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Le théorème de Chávez

Publie le samedi 3 décembre 2005 par Open-Publishing
5 commentaires

Termes, lexique et praxis politique : voici de quelle manière la réalité vénézuélienne a pulvérisé la rhétorique de « gôche »

par Manuel Talens, Rebelión, 21 novembre 2005.
Versión original española :
 http://www.rebelion.org/noticia.php...
Versione italiana :
 http://www.zmag.org/Italy/talens-te...
English version :
 http://www.counterpunch.org/talens1...
Version française :
 http://quibla.net

L’auteur est un romancier espagnol, auteur de nouvelles brèves, traducteur et éditorialiste. Ses éditoriaux paraissent principalement dans le quotidien madrilène El Pais et sur le site alternatif Rebelión, sur lequel il traduit fréquemment des écrivains et militants de gauche, francophones et anglophones. Il a également traduit des oeuvres d’auteurs tels Georges Simenon, Edith Wharton, Groucho Marx, Paul Virilio, Derek Walcott, Geert Lovink, James Petras et Donna J. Haraway, parmi de nombreux autres. Son site ouèbe est à l’adresse suivante : http://www.manueltalens.com

J’ai regardé l’entrée « théorème » dans deux de mes dictionnaires préférés : le DRAE de la Real Academia Española indique qu’il s’agit « d’une proposition démontrable, découlant logiquement d’axiomes ou d’autres
théorèmes déjà démontrés, par l’intermédiaire de règles d’inférence » ; un peu nébuleux, comme explication, en comparaison avec celle du dictionnaire María Moliner, modèle de castillan cristallin : « affirmation susceptible
d’ être démontrée scientifiquement ». Aux fins du présent article, j’ai l’ intention de recourir aux deux définitions, en commençant par celle du DRAE, qui insiste sur l’aspect déductif du raisonnement.

Les médias qui nous entourent ont la fâcheuse habitude de vider certains
vocables indispensables de tout contenu et, cela, afin d’inciter le
citoyen irréfléchi à continuer à les faire leurs, comme s’ils avaient toujours la
même signification. J’ai ici deux exemples, que nous rencontrons tous dans
les journaux : les termes « démocratie » et « gauche ». Dans l’Espagne de
mon adolescence, ceux qui abhorraient la politique de Franco rêvaient de
ces deux mots. Le temps a passé, le dictateur a passé lui aussi, la transition
a eu lieu, la démocratie a été instaurée et, grâce à elle, même la gauche a
accédé au pouvoir. Mais ces rêves sont-ils devenus réalité ?

En nous conformant à ce qu’indique le dictionnaire DRAE, si nous partons
du double axiome linguistique selon lequel la racine grecque demos signifie « 
peuple » et la racine grecque crazia signifie « gouvernement », alors un
théorème définissant hypothétiquement la Démocratie donnerait ceci : « La
Démocratie est un système politique dans lequel le peuple est le
gouvernement ». Ce qui échappe à la sagacité de bien des universitaires,
c’est le fait que nombreuses sont les boîtes à idées [thinktanks]
post-modernes, de nos jours, à altérer délibérément le langage, si bien
qu’à l’instar des civils tués par quelque guerre impérialiste, qui sont de nos
jours qualifiés de « dommages collatéraux », le mot Liberté, sur les
lèvres de Bush, signifie Esclavage, en Irak, ou bien encore le respect des
minorités n’est pas la même chose, pour un leader blanc, tant du PRI
[Parti révolutionnaire institutionnel] mexicain que du PAN [Parti de l’Action
nationale], et pour un Indien zapatiste. Et il en va de même pour le mot « 
démocratie » : toute ressemblance entre l’élite qui contrôle nos
démocraties bourgeoises et les peuples qu’elles sont censées représenter n’est que
pure coïncidence ; voilà qui fait de la définition du DRAE, de théorème qu’elle
se voulait, quelque chose de totalement inutile, en raison de sa piètre applicabilité déductive sur le terrain de la praxis politique contemporaine.

Examinons, maintenant, le mot « gauche ». Après la Révolution française,
les foules de la capitale se rassemblèrent du côté gauche de l’Assemblée
législative, tandis que ceux qui avaient soutenu inconditionnellement la
Constitution de 1792 s’adjugèrent les sièges situés sur sa droite. Telle
fut l’origine de l’adoption, dans le domaine politique, du terme « la
gauche », dont héritèrent les partis d’orientation marxiste qui se sont succédé
jusqu’ à notre vingt-et-unième siècle. Voyons ce à quoi ressemble le Théorème de
la Gauche, en nous référant, là encore, aux indications du DRAE : « La gauche est le courant qui tend à substituer le socialisme au capitalisme. » Est-ce
encore le cas, dans nos démocraties, aujourd’hui ?

