Le trésor de Pinochet : neuf tonnes d’or

de MARCO GREGORI *

C’est un peu comme pour l’Euro-Millions. Cela commence avec quelques dizaines de millions et cela finit par se compter en centaines. Sauf que dans le cas présent, il ne s’agit pas d’un jeu de hasard mais, selon toute probabilité, d’une fraude aux proportions colossales.

L’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, 91ans le mois prochain, est en effet fortement soupçonné d’avoir dissimulé neuf tonnes d’or dans une banque de Hongkong. Valeur estimée du butin : 180millions de dollars, soit 215millions de francs. Pas mal pour quelqu’un qui, du temps où il dirigeait le pays d’une main sanguinaire, entre 1973 et 1990, gagnait officiellement 3000 dollars par mois.

L’information, diffusée par la presse chilienne mercredi, a été confirmée par le ministre des Affaires étrangère Alejandro Foxley. Se basant sur des photocopies de documents obtenues par les missions diplomatiques chiliennes à l’étranger accréditant la véracité des faits, le ministre enjoignait la justice de son pays à examiner l’affaire avec le plus grand sérieux.

Pour le dictateur déchu, le coup est rude et vient s’ajouter aux nombreux délits à caractère financier qui s’amoncèlent contre lui depuis deux ans. En juillet 2004, une commission d’enquête antiblanchiment du Sénat des Etats-Unis révélait qu’Augusto Pinochet et sa famille détiendraient une centaine de comptes occultes, notamment auprès de la banque Riggs établie à Washington, pour un montant total estimé à 32,5millions de francs. Inculpé d’évasion fiscale -il devrait 16,5millions de francs au fisc chilien-, de malversation de fonds publics, d’enrichissement illicite et de falsification de documents, l’ancien général est depuis bientôt une année sous liberté surveillée.

C’est le juge chilien Carlos Cerda qui est en charge de l’enquête. Mais Baltasar
Garzòn est également sur le coup. Ce juge espagnol s’était rendu célèbre en 1998 lorsqu’il avait obtenu l’arrestation de l’ancien dictateur alors que celui-ci se trouvait à Londres. Le magistrat avait même été a deux doigts d’obtenir l’extradition de Pinochet dans la péninsule ibérique. Or depuis les révélations sur les dissimulations de comptes, Baltasar Garzòn a repris l’offensive. Il espère ainsi qu’une partie de la fortune accumulée par le clan Pinochet puisse servir à dédommager les familles des victimes de la dictature. Et récemment, il a gagné une manche. Samedi, le quotidien La Tercera annonçait que la Cour suprême du Chili avait autorisé Gazòn à interroger Augusto Pinochet et son épouse sur l’origine de fonds mis à jour depuis plus de deux ans.

La mine d’or récemment découverte du côté de Hongkong ne manquera pas d’ébranler jusqu’aux plus fervents partisans d’Augusto Pinochet. Beaucoup d’entre eux avaient déjà été choqués de connaître les résultat de l’enquête de la commission du Sénat des Etats-Unis. Pour les militaires notamment, la dissimulation d’argent est un délit plus grave que les crimes commis durant la dictature, car ils les justifient dans le cadre d’une guerre contre le communisme[1].

D’ailleurs, sitôt la nouvelle des neuf tonnes d’or rendue publique, l’avocat de Pinochet, Pablo Rodriguez l’a démentie en affirmant que c’était « complètement, totalement et absolument faux ». Il a même ajouté : « Si le général Pinochet ne possédait ne serait-ce qu’un gramme d’or à l’étranger, je serais le premier à renoncer à sa défense. » Augusto Pinochet va-t-il se retrouver sans avocat ?

*Avec les agences

[1]Lire à ce sujet Le Courrier du 29 novembre 2005

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