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Le pourvoi en cassation de Cesare Battisti a été rejeté

Publie le jeudi 14 octobre 2004 par Open-Publishing

de Sylvia Zappi

M. Raffarin pourrait signer rapidement le décret d’extradition de l’ex-activiste italien, en fuite.

La cour de cassation a rejeté, mercredi 13 octobre, le pourvoi en cassation de l’ancien activiste d’extrême gauche italien Cesare Battisti, condamné à perpétuité pour meurtres et en fuite depuis le 24 août. La décision donne ainsi un caractère définitif à l’avis favorable rendu le 30 juin par la cour d’appel de Paris à la demande d’extradition du gouvernement italien. C’est désormais au premier ministre de décider s’il signera un décret d’extradition.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté l’ensemble des arguments développés par Me Arnaud Lyon-Caen, avocat de M. Battisti. La cour a jugé irrecevable deux arguments de forme avancés par la défense : l’irrégularité du versement au dossier de la procédure des "notes verbales" adressées par les autorités italiennes et justifiant de la régularité du jugement par contumace condamnant M. Battisti à la prison à perpétuité ; l’exception de la chose jugée avancée par les avocats qui estimaient que l’arrêt de la cour d’appel de Paris de mai 1991, rejetant la première demande d’extradition, ne pouvait être infirmé.

Elle a également refusé de se prononcer sur le fond en rejetant la violation de la Convention européenne des droits de l’homme qui condamne toute atteinte à la vie privée et familiale. Cesare Battisti, installé depuis 1991 en France, y réside régulièrement depuis 1993 et y a fondé une famille. La chambre criminelle a estimé que cet argument revenait à "critiquer les motifs de l’arrêt qui servent de support à l’avis de la chambre de l’instruction sur la suite à donner à la demande d’extradition", alors que la cour n’est appelée qu’à se prononcer sur la régularité de l’arrêt.

REVENDICATION D’INNOCENCE

Me Lyon-Caen s’avoue "déçu" du rejet du pourvoi : "Le moyen invoqué était sérieux : pendant dix ans, le gouvernement italien ne s’est absolument pas manifesté alors qu’il savait que Cesare Battisti s’était installé en France. C’est une question qui méritait une réponse."

Jean-Pierre Raffarin a désormais toute latitude pour signer le décret d’extradition. La doctrine du gouvernement semble être déjà faite : le 2 juillet, lors d’une conférence de presse avec le président du conseil italien, Silvio Berlusconi, Jacques Chirac avait estimé qu’il était "du devoir du gouvernement de répondre favorablement à une demande d’extradition". La démarche est cohérente avec le renvoi de Paolo Persichetti, ancien brigadiste, dont le décret d’extradition signé par Edouard Balladur, alors premier ministre de Jacques Chirac, a été mis à exécution en août 2002.

Pourtant en fuite, Cesare Battisti a décidé de changer de stratégie de défense. C’est dorénavant à Eric Turcon, Pierre Haïk et Elisabeth Maisondieu-Camus que l’écrivain a confié sa défense. Me Turcon a précisé que M. Battisti l’avait contacté - il refuse d’en préciser les conditions - pour "constituer une nouvelle équipe d’avocats". "Aujourd’hui, il a décidé de crier qu’il est innocent des crimes dont on l’accuse", indique l’avocat. Mes Irène Terrel et Jean-Jacques de Felice, ses anciens conseils, ne souhaitent pas commenter une décision qui n’appartient qu’à Cesare Battisti.

L’ancien activiste a, semble-t-il, pris sa décision dès le lendemain de l’arrêt de la cour d’appel, le 30 juin. "Il a pris conscience ce jour-là que c’était foutu", raconte l’écrivaine Fred Vargas. L’amie de M. Battisti explique qu’elle avait tenté maintes fois de le persuader de ne plus fonder sa défense sur la "responsabilité collective" des militants italiens et de convaincre de son innocence. "L’idée de faire cavalier seul lui semblait une traîtrise à la cause commune des réfugiés italiens et leur droit à un "asile de fait". Ses avocats étaient alors sur la même longueur d’onde", explique Mme Vargas. Des contacts ont été pris avec Me Turcon avant sa fuite. "Le fait qu’il se taise ne l’a pas aidé. Il faut qu’il parle afin que l’opinion publique sache que le gouvernement va probablement signer un décret d’extradition condamnant à la prison à vie un innocent."

Me Turcon reconnaît que l’"axe majeur"de la défense de son client va s’appuyer sur cette revendication d’innocence. La voie juridique demeure cependant étroite. Une fois le décret d’extradition pris, le réfugié italien en fuite pourra introduire un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. Les arguments d’une violation de la vie privée et familiale construite en onze ans de résidence seront alors de nouveau mis en avant. Si, d’aventure, le recours était rejeté, il restera à Cesare Battisti la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. En attendant, le Parti socialiste et les Verts ont demandé au premier ministre "de ne pas signer de décrets ouvrant la voie à des extraditions".

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