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Le MRAP, ses débats et Le Monde

Publie le jeudi 8 juin 2006 par Open-Publishing

L’article du Monde - L’"islamophobie" secoue le MRAP - est sous mon commentaire. D’autres camarades du MRAP vont réagir.

1 Voir Mouloud AOUNIT comme défenseur d’une "communauté musulmane" ou pire comme "défenseur" de l’islam est une chose. Il répondra lui-même. Considérer le MRAP comme ayant un antisémitisme "à la carte", abondant dans le "deux poids, deux mesures" est autre chose.

Il n’est pas inutile de rappeler les "fondamentaux".

Le racisme est la discrimination, la haine de personnes à cause de leur appartenance ou non appartenance à une "race", une ethnie, une religion, une culture, une nation.
La définition légale des discriminations raciales condamnées par la loi est pratiquement la même que celle de ce que combat le MRAP. Les discriminations, appels à la haine, fondées sur la religion sont aussi condamnables que celles fondées sur la couleur de la peau, etc..
La plus connue des discriminations fondées sur la religion est l’antisémitisme. Comme le MRAP lutte contre le racisme sous toutes ses formes, il était logique qu’il lutte aussi contre le racisme dont sont victimes les musulmans. Ce racisme existe, il suffit de lire et d’écouter notamment Philippe de Villiers pour s’en convaincre. Le terme islamophobie a été créé pour définir cette forme de racisme, comme le terme antisémitisme créé pour désigner le racisme anti-juif. (propos de François M)

Et la critique des religions ?

Promouvoir l’antiracisme n’implique nullement de s"abstenir de critiquer les religions. Ces dernières peuvent en effet promouvoir le pire (terrorisme), le condamnable (sexisme, prosélytisme, affichage outrancier et systématique..) comme le meilleur (théologie de la libération). Et les critères de la critique peuvent varier. Aucun problème . Mais avant de stigmatiser leurs adeptes encore faut-il ne pas abonder dans les amalgames les plus courants .
L’objet du MRAP n’est pas la critique des religions . Doit-il cependant s’occuper des "excés" de ces dernières ? Devait-il au moins se préoccuper de l’intégrisme ? Des débats ont traversé le MRAP pour délimiter cette notion. Car elle est vaste donc dangereuse . Est-ce seulement à la commission d’extrême droite de s’en charger pour l’intégrisme "dur" ? D’autres commissions ne doivent-elles pas se préoccuper de l’intégrisme "soft" concernant les aspects laïcité et droits des femmes. J’en reste là car pour l’heure ces débats ne sont pas tranchés. Reste que la critique d’une religion ne saurait servir d’alibi au racisme.

La laïcité a fait débat...

Le MRAP est un mouvement laïque. Certains auraient souhaiter que la France s’en tiennent à la conception de la laïcité issue de la loi de 1905, d’autres ont approuvé la loi du printemps 2004 contre les signes ostensibles à l’école. La conception de la laïcité évolue. Au vu d’un certain parcours, beaucoup se sont battus pour se libérer de la présence insupportable des crucifx sur les murs des écoles publiques, pourquoi devraient-ils aujourd’hui accepter sous leur nez et continuemment l’affichage ostensible de son équivalent, quelque soit la religion (kippa, voile, calotte) ? La distinction entre les signes discrets et les signes ostensibles constitue le critère de distinction de la mentalité laïque et pacifique.
Fallait-il cependant une loi ? Faut-il la combattre ? Faut-il l’étendre à d’autres lieux clos à présence obligatoire (l’entreprise) ? Le MRAP a abandonné ces débats sur un odre public libéral équilibré. Trop conflictuel. Pas au coeur de notre champ d’activité.

Le MRAP n’a jamais relativisé l’antisémitisme.

La question se pose, on le sait, quand il est le fait de gens par ailleurs victimes d’autres formes de racisme. Le MRAP peut parfois se tromper, réagir trop rapidement à une situation dont la dynamique évolue. Mais il ne relative pas l’antisémitisme en fonction du milieu social d’appartenance. Il importe quand même de distinguer le discours et les actes antisémites de la stigmatisation généralisate de groupes sociaux ou ethnique .
Autre chose : Le MRAP ne confond pas antisionisme et antisémitisme . On peut effectivement tenir l’un et l’autre sans contradiction .Ce n’est pas le problème du MRAP. Par contre le MRAP sait bien que derrière l’antisionisme se cache bien souvent - pas toujours - de l’antisémitisme. Il ne manque pas de le condamner.

Comme d’autres amis du MRAP j’estime les accusations de complaisance envers l’antisémitisme pour le MRAP comme étant diffamatoires.

Christian DELARUE
Secrétaire national du MRAP
Délégué cofondateur d’ ATTAC France

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2 L’"islamophobie" secoue le MRAP
LE MONDE | 06.06.06 | 13h54 • Mis à jour le 06.06.06 | 13h54

Né en 1949 sous le signe de la lutte contre l’antisémitisme, le MRAP traverse une période agitée. Symptôme de l’évolution profonde de la société française, c’est aujourd’hui le principe du combat contre "l’islamophobie", entériné en décembre 2004, qui cristallise les tensions internes.

Issu d’un réseau créé en 1941 pour sauver des enfants juifs de la déportation, le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (MRAP) a subi une première transformation, en 1977, en devenant le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples. Autre innovation, en 1989 : le mouvement porte à sa tête un "beur" de Seine-Saint-Denis, premier dirigeant à ne pas être membre du PCF. Dix-huit ans plus tard, Mouloud Aounit est accusé de faire le lit du communautarisme religieux.