Le Parti socialiste ouvrier espagnol [PSOE] a renoncé au marxisme quand Felipe Gonzalez était au pouvoir : aujourd’hui, c’est un parti social-démocrate, ce qui veut dire
qu’ il se soumet au capitalisme, auquel il aspire à donner un visage humain.
Il n’est plus socialiste, et néanmoins, il continue à se qualifier « de gauche », tout à fait en consonance avec ses coreligionnaires étrangers, qui
semblent perdre de plus en plus de plumes : les partis socialistes
français, portugais et chilien sont en train de devenir néo-libéraux à seule fin d’ élargir leur électorat ; le parti travailliste britannique est en train de
perdre le peu d’honneur qui lui restait sur les champs de bataille irakiens
 ; le PRD [Parti révolutionnaire démocratique] mexicain , comme le dit excellemment Gilberto López y Rivas, abandonne ses principes fondateurs. Quant à l’Internationale socialiste, elle se contente de survivre, moins glorieuse que chagrine, après avoir fait sien un système économique que ses augustes ancêtres rejetaient avec véhémence.

Les arguments que je viens d’exposer justifient mes réserves quant à la définition du mot « théorème » proposée par le dictionnaire DRAE. Je préfère la sobriété de celui de María Moliner, qui mentionne la scientificité (« affirmation susceptible d’être démontrée scientifiquement ») et introduit, de ce fait, une différence quantifiable, qui nous rapproche de l’exactitude mathématique des théorèmes de Pythagore ou d’Euclide.

Voyons maintenant comment cette définition s’applique à la trajectoire politique du Président du Venezuela, Hugo Chávez, un homme adulé par son peuple, mais victime de l’ire de la droite la plus confite du Venezuela et de l’Occident, ainsi qu’au dégoût verbal de bien des « hommes et femmes de gauche » qui se pressent, de nos jours, dans les médias et les parlements d’ Amérique et d’Europe.

Si nous appliquons à Chávez des axiomes aussi irréfutables que les résultats écrasants de toutes les élections qu’il a remportées honnêtement, ou ces Vénézuéliens déshérités, qui se comptent par millions, et qui, pour la première fois dans l’histoire de leur pays, bénéficient de soins médicaux, d’un accès à la culture et peuvent espérer connaître une amélioration de leur sort et même une certaine prospérité depuis son accession au pouvoir, il est aisé de conclure qu’au Venezuela les théorèmes de Démocratie et de Gauche évoqués plus haut (aussi bien du point de vue déductif dont le DRAE a pris le parti, que du point de vue scientifique de María Moliner), tout ceci me permet de formuler « au moyen des règles d’inférence » un théorème créole qui, de mon point de vue, présente la double vertu de démasquer les imposteurs de gauche tout en rendant justice à un homme généreux, et providentiel pour l’avenir de l’ Amérique latine.

Ce théorème, que j’ai appelé Théorème de Chávez, le voici : « Un homme (ou une femme) de gauche, c’est : quiconque défend Chavez. »

Messages

  • Ce n’est plus un théorème, c’est un crible, un tamis.
    Ne craignez-vous pas d’en faire l’alibi préféré de tous les démagos de gauche ?

    Défendre Chavez, c’est très bien si on est Vénézuélien ou à la limite Latino-américain.
    Quel est l’intérêt pour un Européen qui doit combattre la main-mise de l’Otan, Bolkestein, le probable retour du TCE, etc..., dans une Europe sans... ressources pétrolières.
    J’approuve le combat sincère qui est mené par Chavez, mais est-il exportable ?

    Je reconnais une grande utilité à Hugo Chavez : il détourne les outils du capitalisme pour générer, grâce au pétrole, une richesse qu’il canalise vers le peuple.
    Cependant, les émirs du golfe persique ne font pas autre chose et personne ne penserait à eux comme figure de proue du socialisme.

    Attention, je n’accuse pas H. Chavez d’être milliardaire. Jusqu’à présent personne n’a mis son intégrité en doute. Mais si la révolution bolivarienne veut rester pure, elle devra un jour ou l’autre tomber dans la répression.

    Y-aura-t-il alors encore des socialistes pour prendre sa défense ?

    • Défendre la démocracie populaire doit être l’affaire de tous.

      Le peuple Vénézuelien qui la construit depuis 6 ans avec à sa tête un homme comme Chavez doit être soutenue ce ne doit pas être l’affaire des seuls Vénézueliens.

      Après le coup d’état d’avril 2002 piloté par les États Unis, la tentative de sabotage en décembre 2002 de la principale entreprise du pays, arrive maintenant par ces "fonctionnaires" étatsuniens, la manipulation honteuse de l’opposition minoritaire Vénézuelienne " à l’abstentionnisme, pour les élections démocratiques.

      pendant 6 ans, il s’est produit au Vénézuela sept élections qui se sont soldées par un plébiscite à Chavez. La reconnaissance de la démocratie Bolivarienne la plus pure du monde.

      Les États Unis comme les "grands" de ce monde ne se trompent pas. Ils essayent de déstabiliser par ces actes odieux. Ils prouvent ainsi que ce sont eux qui ont le mépris de la démocratie, de l’état de droit et de la souveraineté nationale.

      OUI, la méthode Chavez peut s’appliquer au monde entier pour peu que les peuples s’en donnent les moyens. Les Vénézueliens ont choisi les urnes. Très bien.

