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Le Conseil d’Etat étudie une annulation de l’agrément de la convention Unedic

Publie le vendredi 12 mars 2004 par Open-Publishing

Les associations de chômeurs, les signataires de la réforme et le
ministère évaluent les conséquences de cette éventuelle décision.

Ce pourrait être une très mauvaise nouvelle pour le gouvernement : le
Conseil d’Etat étudie actuellement les conséquences d’une éventuelle
annulation des arrêtés d’agrément de la nouvelle convention de l’Unedic
signée, en décembre 2002, par le patronat et trois syndicats.

Il a demandé leurs avis aux parties concernées : Agir ensemble contre
le chômage (AC !), la Coordination nationale des associations pour
l’emploi, l’information et la solidarité des chômeurs et des
travailleurs précaires (Apeis) et le Mouvement national des chômeurs et
des précaires (MNCP), qui ont déposé le recours en avril 2003 ; le
ministère des affaires sociales ; les organisations patronales (Medef,
UPA, CGPME) et syndicales (CFDT, CFTC et CFE-CGC) signataires de la
convention Unedic. Tous ces protagonistes doivent fournir leurs
observations pour le 20 mars.

Après examen du recours en assemblée générale du contentieux - formation
saisie des litiges les plus importants -, le Conseil d’Etat rendra son
arrêt. S’il décidait d’annuler l’arrêté du gouvernement agréant la
convention, cela pourrait notamment remettre en cause la validité des
procédures qui ont entraîné la perte de droits et la modification de la
situation de centaines de milliers de chômeurs depuis le 1er janvier
2004 (Le Monde du 11 mars). Une annulation serait, selon certains
acteurs de ce dossier, une "petite bombe" politique pour le gouvernement.

Fort heureusement pour celui-ci, le Conseil d’Etat ne devrait pas
annoncer sa décision avant les élections régionales. Sans préjuger de
celle-ci, l’étude même des conséquences d’une éventuelle annulation -
une "procédure normale", se rassure-t-on au ministère - indique que
cette hypothèse n’est pas irréaliste. Du côté des requérants, la
confiance est aussi de mise. "Je considère avoir soulevé des moyens
suffisants pour faire annuler l’arrêté d’agrément", indique Arnaud
Lyon-Caen, leur avocat.

Sans qu’il soit besoin de reprendre tous les arguments développés contre
l’accord et la modification du système d’indemnisation des chômeurs,
deux "fautes de droit" ont été mises en avant par Me Lyon-Caen.
"L’arrêté d’agrément a été pris avant l’entrée en vigueur du décret
lui-même, explique-t-il. Il s’agit d’une application anticipée d’un
changement de réglementation, alors que la modification du droit n’était
pas entrée en vigueur." Ce qui traduit "une certaine précipitation",
remarquent les associations de chômeurs. En décembre 1995, au vu d’une
irrégularité similaire concernant la convention entre les organismes de
Sécurité sociale et les masseurs-kinésithérapeutes, le Conseil d’Etat
avait annulé l’arrêté interministériel portant approbation de cette
convention nationale.

"UN VRAI PROBLÈME"

Deuxième contestation de Me Lyon-Caen : "l’arrêté devait être pris
après l’avis de la commission permanente du comité supérieur de l’emploi,
et cette commission n’a pas été renouvelée officiellement depuis
plusieurs années". En fait, si la commission (dont l’avis est
consultatif) a bien été renouvelée, ses nouveaux membres n’ont pas été
nommés formellement par le ministre. Pour l’avocat, sa composition est
donc irrégulière et sa consultation devient, de ce fait, tout aussi
irrégulière. Par le passé, le Conseil d’Etat avait pris, là encore, une
décision d’annulation pour une commission irrégulièrement composée.
Selon Me Lyon-Caen, "la jurisprudence existe depuis des années et le
Conseil d’Etat dit le droit en se portant garant de la constitution
régulière des commissions et du déroulement des procédures".

Quelles seraient les conséquences de l’annulation de l’arrêté d’agrément
du gouvernement ? "Cela devrait ouvrir le droit à tous ceux qui ont vu
leurs allocations supprimées de les réclamer", pense-t-on du côté des
associations et de leur avocat. "Il y a un vrai problème", reconnaît
l’avocate de la CFDT, Hélène Masse-Dessen. Mais, pour elle comme pour
Jean-Jacques Gatineau, l’avocat des organisations patronales (Medef,
CGPME et UPA), la question concernerait l’ensemble des allocataires de
l’Unedic. "Si l’accord et la convention sont déclarés nuls, cela
signifie qu’il n’y a plus de système d’indemnisation", explique Me
Gatineau. Et Me Masse-Dessen précise : "La suppression de l’agrément
entraîne des modifications de la précédente convention 2001-2003 et
suspend la nouvelle, signée en décembre 2002, donc les prestations et
les cotisations qui y sont liées."

Un scénario catastrophe auquel ne veulent pas croire les signataires de
la convention Unedic, par ailleurs amers devant les erreurs qui auraient
été commises par le ministère de François Fillon. "Ou le Conseil d’Etat
peut modifier sa jurisprudence, ou il y aura un vide et le gouvernement
devra intervenir par décret ou par voie législative", résume Me
Masse-Dessen. "On n’en est pas là, on regarde, le Conseil d’Etat pose
des questions, c’est normal", veut-on croire au ministère.

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