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Laurence Parisot : "Limiter les bonus sera une excellente chose"

Publie le mercredi 2 septembre 2009 par Open-Publishing
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LE MONDE | 02.09.09 | 07h47 • Mis à jour le 02.09.09 | 10h54

Alors que le Medef consacre sa onzième université d’été – du 2 au 4 septembre à Jouy-en-Josas (Yvelines) – à "la recherche des temps nouveaux", sa présidente, Laurence Parisot, se déclare confiante sur la reprise économique mais attire l’attention sur les difficulté de trésorerie des PME.

Elle délivre un statifecit à la politique fiscale de Nicolas Sarkozy, mais presse le gouvernement d’engager la réforme des retraites. Elle approuve l’encadrement des bonus des traders, alors que le gouvernement fait pression sur les banques avant le G20 pour qu’elles soient exemplaires en matière de rémunérations.

Ainsi, selon nos informations, la commission bancaire lance actuellement une enquête sur les pratiques des établissements financiers alors que Michel Camdessus s’apprête, lui, à auditer les politiques salariales des établissements aidés par l’Etat comme vient de lui demander le gouvernement.

Les signaux de reprise se multiplient. Etes-vous optimiste ?

Je constate que nous ne sommes pas entrés en dépression et que la récession elle-même sera moins longue que prévu. Je n’exclus pas le scénario optimiste.

De nombreux indicateurs sont encourageants : le deuxième trimestre a été positif pour la croissance en Allemagne et en France, le marché immobilier américain frémit, les dernières prévisions de croissance du Fonds monétaire international pour la Chine et l’Inde sont bonnes, le cours des matières premières est à la hausse.

Les entreprises françaises, très intégrées à l’économie mondialisée, commencent à bénéficier de ce souffle d’air. Mais il faut un peu de temps pour qu’il irrigue tout le tissu économique.

Un an après le déclenchement de la crise, tout peut recommencer comme avant ?

Il ne faut pas se tromper sur les origines de cette crise : elle est née d’un surcroît de liquidités considérable dû à la politique américaine et aux rapports ambigus de la Chine et des Etats-Unis. Elle résulte aussi de la mondialisation de la finance sans régulation internationale adéquate.

On évitera de nouvelles crises en régulant convenablement. C’est ce que nous voulons. Lorsqu’on est libéral, on est clairement partisan de règles du jeu. Nous jugeons par exemple souhaitable de mettre en place une supervision bancaire à l’échelle européenne.

L’initiative de Nicolas Sarkozy sur les bonus vous pose-t-elle problème ?

Les bonus des traders ne sont pas à l’origine de la crise. Néanmoins, j’ai été la première à dire, dès janvier 2009, qu’il fallait faire évoluer leur calcul, car les excès sont devenus insupportables. Le président de la République est farouchement déterminé à convaincre le G20 d’adopter une position commune sur cette question. S’il y parvient, ce sera une excellente chose.

Vous avez donné des consignes pour tenter d’obtenir une autorégulation des rémunérations. Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ?

Détrompez-vous, cela fonctionne. Nous publierons dans quelques semaines un rapport d’évaluation du code de gouvernance que le Medef et l’AFEP ont élaboré pour les entreprises cotées. Vous verrez que la régulation est en marche.

Le PS et certains élus de l’UMP estiment que les chefs d’entreprise ne doivent plus être seuls à décider du montant des rémunérations. Quelle est votre réaction ?

Je vous rappelle que pour la rémunération des mandataires sociaux, c’est le conseil d’administration qui en décide in fine et dans toutes les entreprises cotées, au moins deux représentants du personnel y siègent.

Deux impératifs doivent être respectés : premièrement la compétitivité, mais attention nous sommes là à la limite de ce qui pourrait nuire à la France. Deuxièmement l’information : certains représentants de salariés ne la jugent pas suffisamment complète, je leur propose que nous l’améliorions ensemble dans le cadre de la délibération sur la modernisation du dialogue social. Vous connaissez les positions fortes que j’ai prises en matière de transparence et d’éthique.

Que pensez-vous de la proposition de Martine Aubry de mettre sous tutelle du tribunal de grande instance les entreprises qui font des bénéfices et licencient ?

Une telle proposition est à cent lieues du fonctionnement réel de la justice, comme de l’entreprise. Faut-il parler de démagogie, à chacun d’en juger.

La crise n’a-t-elle pas abîmé l’image de l’entreprise ?

Elle a au contraire montré, parfois douloureusement, à quel point les salariés sont attachés à leur entreprise. Les médias se focalisent sur les dissensions mais la crise a également développé la solidarité. Des relations extrêmement constructives se sont nouées entre la direction et des délégués syndicaux ou des représentants du personnel dans nombre d’entreprises.

Que dites-vous aux patrons confrontés à des conflits durs ?

Dialoguez mais exigez le respect de la loi. Aucun désespoir ne justifie aucune transgression. Développez le dialogue économique sur la situation de l’entreprise pour essayer de trouver avec les représentants du personnel des solutions acceptables.


