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Le monde sous hypnose

Publie le samedi 3 mars 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

Dans l’indifférence générale, les préparatifs de guerre vont bon train dans le Golfe Persique. Américains et Israéliens évoquent de temps à autre la possibilité d’une frappe des installations nucléaires iraniennes. Le quotidien New Yorker affirme que le département américain de la Défense a constitué un groupe spécial pour étudier une attaque contre l’Iran qui pourrait être déclenchée, sur ordre du président Bush, dans les 24 heures. La situation nous rappelle celle qui a précédé l’invasion de l’Irak, mais avec une différence de taille.

En premier lieu, cette fois on parle très, très peu de l’Iran dans l’actualité occidentale. Et quand on en parle, c’est pour convaincre l’opinion publique que frapper l’Iran est une nécessité absolue. En fait, l’Administration américaine et Israël essayent de peindre l’Iran comme un danger pour la communauté internationale, étant donnée sa prétention d’accéder au statut de puissance nucléaire.

Ils mettent en œuvre tous les moyens de désinformation à leur disposition pour que l’homme de la rue, en Occident, soit intimement convaincu qu’il faut détruire l’Iran.

La stratégie semble porter ses effets : cette fois, pas de cortèges pacifistes, pas de bannières arc-en ciel. La communauté internationale ne réagit pas.
À vrai dire, les USA et Israël ont trouvé un allié de taille dans le Premier iranien lui-même, lequel ne se prive pas d’émailler ses discours de toutes sortes d’anathèmes et de menaces à leur encontre. Ses verbiages sont soigneusement extrapolés et soulignés dans la presse occidentale, laquelle en fait ses gros titres.

Le dernier en date, "l’expérimentation nucléaire iranienne est comme un train en marche, sans freins ni marche-arrière" a été repris abondamment dans toutes les langues, y compris le swahili.

Le monde est en présence d’un scénario complexe, qui ne dédaigne pas le mensonge et qui choisit les informations selon une certaine stratégie de la terreur - une stratégie qui a déjà fait ses preuves dans de nombreuses autres circonstances (Guerre froide, Cuba, guerres du Golfe, etc). Ainsi, dans les trop nombreux discours du Premier Ahmadinejad on ne souligne que les propos agressifs. Parfois, pour les besoins de la cause, on arrive à les dénaturer. Quand par exemple Ahmadinejad dit qu’il faut "en finir avec le sionisme", en Europe et aux USA on traduit "Il faut effacer Israël de la carte du monde". Une proposition qui suscite, ça va de soi, la condamnation de tous les bien-pensants.

Les médias occidentaux ne mentionnent jamais les invitations au dialogue du Premier iranien, pourtant nombreuses. Le gouvernement iranien a répété à satiété qu’il n’a pas l’intention de se doter de l’arme nucléaire, mais seulement d’exercer un droit reconnu à tous les signataires du pacte de non-prolifération nucléaire, à savoir le développement du nucléaire à des fins civils. Cheney réplique en affirmant que l’Iran, riche en pétrole, n’a pas besoin du nucléaire comme source d’énergie. Il oublie que dans les années ’70, quand il était le chef du cabinet de Gerald Ford, lui-même et l’alors secrétaire à la défense Donald Rumsfeld (toujours lui) persuadèrent le Président Ford de donner au Shah un programme nucléaire, puisque les experts prévoyaient déjà que dans les prochaines décennies - et nous y sommes - l’Iran aurait vu diminuer sensiblement sa production pétrolière.

Ahmadinejad ne se prive pas de faire parfois des déclarations conciliantes à l’égard d’Israël, auquel l’Iran pourrait tendre la main "’s’il se repentait de ses fautes". Ces propos-là ne sont jamais mentionnés dans la presse occidentale : ils agiraient comme des grains de sable dans le mécanisme agressif mis en place par l’administration Bush et ses inspirateurs.

Pour ces derniers, il est essentiel que l’Occident soit porté à se croire en danger. Il est nécessaire qu’il cristallise ses peurs sur un certain objectif, pour qu’il approuve la politique de ceux qui prônent la destruction de cet objectif. Et cela sans vérifier le bien fondé de ses peurs ni se poser de question sur les conséquences futures d’une pareille politique.

