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Le plan pour faire rêver Kadhafi

Publie le mardi 29 janvier 2008 par Open-Publishing

Le plan pour faire rêver Kadhafi

« La stratégie du colonel consistait à se faire adouber comme le parrain de l’Afrique par l’ancienne puissance coloniale. C’est ce qu’il a obtenu de Nicolas Sarkozy » juge Antoine Glaser, directeur de la lettre du continent (www.africaintelligence.fr). Spécialiste des relations franco-africaines, il évalue le poids des promesses faites au colonel Kadhafi, après la fin des travaux de la commission d’enquête parlementaire sur la libération des infirmières bulgares, le 22 janvier.

Antoine Glaser. « S’il était bien normal que l’opposition demande la transparence, il n’est pas sûr qu’un pacte secret ait été scellé lors de la libération des infirmières bulgares. Je ne crois pas que la commission d’enquête parlementaire aurait beaucoup appris d’une audition de Cécilia Sarkozy, si elle l’avait obtenue. Pour le colonel Kadhafi, la politique est d’abord familiale et tribale. Il était important que le président français envoie sa propre femme négocier avec lui. Le fruit était déjà mûr, par le travail de l’Union européenne et les visites de Philippe Douste-Blazy. Mais l’aspect “intimiste” de cette fin de partie était nécessaire à la reprise des relations entre la France et la Libye, qui rappelons-le ont été conflictuelles depuis l’indépendance libyenne. La France a toujours soutenu le Tchad sur la question de la propriété de la bande d’Aouzou, frontalière avec la Libye et riche en uranium. Passons sur le quasi enlèvement des infirmières par des gendarmes tel que le relate l’une des biographies de Cécilia Sarkozy, hautement improbable pour ne pas dire invraisemblable. Quand le colonel Kadhafi donne son accord, tout le monde s’exécute. On sait maintenant que l’intervention du Qatar a servi de leurre dans le deal. Si les occidentaux avaient payé directement l’indemnisation des familles des victimes, ils accréditaient l’idée d’une culpabilité des infirmières.

Le plaisir savouré par le colonel Kadhafi a été de lever le poing sur les marches du perron de l’Élysée. Et de voir aussi les milieux d’affaires français venir lui faire allégeance, sous sa tente dressée à l’hôtel Marigny, après tant d’années de conflit avec les militaires français. Ce coup diplomatique s’accompagne d’un accord stratégique étonnant puisqu’on sait que le colonel reste incontrôlable, anti-impérialiste et dogmatique comme avant. Personne ne l’a regardé de très près. C’est un accord cadre signé le 25 juillet 2007, publié au journal officiel (le 13 novembre 2007), de “partenariat global” entre la France et la Libye signé par le Président français, le premier ministre et le ministre des affaires étrangères qui porte sur des volets stratégiques comme l’énergie nucléaire et l’exploitation des hydrocarbures. L’article 5 consacré à la coopération transfrontalière et à la gestion des migrations prévoit des dispositifs de “surveillance et de réadmission des immigrés”, ce qui veut dire qu’un sénégalais arrivé par la Libye pourra être réexpulsé vers la Libye. La France s’engage aussi à “renforcer les capacités de défense de la Libye” pour tous les contrats de surveillance et couverture aérienne. Un accord de coopération scientifique a été signé paralèllement. Les deux états annoncent un partenariat de leurs sociétés de défense y compris dans les domaines aéronautique et spatial. Il s’agit d’ici juin 2008 de favoriser l’achat par la Libye de quinze avions Rafale mais aussi d’hélicoptères de combat Tigre. Il est sûr que le colonel a fait miroiter une part du gâteau libyen aux entreprises françaises. Le pays a 200 milliards de dollars de réserve dans ses caisses – contre 100 milliard pour l’Algérie – et ne compte que 5,7 millions d’habitants. A ce jour, seuls les missiles ont été vendus. La plupart des contrats mirifiques sont restés des mirages…

La stratégie du colonel consistait à se faire adouber comme le parrain de l’Afrique par l’ancienne puissance coloniale. C’est ce qu’il a obtenu de Nicolas Sarkozy. C’était son rêve. L’article 4 de leur accord stipule que la France et la Libye font de l’Afrique une priorité commune et soutient l’Union africaine et la Communauté des états sahelo-sahariens (Censad). C’est l’aspect stratégique de cet accord. Kadhafi voudrait chausser les bottes des français dans la région. »

Propos recueillis par Karl Laske

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