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Le soutien français à Battisti mal compris en Italie

Publie le samedi 6 mars 2004 par Open-Publishing

Les journaux balancent entre embarras et critique féroce.

La droite berlusconienne qui réclame l’extradition joue profil bas. La gauche s’est réfugiée dans un prudent mutisme. Et la quasi-totalité des journaux de la Péninsule (à l’exception du quotidien communiste Il Manifesto) observe avec étonnement et agacement l’écho français de l’affaire Cesare Battisti. Depuis l’arrestation le 10 février de l’écrivain et ex-militant des Prolétaires armés pour le communisme (remis en liberté provisoire mercredi), non seulement la mobilisation italienne a été très limitée, mais les manifestations de soutien organisées en France ont généralement donné lieu à une franche incompréhension. Chez les parlementaires, seuls les Verts et les communistes orthodoxes de Refondation sont montés au créneau. « Son arrestation répond à une logique de vendetta », a ainsi dénoncé le député écologiste Paolo Cento, « le gouvernement Berlusconi n’estime pas que la guerre civile qui a causé tant de drames dans notre pays dans les années 70 et 80 est terminée. » A l’inverse, « comment peut-on se scandaliser si un pays réclame l’extradition d’un condamné pour exécuter une sentence légitime ? » s’interroge La Stampa de Turin.

L’hebdomadaire Panorama, de Silvio Berlusconi, est allé beaucoup plus loin, critiquant férocement les défenseurs de Cesare Battisti et la presse française : Ils « ont oublié de consacrer un peu de leur temps précieux à s’informer sur les accusations pour lesquelles Battisti a été condamné [...] Battisti a été l’auteur de délits impitoyables comme celui d’un boucher de Vénétie qu’il a blessé par balles et qui a été achevé avec un sadisme froid [...] à terre ». Même le quotidien progressiste La Repubblica prend également ses distances sans s’attarder sur la doctrine Mitterrand qui avait permis aux anciens militants italiens d’extrême gauche de trouver refuge en France à condition d’abandonner la lutte armée : « Personne ne rappelle [en France, ndlr] que Battisti a été condamné pour quatre homicides et non pour association subversive ou délits d’opinion. » Et d’insister : « Les défenseurs de Battisti semblent oublier qu’en France aussi il existe une législation spéciale pour certains délits : les terroristes sont tous jugés à Paris par une cour d’assises spéciale (sans jurés populaires) et il existe aussi depuis quelque temps une loi sur les repentis pour faits de terrorisme. »

Modéré, proche du centre gauche, l’ancien directeur du Corriere della sera Paolo Mieli ne cache pas son embarras. « Si cela dépendait de moi, je serais favorable à l’amnistie la plus large pour les terroristes rouges et noirs qui ensanglantèrent l’Italie au cours des années 70. Cela devrait valoir pour Cesare Battisti », précise-t-il dans le journal milanais. Mais il rappelle qu’en Italie, Battisti « en 1978, a été deux fois condamné à la prison à perpétuité, pour quatre meurtres. Il s’est ensuite évadé de la prison de Frosinone. [...] Le fait d’être devenu un écrivain ne l’absout pas de ces lointains délits. »