La grande vague des plans sociaux est-elle terminée ?

Le plus grand plan social, ce sont les dépôts de bilan des PME. Si l’on reste sur le rythme du début d’année, près de 70 000 entreprises vont disparaître en 2009 et, avec elles, des centaines de milliers d’emplois. C’est pourquoi j’appelle chacun – gouvernement, administration, grandes entreprises, banques– à avoir "la PME attitude".

Il faut tout faire pour leur faciliter le quotidien : une administration peut se montrer plus patiente pour recouvrir sa créance, un réseau bancaire plus actif en matière de crédit.

Redoutez-vous, comme à chaque rentrée, un alourdissement des charges des entreprises ?

Non, le président de la République et le gouvernement ont compris que les entreprises françaises étaient les plus taxées du monde industrialisé et qu’il ne fallait surtout pas alourdir leur fardeau fiscal. Si elle aboutit, la réforme de la taxe professionnelle sera un tournant majeur et une victoire du Medef.

Nous admettons que subsiste une fiscalité sur la valeur locative foncière et sur la valeur ajoutée, mais notre message est clair : aucune entreprise ne devra payer demain plus qu’aujourd’hui.


Et la taxe carbone ?

C’est autre chose. C’est un peu comme pour le tabac. Si l’émission de CO2 a un coût social, si elle représente une nuisance pour l’être humain, il est normal qu’elle soit taxée. Mais ce nouveau prélèvement doit se faire à fiscalité constante pour les entreprises, sans que la réforme de la TP n’interfère. De même qu’il est prévu un chèque vert pour les ménages, il doit y avoir pour les entreprises un équivalent de chèque vert.

Avec la reprise qui s’esquisse, redoutez-vous un retour de l’inflation ?

Aucun signe ne le montre. Et je ne crois pas à des surenchères salariales. Avec les syndicats, notre priorité est de continuer à améliorer la gestion sociale de la crise. Nous avons étendu ensemble les mécanismes du chômage partiel.

Sur deux sujets encore, nous pouvons faire mieux : le logement des jeunes et la mobilité professionnelle de ceux qui perdent leur emploi.

Faut-il étendre la durée d’indemnisation des chômeurs en fin de droits ?

Cela relève de la responsabilité de l’Etat.

Comment percevez-vous le climat social ?

Le climat social n’est pas homogène, je parlerai plutôt de microclimats variés. Mais fondamentalement, on ne met pas assez en relation les demandes d’indemnités supra-légales des salariés licenciés avec l’angoisse de ne pas avoir une retraite décente.

La réforme des retraites est une priorité absolue. Il ne s’agit pas de savoir si elle doit être bouclée en 2010, en 2012 ou après. Il s’agit d’avoir l’ambition d’une vraie grande réforme, car nous sommes arrivés au bout d’un système et de ses rustines. Depuis trente ans, on ment aux Français, ils le savent et en sont profondément perturbés. Il faut reculer l’âge du départ à la retraite, rechercher un système mixte alliant répartition et capitalisation, mais surtout cesser d’aborder la question de façon dogmatique comme les syndicats sont parfois tentés de le faire.


Comment le Medef peut-il plaider pour la retraite à 61 ans, voire plus,alors que les entreprises continuent de se débarrasser de leurs seniors ?

C’est la ligne d’horizon qu’il faut changer pour favoriser l’emploi des seniors. Le paradoxe que vous dénoncez n’est qu’apparent, le même homme de 57 ans n’a pas le même âge pour une entreprise selon qu’il est à 6 mois ou à 6 ans de sa retraite. Enrepoussant l’âge du départ, on rajeunit d’autant les salariés aux yeux des entreprises qui souhaitent investir sur eux.

Le gouvernement est obligé de revoir le système de majoration dont bénéficient les femmes. Que préconisez-vous ?

Ce sont les femmes qui mettent au monde les enfants. Je suis donc favorable à ce que les mères continuent de bénéficier d’une année de majoration par enfant. L’autre partie doit être au libre choix de la mère ou du père. Le cadre juridique pour cela restant à construire.

Etes-vous favorable à des quotas de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises ?

J’y suis favorable. Il faut maintenant réfléchir sur le rythme de mise en œuvre d’une telle mesure : deux ans c’est trop court, dix ans trop long.

Les centaines de milliers de jeunes qui arrivent sur le marché du travail forment-ils une génération sacrifiée ?

Bien sûr que non. Les entreprises, confrontées à des évolutions gigantesques, ont besoin de cette génération talentueuse. Je les appelle à avoir le comportement le plus responsable possible. Je trouve par exemple inadmissible que l’on demande aux jeunes diplômés de multiplier les stages, sans espoir d’embauche même si l’expérience a été positive. Les jeunes doivent avoir confiance, car si la crise a été synchrone sur la planète, on peut espérer que la reprise, déjà sensible, le sera aussi.

Propos recueillis par Rémi Barroux, Françoise Fressoz et Claire Guélaud

http://www.lemonde.fr/economie/arti...

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