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Le fief et le Cavaliere

Publie le lundi 29 janvier 2007 par Open-Publishing

de Gabriele Polo traduit de l’italien par karl&rosa

L’Eurispes nous avertit qu’un nouveau féodalisme se dessine, avec ses vassaux et ses vavasseurs. Nous nous en doutions depuis longtemps, au moins depuis que la vie commune s’est désagrégée en une série de cercles concentriques liés par des relations individuelles, marqués par une alternance d’immobilisme et de violente compétition entre des favoritismes gouvernés par de petits et de grands souverains.

Maintenant, un important institut de recherche offre le sceau de la « science » à une telle impression, qui est désormais pour l’Italie plus qu’un horizon. C’est un présent qui connaît une représentation politique et sociale qui lui est propre, dans un système de castes engagées à résister à toute sorte de transformation.

Par hasard justement hier, en synchronie temporelle avec le rapport Eurispes, Silvio Berlusconi a voulu offrir une petite confirmation pratique de la théorie de la féodalisation.

Tel un ancien monarque, il a couronné Gianfranco Fini comme son héritier ; l’héritage est un empire virtuel – la Casa delle Libertà en décomposition – que le leader de Alleanza nazionale devrait défendre, pour la relancer ensuite vers de nouvelles conquêtes. Pour l’empire réel – les télévisions –, descendront sur le terrain, au contraire, les « serfs attachés à la glèbe », des millions de clients de la télé prêts à combattre pour la protection du règne médiatique et de son souverain. Qui, en ce cas, ne nomme pas d’héritiers, étant donné que la transmission de la propriété se fait naturellement – et convenablement – par le sang.

Selon l’Eurispes, pour battre le néo féodalisme il faut une révolution culturelle. Quelle exagération. Il suffirait peut-être de commencer par quelques réformes, même par une seule, celle de la politique. Qui n’a rien à faire avec le micro réformisme libéral de Bersani ou celui, ultralibéral, de Rutelli, ni avec de nouvelles architectures institutionnelles ou électorales. Ce devrait être une réforme vraiment structurelle, au niveau mental. Cela voudrait dire obliger les représentants à se charger du mandat reçu, les convaincre que ce ne seront pas eux qui changeront le monde mais qu’ils devraient se « borner » à accompagner la transformation dont une chose très partielle, comme le vote politique, manifeste le besoin. Ils se présentent, au contraire, comme les porteurs de tournants historiques et pratiquent ensuite la conservation. Voila ce que font nos gouvernants du centre-gauche à propos du refinancement de la mission militaire en Afghanistan et de la nouvelle base militaire américaine de Vicence, pour ne pas changer les relations internationales, voila ce qu’ils font à propos des droits civils de la personne, à propos de la formation scolaire et de la communication, pour ne pas entamer le poids de feudataires religieux et d’entreprises, voila ce qu’il font à propos du travail et des acquis sociaux, pour ne pas mécontenter des pouvoirs industriels et financiers. La réforme mentale de la politique devrait justement partir de là. Elle est méthode et mérite en même temps, capacité d’écoute et respect du mandat, qui bouleversent la liste des priorités : de ce qui est compatible à ce qui est nécessaire.

Cela marquerait une différence visible par rapport au passé, cela donnerait un peu plus de sens au mot gauche et servirait à contraster la féodalisation qui s’est matérialisée dans le berlusconisme. A en battre l’héritage et les héritiers, non seulement un roi toujours en équilibre précaire mais toujours présent. Un jour ou l’autre, il faudra bien que quelqu’un le fasse.

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