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Les Irakiens de l’Irak libre et souverain

Publie le mercredi 30 juin 2004 par Open-Publishing
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Aujourd’hui, mercredi 30 juin 2004, c’est le "D-Day" comme ils disent de
l’autre côté de l’Atlantique : l’Irak doit officiellement récupérer sa
souveraineté. Sauf que ça fait déjà deux jours qu’ils l’ont, la
souveraineté. Georges W. Bush a encore surpris son monde lors de la
réunion de l’OTAN lundi à Istanbul, en annonçant impromptu la grande
nouvelle à ses pairs qui, selon un Jacques Chirac agacé, n’auraient pas
manifesté la moindre émotion.

Officiellement, il s’agissait de couper l’herbe sous le pied à d’éventuels
terroristes-résistants irakiens et d’éviter des attentats sanglants lors
de la cérémonie de passation des pouvoirs. Donc cela s’est fait
discrètement, presqu’à la va-vite et en tout cas trés sobrement : petit
discours de circonstance, signature du registre et terminé.

Cette cérémonie furtive est à l’image de la réalité de la nouvelle
souveraineté irakienne : l’Irak est de nouveau dirigé par un gouvernement
composé d’Irakiens, structure intérimaire précédant l’établissement
d’élections devant constituer une assemblée nationale, et la tenue d’un
référendum afin d’approuver la nouvelle constitution écrite par un juriste
américain. Mais le nouvel Irak ne dispose pas encore d’une justice qui
fonctionne, ni d’une police équipée et disposant d’effectifs en nombre
suffisant pour assurer la sécurité quotidienne. De fait, l’Irak - et
surtout Bagdad - est pour l’instant encore un non-pays, une zone de chaos
où règne la loi de la jungle. De plus l’armée irakienne a été dissoute il
y a plus d’un an par le pro-consul Paul Bremer - qui vient de quitter le
pays - et n’a pour l’instant pas été rétablie. Drôle de souveraineté qu’un
pays qui n’a pas les moyens d’assurer sa défense nationale.

Avec un peu de mauvais esprit, on pourrait d’ailleurs faire aisément un
parallèle avec l’Afghanistan d’aujourd’hui , débarrassé de ses talibans
par l’armée américaine à coups de bombardements massifs et désormais aux
mains de seigneurs de la guerre qui tentent de s’accaparer le butin du
trafic d’héroïne et d’opium, qui a retrouvé son plus haut niveau du début
des années 90, et où règne l’anarchie la plus totale.

Comme en Afghanistan, les Américains ont gardé la main sur le contrôle
militaire de l’Irak : le gouvernement provisiore irakien a un droit de
regard sur les opérations menées par l’armée américaine, mais d’un strict
point de vue juridique ne possède pas de droit de veto sur ce sujet,
contrairement à ce qu’avait réclamé la France dans un premier temps.

Dans un même mouvement parfaitement synchronisé, l’ex-président Saddam
Hussein a été remis aux nouvelles autorités irakiennes qui ont de leur
côté décidé de rétablir la peine de mort en Irak. On commence à voir quel
sera le sort du dictateur déchu. Le procès devrait être retransmis en
direct à la télévision irakienne - quand elle fonctionnera - et se voudra
exemplaire : les Irakiens découvriront donc vite leur toute nouvelle
démocratie, avec une constitution calquée sur celle des Etats-Unis et une
médiatisation à grand spectacle qui devrait déboucher sur une exécution
des plus réjouissantes pour le spectateur moyen.

Sur le terrain, les affrontements continuent, sans que l’on sache trés
bien qui se bat contre qui : les islamistes, les baasistes, les Kurdes,
les Américains... On en parle moins, tout ceci s’est banalisé et est passé
au second plan médiatique. A moins que la violence ne refasse une entrée
en scène brutale au milieu de cette parodie de démocratie et de
souveraineté, qui masque le gouffre actuel dans lequel s’est enfoncée la
société irakienne - ou ce qu’il en reste...

http://zedrx.blogspot.com/2004/06/les-irakiens-de-lirak-libre-et.html