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Le meurtre "blanc*" d’un maçon "au noir"
Publie le mercredi 27 septembre 2006 par Open-Publishing1 commentaire

Si un homme meurt, nuit-il au marché ?
de Piero Sansonetti traduit de l’italien par karl&rosa
Luca Cordero di Montezemolo insiste : il dit sans arrêt que l’Etat est insolent, envahissant, encombrant parce qu’il veut toujours s’occuper d’économie. Avant-hier, Cordero l’a répété. Il a dit que cette prétention de dirigisme du gouvernement Prodi est désolante.
En quoi consiste cette prétention ? Dans le fait de vouloir se mêler des affaires de Telecom, de la façon dont un des principaux groupes industriels italiens a ruiné cette entreprise après l’avoir exploitée par des actions illégales comme l’espionnage massif.
Au demeurant, plutôt que le gouvernement, ce sont les juges qui sont en train de s’occuper de Telecom, parce qu’ils ont trouvé différents délits. Que devrait dire le président de Confindustria face à tout cela ? Demander à l’Etat d’intervenir, pour enlever Telecom des mains d’entrepreneurs incapables et des appétits de malfrats qui écoutent des conversations téléphoniques. Mais en réalité, le président de Confindustria invective contre les ennemis du marché. Il pense que tous ces ennuis c’est le marché qui les résout avec ses règles faites d’argent. Mais n’est-ce le marché qui a ruiné Telecom ? Et n’existait-il pas aussi un marché des écoutes téléphoniques avec ses règles, ses tarifs ?
En Sicile, un entrepreneur du bâtiment a poussé aux conséquences extrêmes la doctrine du marché über alles. Il s’agit d’un tel qui a pensé bon pour restructurer un édifice à des coûts très bas (et donc avec des profits très hauts) que la chose meilleure était de payer peu les ouvriers et que pour les payer peu il convenait de les embaucher au noir et que pour les embaucher au noir il convenait de trouver des immigrés clandestins qui ne puissent pas protester (cet entrepreneur n’est pas du tout isolé : ses théories sont très répandues). Ainsi, il a pris des Roumains. Deux lires et allons-y. L’édifice, mercredi dernier, s’est effondré - parce qu’il y a des années un autre entrepreneur dévot du marché et du profit l’avait construit avec des matériaux de mauvaise qualité - et l’ouvrier roumain clandestin payé au noir qui y travaillait a fini sous les gravats. L’entrepreneur « marchéiste » a pensé qu’il était bon de dire à l’Etat fouineur (qui avait envoyé les pompiers) qu’il n’y avait personne sous les gravats, parce que s’il avait dit qu’il y avait un ouvrier roumain clandestin il aurait eu des ennuis et des dépenses, et les dépenses sont contre le profit et donc contre le marché.
L’ouvrier roumain, 32 ans, s’appelait Mircea Spiridon : il est resté vivant deux jours, sous les pierres, la poussière et les blocs de marbre, et à la fin on l’a trouvé parce que des chiens fouineurs - qui n’en savent rien, les pauvres, des lois du marché - aboyaient, aboyaient parce qu’il entendaient des signes de vie là-dessous. Mircea était au plus mal, coincé sous le marbre de telle façon qu’il était impossible de l’en extraire. Ils ont dû appeler un chirurgien qui lui a coupé les pieds et après, vite à l’hôpital. Mais Mircea était à bout, il est mort après avoir souffert d’une manière atroce.
Combien a coûté sa mort ? Rien, ne vous inquiétez pas, rien. Les morts suite à un accident du travail sont nombreuses, des centaines chaque année, presque chaque jour il y en a qui meurent au travail, faute de mesures de sécurité. Mais leur mort n’entame pas le PIB (ni le rapport entre la dette et le PIB) et n’a pas d’effet sur les profits. Donc, ou bien vous êtes des sentimentaux inguérissables, attachés aux histoires singulières, aux biographies mineures, aux petits faits de l’existence, et alors vous pouvez même être troublés et émus, ou bien vous êtes des gens sérieux, solides, qui regardent les grands chiffres, les intérêts généraux d’une nation (à savoir de sa classe dirigeante), le PIB et alors l’histoire de Mircea ne peut pas vous inquiéter, parce que le PIB ne change pas.
Mais vous dites : si on pouvait faire quelque chose pour réduire les accidents du travail... Voila, vous avez dit une sottise. Ne comprenez-vous pas que pour le faire on devrait permettre à l’Etat de s’occuper de choses qui ne le concernent pas, de l’économie, du marché et que cela limiterait le principe de la liberté et, encore plus, contraindrait l’industrie privée - le marché - à soutenir des frais totalement improductifs ?
* en italien, on appelle mort blanche la mort à la suite d’un accident du travail
Messages
1. > Le meurtre "blanc*" d’un maçon "au noir", 29 septembre 2006, 00:26
Marché über alles
On peut peut-être aller jusqu’à voir cette triste et terrible histoire, cette vie prise d’un être humain qui laisse derrière lui une femme et des enfants comme "un sacrifice humain d’une - civlilisation- (hum hum ! en êtes vous si sûr ?) à son dieu MARCHÉ .
Sacrifice officié par les adorateurs du dieu en question lequel réclame son lot de vies humaines avec la même froideur implacable que les financiers les intérêts de leurs créances
En plus c’est en Sicile . Déjà que Marché rime de plus en plus avec Mafia !
René de Montmorency