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Le "Rose-Brun" : Ajouts à la critique de Numancia Martinez Poggi d’un article de Libération

Publie le mardi 12 septembre 2006 par Open-Publishing
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La réponse de Numancia Martinez Poggi (1) au récent article de François Meurisse dans Libération (2) nous apprend encore une fois combien il est difficile de faire connaître à un grand public la réalité du processus vénézuélien. L’apport ci-dessous se veut comme un ajout, une précision de 5 points qu’il nous semble important de joindre à la critique de Numancia Martinez.

1) Numancia Martinez nous remémore, et apprend au journaliste de Libération, que le conseiller pour les affaires policières directement nommé par Manuel Rosales dans la région dont il est gouverneur est "impliqué dans tous les massacres anti-populaires qui se sont produits durant la IVème République : El Amparo, Yumare, Cantaura, etc." et "fortement soupçonné de complicité avec les paramilitaires colombiens." Nous nous permettons d’ajouter ici que le conseiller personnel du "social démocrate" Manuel Rosales, en tant qu’ex membre de la Disip (service de renseignement de l’Etat) était en relation étroite avec les terroristes Luis Posada Carriles et Orlando Boch, criminels impliqués dans 40 ans d’actes terroristes contre Cuba et les mouvements de gauche latino-américain. Ils furent notamment auteurs de la destruction en plein vol d’un avion de Cubana de Aviacion où périrent 72 passagers. La haine du gouvernement cubain, le conseiller de Manuel Rosales la partage allégrement. Le 12 avril 2002, alors que le gouverneur du Zulia signait un acte de gouvernement illégal qui destituait tous les élus du Peuple, ainsi que le Procureur Général de la République, le défenseur du Peuple et le président du Tribunal Suprême de Justice, son conseiller pour les affaires policières organisait au mépris des règles élémentaires du droit international l’assaut de l’ambassade cubaine, sous l’œil vigilant du maire de l’arrondissement de Caracas ou se trouve l’officine, Capriles Radonski, autre supporter de Manuel Rosales. (3)
Durant son passage à la Disip, Lopez Sisco intégra le département où officiaient Rafael Rivas Vasquez et Orlando Garcia, portes paroles du gouvernement social-démocrate de Carlos Andres Perez lors des réunions qui se sont tenus en août 1975 avec Manuel Contreras, chef de la DINA chilienne, police politique de Pinochet. Le tableau du conseiller de Manuel Rosales serait incomplet si l’on ne mentionnait qu’il fut formé à la tristement célèbre Ecole des Amériques, grande pourvoyeuse de tortionnaires dans toute l’Amérique Latine.
En 1993, la Cour Suprême de Justice du Venezuela le condamna pour avoir organisé des attentats au colis piégé contre le gouvernement d’alors.
Aujourd’hui, Henry Lopez Sisco vit entre la région du Zulia et sa luxueuse maison des quartiers les plus riches de Miami. Curieux lieu de résidence pour un fonctionnaire vénézuélien.
Au vu de sa proximité avec le candidat présidentiel Manuel Rosales, on peut légitiment s’imaginer qu’il pourrait devenir Ministre de l’Intérieur dans le gouvernement du candidat social-démocrate de Libération.