L’"islamophobie" ? "C’est un clivage très important", souligne Emmanuelle Le Chevallier. Pour l’ancienne présidente de la fédération de Paris, "ce concept va à l’encontre du principe d’universalité et confond défense de l’homme et défense d’une religion". "Les laïques sont traités de "laïcards", ou d’"intégristes laïcs"", regrette Nadia Kurys, membre de la direction nationale du MRAP. Président de la fédération des Landes, Gérard Kerforn voit dans cette notion d’"islamophobie" la marque d’"un tiers-mondisme primaire, qui conduit à tolérer dans les religions dites "des pauvres" ce que l’on n’aurait pas toléré pour d’autres religions".

Présidente du comité MRAP de Marseille, Horiya Mekrelouf est d’autant plus blessée par ce concept que les militants de sa fédération "ont reçu des victimes de l’intégrisme pendant les dix ans de guerre civile en Algérie". "Désormais, déplore-t-elle, on ne peut plus dénoncer le caractère réactionnaire de l’UOIF (l’Union des organisations islamiques de France)."

Dans un contexte - pour partie importé du conflit au Proche-Orient - de tensions interreligieuses croissantes, le combat contre l’"islamophobie" a relancé les soupçons d’antisémitisme qui étaient déjà portés à l’encontre de ce mouvement et de son président. Tous les faits et gestes de Mouloud Aounit - comme ses deux apparitions, dans des colloques, au côté de Tariq Ramadan - sont observés à la loupe, le moindre dérapage étant immédiatement diffusé et commenté (très) librement sur Internet.

L’intéressé se dit victime de ces "radicalités" qui surgissent "de partout" dans la société française. "Ce n’est pas moi qui ai changé. C’est l’environnement qui s’est modifié", assure-t-il. L’Islam ? "J’ai vu ma mère plusieurs fois faire la prière, mon père occasionnellement le ramadan. Mais on ne m’a jamais interdit de manger du cochon", raconte Mouloud Aounit, qui se définit lui-même comme un fervent "laïque", par ailleurs "amateur de bon bordeaux". Cet autoportrait dessine une première réponse à ses détracteurs, qu’il accuse implicitement d’avoir déformé ses positions en s’appuyant sur ses origines.

Des responsables et militants du MRAP ne l’entendent pas de cette oreille, énumérant les étapes d’une "dérive" qu’ils dénoncent avec vigueur : la demande de libération de Maurice Papon, le soutien aux élèves voilées, et le dépôt de plainte contre France-Soir - en raison de la publication des caricatures de Mahomet - ont été les épisodes les plus spectaculaires de cette crise ininterrompue, provoquant des réactions virulentes et des départs en cascade.

Certains s’inquiètent d’une propension du président du MRAP à relativiser l’antisémitisme lorsqu’il est le fait de populations d’origine arabo-musulmane. "Au prétexte de ne pas les stigmatiser, on ne peut plus parler du racisme antisémite en banlieues", déplore Maya Vigier, membre du conseil d’administration du MRAP et d’un comité parisien.

Mouloud Aounit s’insurge contre ces accusations, assure qu’il fait l’objet d’une "campagne calomnieuse". Mais il ne récuse pas la nécessité, à ses yeux, d’un rééquilibrage. Pour traduire cette idée, selon laquelle un crime commis contre une personne d’origine maghrébine ne suscite pas la même émotion que si la victime est juive, il pèse ses mots : "La République n’est pas équitable par rapport aux victimes du racisme (...) Je regarde des deux côtés, y compris celui où les autres ne regardent pas (...). Je n’ai pas choisi une communauté. Mais j’ai choisi, dans un contexte particulier, de défendre des gens qui ne sont pas défendus."

Si ce débat complexe et sensible traverse d’autres associations antiracistes et mouvements politiques, le MRAP y a plongé sans bouée de sauvetage. "Ce mouvement, qui était très lié au Parti communiste, n’a pas de tradition de débat intellectuel", souligne le sociologue Vincent Geisser. "Le MRAP est la caisse de résonance de la société. Or nous manquons d’élites qui pourraient nous amener à rendre compréhensibles des problématiques nouvelles, auxquelles nous n’étions pas préparés", convient Mouloud Aounit.

Elu conseiller régional d’Ile-de-France, en 2004, sur la liste conduite par la secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, M. Aounit lorgne, dit-on, sur une possible investiture aux élections législatives en Seine-Saint-Denis. Ses détracteurs ont fait le lien entre ses prises de position et la préparation de cette éventuelle candidature dans le "9-3". "Le concept d’islamophobie lui permet de s’identifier à la communauté musulmane. Il veut se recycler, et pratique du marketing politique", estime un ancien dirigeant du MRAP, Alain Calles.

Mouloud Aounit indique qu’il "sera présent, d’une façon ou d’une autre", lors des prochaines échéances électorales. Les Français musulmans ? "Cette population qui, hier, ne votait pas, peut désormais faire et défaire des députés et des maires", dit-il. Tout en affirmant que l’enjeu de son combat a une autre envergure : "Je suis le dernier rempart avant les intégristes."

Jean-Baptiste de Montvalon
Article paru dans l’édition du 07.06.06