Cette extrême crédulité de l’opinion publique fait le jeu de ceux qui - pour des raisons toutes autres que celles communément exposées - veulent justifier des guerres et des massacres qui autrement ne trouveraient aucune excuse logique ou légale.
Mais aujourd’hui le jeu est devenu extrêmement dangereux. Il comporte d’énormes risques injustifiés, au point que le mot "folie" et ses dérivés reviennent de plus en plus souvent dans certains articles d’Outre-Atlantique.

Interviewé le 9 février par Michael Shank, l’éminent linguiste et expert en politique étrangère Noam Chomsky n’a pas hésité à déclarer que, selon les experts militaires USA le projet d’attaquer l’Iran était "fou". De son côté, l’ex analyste de la CIA Raymond McGovern a écrit : "(Cheney) et ses amis néo-conservateurs sont fous comme un renard. Ils ont poussé à une confrontation avec l’Iran depuis des années, et ils ont considéré l’invasion de l’Irak dans ce contexte".

Ray McGovern, agent de la CIA pendant 27 ans et sous sept Présidents différents, actuellement journaliste et activiste politique, est devenu un critique impitoyable de l’administration Bush, qu’il accuse de créer des preuves contrefaites pour déclencher des guerres. L’ex-analyste de la CIA voit dans la politique de la Maison Blanche un danger pour l’existence même d’Israël : "Le président George W Bush et le Vice-président Dick Cheney, dit-il, jouent sans le vouloir le rôle du Docteur Jack Kevorkian (célèbre fauteur américain de l’euthanasie, NDR) en aidant l’État d’Israël à se suicider, puisque cela sera l’inévitable conséquence d’une attaque aérienne et de missiles contre l’Iran. (Une telle attaque) aura le pouvoir de lâcher les chiens de guerre, qui n’ont jamais été à une école d’obéissance. Personne ne pourra les empêcher de mordre, et tout l’arsenal nucléaire d’Israël sera incapable de les museler" Et de conclure : "Pour Israël, il y a un danger grandissant d’attentats suicide.

Les deux kamikazes les plus dangereux travaillent à la Maison Blanche"
Quoi qu’il en soit, il reste l’éventualité que nous nous réveillons demain en pleine guerre nucléaire. Une guerre qui, selon les experts, ne se limitera pas à des "frappes chirurgicales", mais verra la destruction totale des infrastructures iraniennes, appliqué avec la même froide férocité qu’au Liban. Une guerre de ce genre aurait des répercussions mondiales et des retombées physiques et psychologiques épouvantables.

La "communauté internationale", si jamais elle existe, ferait bien de se réveiller de son hypnose avant qu’il ne soit trop tard.

Messages

  • Avant l’invasion de l’Irak, les médias occidentaux et la cohorte de pseudo-intellos qui les squatte n’étaient pas plus anti-guerre que maintenant. Ce sont bien les peuples qui, sur toute la planète, se sont mobilisés massivement contre la guerre . Cela n’a pas empêché les Bush, Blair, Berlusconi, Aznar...de partir en guerre contre l’opinion publique mondiale. Peut-être les peuples, loin d’être sous hypnose, ont ils pris conscience à cette occasion que dans les caricatures de démocratie où nous vivons l’opinion publique n’est considérée que lorsqu’elle adhére aux choix des maîtres.
    Que nous reste-t-il comme pouvoir dans des systèmes politiques parfaitement vérouillés qui n’offrent plus aucune alternative aux décisions arrêtées par une poignée de plouto-oligarques à l’infaillibilité autoproclamée ?

    question subsidiare : est-il réaliste de demander aux peuples occidentaux de se mobiliser contre les agressions US alors qu’elles trouvent leurs principaux complices dans la quasi-totalité des gouvernements du proche et moyen-orient ?

    Valère

    • Touchée, Valère. Mais les modérés, ici (au Moyen Orient) pensent que l’Europe aurait un rôle à jouer, que ne peuvent en aucun cas assumer des pays comme l’Égypte ou le Liban, qui ont déjà plein de problèmes chez eux. Si l’EU disait carrément à l’Administration américaine ce qu’elle pense sûrement, c’est à dire que l’affaire iranienne doit être résolue pacifiquement, il se pourrait que les décideurs révisent leurs programmes.
      C’est de cette passivité-là que je parle, qui ressemble à s’y méprendre à de l’indifférence.