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Le « stand up » des journalistes

Publie le mardi 6 novembre 2007 par Open-Publishing

de Sébastien Homer

Presse . Manifestations aujourd’hui (5.11.2007) pour la défense du pluralisme et de l’indépendance.

Alors que l’intersyndicale des journalistes (SNJ, CGT, CFDT, CFTC, FO) appelle aujourd’hui, pour réclamer la reconnaissance par la loi de l’indépendance des rédactions, professionnels et citoyens à manifester devant l’Assemblée nationale, l’une des représentantes de ces organisations, Nathalie Boisson (de la CFDT), ne cache pas son optimisme : « On vient de franchir, sans beaucoup de relais médiatique, la barre symbolique des 5 000 signataires de notre pétition. Et cela va du technicien de surface au chef d’entreprise. La preuve que l’information et l’indépendance des médias, c’est l’affaire de tous. »

Mais, apparemment, pas de la ministre de la Culture qui, non contente de ne pas avoir répondu aux demandes de rendez-vous des syndicats sur cette question, aura déclaré : « Les journalistes, je les crois indépendants. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de passer par une loi. » Et de dire, symbolique, dans le même temps son opposition à une hausse de la redevance dont aurait pourtant bien besoin un audiovisuel public exsangue, une hausse de deux petits euros votée à la sauvette en commission immédiatement fustigée par Sarkozy en personne.

Voilà qui explique la volonté des syndicats d’en appeler à l’opinion mais aussi aux députés, devant être reçus en délégation par des représentants des groupes parlementaires. De fait, lundi sera une journée chargée sur le front de la défense du pluralisme et de l’indépendance. En effet, dans l’après-midi, le juge des référés devrait rendre sa décision après avoir été saisi par les élus du CE des Échos, refusant de voir l’actuel numéro deux de la presse économique (Bernard Arnault, patron de LVMH et propriétaire de la Tribune) s’emparer du numéro un, parce que leur propriétaire - le groupe britannique Pearson - a clos unilatéralement le processus d’information-consultation alors qu’ils n’avaient pas eu toutes les réponses à leurs questions.

Or, dans cette affaire emblématique des dangers qui menacent actuellement la presse et les médias (atteinte au pluralisme, conflits d’intérêt…), la décision du juge, s’il venait à donner tort aux représentants des salariés, pourrait se transformer en un véritable feu vert pour cette cession qui provoquera, dans la foulée, celle de la Tribune. Et, dans les deux titres, le bras de fer est en train de prendre une tournure des plus brutales.

Ainsi, aux Échos, la direction a fait savoir aux experts nommés par le CE qu’elle jugeait abusive le déclenchement du droit d’alerte, les syndicats menaçant d’aller au pénal et obtenant la tenue d’un CE extraordinaire sur la question demain. Et, du côté de la Tribune, les salariés bataillent pour obtenir, face à trois offres fermes qui ne les ont guère convaincus, la prise en compte de celle d’un ancien du groupe, Fabrice Larue : « Parce qu’avec un vrai projet rédactionnel et des moyens en conséquence, c’est la moins pire, dixit un élu du CE. Hélas, on sait qu’Arnault veut choisir le patron de la Tribune quand il aura les Échos. Et que Bolloré serait encore en embuscade… »

Les salariés de ces deux titres seront donc présents aujourd’hui. Et ils ne seront pas seuls. Parce qu’il y a urgence, en témoignent les coups de pression de Rachida Dati à l’encontre des rédactions s’interrogeant sur son parcours, le refus d’une Christine Boutin de débattre sur un plateau de télé avec le patron du DAL et plus largement l’état de délabrement d’un secteur où se conjuguent précarité, concentration et restructuration. Ce sera aussi l’occasion de signifier à un Sarkozy qui n’aime rien tant que des médias à sa botte que les journalistes et les citoyens de ce pays sont prêts à battre le pavé pour défendre l’un des piliers de la démocratie : le droit à l’information. Sans qu’il ne puisse rejouer la carte « Cécilia » pour détourner l’attention.

http://www.humanite.fr/2007-11-05_M...