rester, et d’autres encore vont venir nous rejoindre. Moi j’ai
décidé de raconter l’histoire de Rachel.
Au-delà de ça, je compte quitter cet endroit bientôt (si je le peux), car je
ne pense pas pouvoir en supporter beaucoup plus.
Tout cela la veille de "Guerre en Irak II", bientôt dans une machine à propagande
près de chez vous.

Love
Dreg


16.03.2004
Collectif Bellaciao

Messages

  • je ne dirait qu’une chose , comment aller continuer son action , votre action la bas, surtout apres les evenements de ce matin , je veux m’interposer , ils faut que l’on soit tres nombreux ces jours ci et malheureusement ceux d’apres , qui contacter ? je m’appelle luc je suis secouriste,j’ai ete objecteur de conscience, educ /socio/cul et toujours militant a bientot