      Un peuple qui soutient son président comme le peuple vénézuélien fait trembler les possédants. Les mesures radicales que Chavez applique, effraient les capitalistes de la planète.

      C’EST UNE MARCHE À SUIVRE !

      Vive le peuple Vénézuélien "QUI EN ONT" et son président "QUI EN A" ! je parlais bien entendu des parties génitales !!!

      Esteban

  • tu sais, les 100.000 operes aveugles qu’on recupere la vue te pourront parler du socialisme, c’est du vrai, du concret et pas des utopies comment expriment les gens du pouvoir. ils n’arrengeront rien, le sisteme ne marche pas. en europe on a tendence a penser qu’on sait tout mais on realite on sait de ce qu’on connait et ce tout, alors sans imagination on n’est pas capable de mettre en question un sistema que prone une explotation infinite de resources limitees. le capitalisme est mort, mais chaude encore, gare ! aveugle par le sangre des autres que l’a eclabusse, la bête est capable de tout. a quand les socialistes ou meilleur les honnetes hommes vont repudier bush, le genocide, fou, voleur et violeur ? tu vois, ton attente des jour meilleurs rassemble les gars de la ocm pendant la guerre 39-45, tjrs dans l’attente des conditions ideales pour agir... kirschner l’a dit a bush des verites, chose que personne d’autre avait ose, et surtout pas dans la europe indigne, ou on reçoit condoleance rice pour jour le piano a la mairie de paris par un maire (jean, desolee...) socialiste (tout comme l’honnete jospin, le bombardeur d’hopitaux, asiles d’anciens et d’ecoles dans yougoslavie, dixit la cir) le probleme est que chavez demontre que avec peu d’argent on peut eduquer et soigner, c’est un mal exemple, tout comme Cuba, et s’est pour ça qu’on le combat. chavez fait, il est la releve de Fidel, qui n’a jamais donne preuves de jalousie. en mar del plata il a eu k, ça ne les plait pas, mais c’est normal, dans la democracie des puisantes il faut etre elu avec des gants comme chirac ou avec une participation de 10 % comme le maire de miami, comment ce possible que personne s’insurge contre ça ? europe devrait regarder et essayer de se rapprocher de la verite que n’est pas un ancien slogan, il est tjrs d’actualite : seule la verite nos rendra libres.
    a quand chirac parlant 7 hs les dimanches a la tele pour nos dire que jamais n’aurait des gens que meurent de soif dans le XXI siecle en europe ? le probleme est qu’il n’a rien a dire.
    si tu veut une critique violente avec connaisance de cause de la revolution cubaine, lis le discurs de Fidel a l’universite. medite, tu veras plein de choses. sans critique, la revolucion cubaine ne pourrait pas tenir, les cubaines (que on fait une revolution) le savent bien. on a acuse a chavez de tous les maux, mais jusqu’a present, on ne peut pas le lui reprocher grand chose. le dernier sondage le donnait gagnant dans les elections d’aujourdhui de 135 sieges sur 160 alors les autres se sont retires, les democrates !. si on a 50 % de presence chavez est tout aussi legitime que si les autres etaient la. 80 ans au pouvoir ! apres trois ans de travail il n’y a plus d’analfabetes, ça ete pas aussi dificile a faire, non ?
    tu sais, comment dit les argentins : patria ou nos font crever de faim !

    • Il n’est pas possible de faire de la politique sans démagogie.

      au lieu de dénigrer les relatives dérives de Chavez, regardez ce qu’il se passe en france.
      Les discours un peu limite de Chavez sont moins gerbants que ce qu’on entend ici et maintenant en france.

      Soyez un peu réalistes : quand Sarkosy arrivera au pouvoir, il sera pro-américain, cela fait peu de doute.
      tous les discours démogogiques pro-racistes seront à mettre au passif de ceux qui l’auront soutenu.

      Demagogie : c’est un truc français actuellement, franchement la démagogie Venezuelienne me semble moins criticable que la notre.

      jyd.

  • GEOPOLITIQUE DU CORPS ?

     Je ne comprends pas cette géopolitique du corps qui fait voir à certains le siège du courage, de la vertu, de l’honnêteté dans les couilles (malheur à celles ou ceux qui n’en ont pas !), et qui rappelle certaines conceptions obscurantistes en médecine (entre autres) par les siècles passés...
     Cependant, sur le reste nous partageons beaucoup...
    Vénézuela et Chavez, Chili et sa nouvelle Présidente future, Bolivie et son Indien Président, Brésil et son Lula encore Président (qui montre les réalités complexes du chemin entre la "prise du pouvoir" et la réalisation d’un programme de transformations sociales), Cuba et son Fidel companero (qui montre les difficultés de se survivre à soi-même par un socialisme démocratique)...
     La révolution ne serait-elle pas comme une chose venue d’Amérique latine ?
    L’espoir ne serait-il pas de ce coté là ?

    J’ai l’impression que, quelque part, le Monde change et ... "va changer de base"...

    Qu’en dites-vous ?

    NOSE