2) Les liens qui unissent Rosales avec l’extrême droite ultralibérale vénézuélienne ne s’arrêtent pas là. En effet, le parti Primero Justicia occupe quatre postes important de son staff de campagne. Et, il y a de fortes chances, que le candidat Rosales nomme le dirigeant de ce parti, Julio Borges, comme vice-président s’il gagnait les prochaines élections présidentiels.
Or, comme le souligne Eva Gollinger dans son livre (récemment traduit en français) "Le Code Chavez. L’intervention des Etats-Unis au Venezuela", l’Institut Républicain International (IRI), rame internationale du Parti Républicain de Bush recevait en 2000 une donation de la Fondation Nationale pour la Démocratie (NED- paravent de la CIA) pour approfondir le travail mené avec une organisation "non gouvernemental" nommé Primero Justica. Le travail de l’IRI va porter ses fruits puisque "l’ONG" va se transformer en parti politique et ses dirigeants vont recevoir au Venezuela et au Etats-Unis des cours de formation divulgués par les secteurs les plus réactionnaires de ce pays. Comme le note Eva Golinger, "Leopoldo Lopez, Capriles Radonski, Gerardo Blyde et Julio Borges réalisèrent de fréquents voyages à Washington, avant le coup d’Etat pour visiter le siège de l’IRI et se réunir avec des fonctionnaires du gouvernement Bush" (4).
Le 11 avril 2002, le maire de l’arrondissement le plus riche de Caracas et dirigeant de Primero Justicia, Leopoldo Lopez prenait la tête de la manifestation pour la dévier sur le palais présidentiel. On connaît la suite, le chef du MEDEF vénézuélien s’autoproclame Président, et annonce le premier décret de son gouvernement dans lequel tous les pouvoirs furent destitués jusqu’à nouvel ordre. Ce Décret fut avalisé par 400 dirigeants politiques, économiques, militaires et religieux, parmi lesquels le "social-démocrate" Manuel Rosales.
Le 12 avril 2002, profitant de l’éphémère victoire, un autre dirigeant de Primero Justicia, Capriles Radonski, prenait d’assaut l’ambassade de Cuba en compagnie de Lopez Sisco.
Depuis le coup d’Etat, les efforts destabilisateurs de Primero Justicia n’ont en rien baissé. Curieusement, beaucoup de leurs événements de masse semblent être conduit par la méthode Gene Scharp, véritable mode d’emploi pour réaliser un coup d’Etat, et qui compte de nombreuses "victoires", notamment en Yougoslavie, en Georgie, en Ukraine... Encore une fois, l’on ne peut que s’étonner de la relation qu’entretient un "social-démocrate" avec des personnes aussi compromises avec l’administration Bush. On espère seulement que les sociaux-démocrates qui lisent encore Libération n’entretiennent pas de telles relations, à l’image de leur "homologue" vénézuélien Manuel Rosales.

3) Les relations de Rosales avec ses compagnons d’extrême droite ont particulièrement été mises en valeur lors de la récente évasion de Daniel Ortega, un des organisateurs du Coup d’Etat et du lock-out qui l’a suivi, de la prison militaire de Ramo Verde. Celle-ci compte entre ses murs des "militaires corrompus et fascistes, mercenaires étrangers [une centaine de paramilitaires colombiens] policiers putchistes ; le Centre National des Inculpés Militaires de Ramo Verde peut donc à juste titre être considéré comme un noyau de la contre-révolution endogène. Pour l’opposition "démocratique", c’est-à-dire les dirigeants politico-économiques qui ont le privilège de rester en dehors de Ramo Verde, le centre pénitentiaire est le goulag où croupissent injustement les "prisonniers politiques du régime de Chavez"(5) Le 15 août dernier, le "social-démocrate" Manuel Rosales, réagissait à l’évasion de Daniel Ortega, en proposant si il était élu de "libérer sans conditions tous les prisonniers politiques du pays". (6)

4) Comme gouverneur de l’Etat du Zulia, Rosales ne peut ignorer l’ancien consul des Etats-Unis dans la région : l’actuel ambassadeur US, Charles Brownfield. Ce dernier n’ignore pas non plus que la Région du Zulia est la région pétrolifère du Venezuela, et que peu de temps avant sa prise de fonction comme ambassadeur, est brusquement apparu sur la scène politique régionale un parti sécessionniste indépendantiste appelé "Rumbo Propio" (Notre Propre Objectif). Ce parti, dont les fonds nécessaires pour recouvrir d’affiches les rues des villes de la région restent encore un "mystère" public, a eu un soutien implicite de la part de l’ambassadeur. En effet, lors d’une visite à Maracaibo en compagnie du "social-démocrate" Manuel Rosales, Brownfield déclarait "comme vous le savez, j’ai toujours beaucoup aimé la République Indépendante du Zulia". De son point de vue, c’était plutôt logique. Il est vrai qu’une sorte de Qatar ou d’Emirats Arabes Unis vénézuélien arrangerait beaucoup les Etats-Unis. Mais que dire de l’absence totale de réaction de la part du "social-démocrate" qui gouverne la région ? Le gouverneur de la République Bolivarienne du Venezuela, Manuel Rosales n’aurait-il pas du, en tant que social-DEMOCRATE, s’inquiéter de cette ingérence étrangère ? Nous ne pouvons que suggérez au lecteur de Libération de remplacer Zulia par Corse ou Ile de France afin qu’il puisse de lui-même juger de la "social-démocratie" de Manuel Rosales.

