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La victoire du mouvement anti-CPE résonne à Athènes

Publie le samedi 6 mai 2006 par Open-Publishing

FSE . L’ouverture des débats dans la capitale grecque a été marquée par la lutte anti-précarité et les enseignements de la récente reculade imposée au pouvoir français.

de Paul Falzon, Athènes (Grèce),

Un mois après le retrait du CPE, le quatrième Forum social européen (FSE) qui s’est ouvert hier à Athènes a fait de la précarité l’un de ses thèmes principaux. Premier temps fort des trois jours de débats et de manifestations qui devraient réunir 15 000 personnes autour de l’ambition de « changer le monde », les principaux meneurs du mouvement étudiant et syndical qui a fait céder le gouvernement de Villepin ont témoigné de l’importance de ce combat dans le rapport de forces social en France. Avec l’ambition que cet exemple inspire d’autres luttes au niveau européen. « Résistance au néo-libéralisme : le CPE, ce n’est qu’un début », résumait l’intitulé du débat que le FSE leur a consacré.

« Depuis plusieurs années, les luttes sociales en France n’avaient pas gagné. Cette victoire nous redonne le moral », a commenté Kamel Tafer, porte-parole de la coordination étudiante contre le CPE. « La jeunesse s’est fortement mobilisée et pas seulement pour défendre ses propres conditions d’existence, mais aussi pour combattre, de façon beaucoup plus large, ce qui apparaît comme une fatalité dans les politiques néolibérales, la précarité », a poursuivi Bruno Julliard, président de l’UNEF, en soulignant l’« unité » et l’« intensité » exceptionnelles de la lutte syndicale contre le CPE. « Il y a eu une prise de conscience générale », a-t-il ajouté. Annick Coupé (SUD) a elle inscrit la lutte contre le CPE « dans la suite de la victoire du "non" clairement ancré à gauche lors du référendum sur le traité constitutionnel » l’an dernier. Le retrait de la réforme visant les jeunes a été « une victoire française évidemment, mais aussi européenne voire mondiale », a souligné Jean-Michel Joubier (CGT) en citant les messages de soutien arrivés du monde entier et notamment des États-Unis. « On a évidemment pas réglé tous les problèmes liés à la précarité, mais on a réussi à inverser le rapport de forces », a repris Annick Coupé.

« FAIRE CONVERGER NOS LUTTES »

L’épisode du CPE a visiblement marqué les esprits des participants de ce forum d’Athènes. Dans l’assistance du débat sur le sujet, Luc Renard, de la branche chômeurs du grand syndicat belge FGTB, dit qu’il a « regardé avec beaucoup d’attention ce qui s’est passé en France ». « Il faut dire que, quand votre gouvernement fait une connerie, le nôtre suit souvent », lâche-t-il dans un grand rire. « La victoire de ce nouveau 1er Mai français est un exemple que nous devons suivre », estime Mikhailis Kitsonis, responsable de l’organisation des travailleurs précaires d’Olympic Airways, la compagnie nationale au coeur d’un bras de fer très dur entre les syndicats et le gouvernement qui veut la privatiser. Un responsable du syndicat turc du secteur public, le KESK, se dit « encouragé » par ce « premier recul depuis des années » des politiques néo-libérales. « La lutte en France, la lutte en Turquie, toutes nos luttes en Europe ne sont pas isolées mais participent d’un même mouvement », estime encore le militant du KESK.

« Il nous faut tous apprendre à parler français », s’est amusé à la tribune Antonis Karabas, du syndicat des médecins grecs. « Les attaques que nous subissons sont les mêmes d’un bout à l’autre du continent, même s’il y a beaucoup de différences dans les systèmes nationaux de protection sociale ou dans les codes du travail. Il nous faut travailler ensemble », a-t-il jugé. « Alors que des milliers de jeunes se battaient contre le CPE, on nous rétorquait : "Mais ailleurs en Europe, ça se fait partout." On a manqué cruellement d’une coordination au niveau européen alors qu’on sait que c’est là qu’il faut construire la réponse contre la précarité », a rappelé Bruno Julliard. « Il faut réfléchir et faire converger au niveau européen nos luttes sur le droit du travail », a aussi insisté Kamel Tafer.

Si l’assemblée des mouvements qui clôturera ce FSE, dimanche, ne devrait pas manquer de prendre position sur la nécessaire liaison entre les initiatives anti-précarité, les premiers débats ont démontré que des coordinations existent déjà, à échelle réduite, pour défendre l’emploi et les conditions de travail. Ainsi chez Nestlé, l’un des plus grands groupes industriels européens. Heinz Jürgen Hintzen, du syndicat allemand de l’alimentaire NGG, a raconté comment le conflit de Marseille, où les travailleurs français dénonçaient un plan de licenciement massif, s’est « déplacé » à Düsseldorf. « Les ouvriers allemands se sont mis en grève pour montrer leur solidarité et faire pression sur la direction, et ils ont invité leurs collègues français », a-t-il raconté. « Unifier des mouvements de travailleurs est difficile à réaliser, a nuancé ensuite le syndicaliste de NGG. Mais si les conditions sont réunies, on peut gagner au niveau européen. Voire mondial. » L’un des objectifs de son organisation est de faire plier Coca-Cola, qui compte 54 sites sur l’Ancien Continent dans lesquels le droit du travail est largement mis à mal.

« Nous devons affronter la mondialisation, alors il nous faut bien collaborer les uns avec les autres », analyse Thanos Vasilopopoulos, secrétaire de la Fédération grecque des employés du privé (OYELE), qui tente actuellement de coordonner les différents syndicats des chaînes de grande distribution en Europe. « Reconnaissons-le, les syndicats n’ont plus la même force qu’auparavant. S’organiser à l’échelon européen est donc un impératif ; cela permettra peut-être de relancer aussi le mouvement syndical », conclut-il.

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