5) Que le correspondant de Libération soit gêné par la politique sociale du gouvernement Chavez, c’est son droit. Qu’il "informe" les lecteurs de ce quotidien selon ses a priori idéologiques, cela c’est au lecteur de Libération de choisir s’il continue à souscrire à cette tendance politique comme source d’information. En revanche, nous avons un peu de mal à savoir pourquoi ce correspondant a accolé le qualitatif "social-démocrate" au nom de Manuel Rosales. Comme il semble stupide de le suspecter de toucher de l’argent du candidat de l’opposition, et comme il parait peu probable qu’il ne sache pas tout ce que contient l’article de Numancia Martinez ou notre présent apport alors qu’il est en poste à Caracas depuis près de trois ans, nous imaginons ici qu’il se base sur les résultats sociaux du candidat dans la région du Zulia. Or quand est-il ?
Le gouverneur de l’Etat du Zulia a systématiquement gêné ou empêché la réalisation des "missions" sociales gouvernementales pour y imposer un calque personnel de ces missions. Ainsi, le visiteur de l’Etat du Zulia ne peut être que surpris de voir que la mission nationale de santé "Barrio Adentro" devient "De Barrio a Barrio", financé par la région du Zulia et ses nombreuses rentrées financières. Grand exemple d’une politique politicienne caudilliste, ces calques ont tout de même un résultat satisfaisant. Apres tout, peu importe de savoir qui paye le médecin du moment que celui-ci fasse son travail. De ce constat, vient peut être la volonté de définir le gouverneur comme social-démocrate.
Cependant, nous nous demandons comment le candidat Rosales compte faire pour maintenir les missions au niveau national, dans des Etats beaucoup moins riches que le Zulia pétrolier. En effet, même si celui-ci a récemment déclaré qu’il ne toucherait aux Missions que pour les "améliorer", son projet de distribuer individuellement la rente pétrolière à travers d’une carte de crédit personnalisée va à l’encontre de la construction d’une structure nationale de services publics de qualité pour tous.
D’autre part, un des piliers des critiques qu’il adresse au président Chavez (avec l’insécurité) porte sur la précarisation de l’habitat dans les couches populaires. Habile politique, Rosales sait qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine malgré les efforts gouvernementaux. Mais, comme le note Alonzo Zambrano, dans le media privé Ultimas Noticias, "Le Zulia possède le déficit d’Habitat le plus haut du pays. 800.000 personnes cherchent par différends canaux le moyen d’obtenir un toit". (7) Tous ceux qui connaissent les collines de Caracas et leur déficit d’habitat ne manqueront pas de s’imaginer le désastre que représente proportionnellement la région du Zulia en ce domaine. Malgré ce que prône Rosales dans tous ses meetings, la gestion sociale de sa région privilégiée par l’apport pétrolier n’est en rien meilleur aux efforts que le gouvernement déploie sur le territoire nationale. De plus, si l’on note la passivité de Rosales aux tendances sécessionnistes de Rumbio Propio, et si l’on oublie pas que Chavez a interrompu la privatisation de PDVSA, donnant lieu ainsi au coup d’Etat qu’à entériner Rosales (il est toujours bon d’insister là-dessus, au moment où le candidat présidentiel cherche à se donner une image de "social-démocrate"), on se demande à qui profitera l’Or Noir dans une hypothétique victoire du gouverneur du Zulia.

Il n’est pas question ici de critiquer une posture politique. Il est tout à fait légitime pour Libération, et les personnes qui traitent du Venezuela pour ce quotidien, de soutenir une ligne ultra-libérale contraire à celle choisie par le gouvernement bolivarien. Mais un minimum de déontologie, serait, nous semble-t-il, nécessaire pour que les mensonges accumulés et les oublis volontaires sur ce sujet n’empêche pas le lecteur de ce quotidien social-démocrate de ce forger son propre point de vue.

Romain Migus

P.S : Je n’autorise Libération à publier cet article que dans son intégralité.

Notes :

(1) Numancia Martinez Poggi, Le quotidien Libération remaquille le visage ingrat de l’opposition vénézuélienne, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=4083

(2) François Meurisse, "Au Venezuela, une voix tente de faire le poids face à Hugo Chávez", Libération, 04/09/06.

(3) Voir le documentaire d’Angel Palacios, Asadio a una embajada, où l’on peut voir Lopez Sisco organiser l’assaut de l’ambassade cubaine. Disponible en espagnol sur http://www.venezuelaenvideos.com/pt01v06.htm

(4) Eva Golinger, El Código Chávez. Descifrando la intervención de los Estados Unidos en Venezuela, La Havane : ed. Ciencias Sociales, 2005, p. 51. Traduction française disponible à la commande sur www.michelcollon.info.

(5) Romain Migus, “La Contre-révolution endogène unifiée », Le Grand Soir, http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=4007

(6) "Rosales promete que liberará a presos políticos", El Nacional, 15/08/06, p. A-2

(7) Alonso Zambrano, "El Zulia tiene el déficit de vivienda mas alto del país", Ultimas Noticias, 02/09/06, p. 35