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Les Services Publics en péril dans le Traité
Publie le mercredi 18 mai 2005 par Open-Publishing1 commentaire
"LA CONSTITUTION ET LES SERVICES PUBLICS"
- Notre quotidien, c’est : « Chacun de nous se réveille le matin, commence par allumer la lumière, et en faisant ce geste, fait appel à une activité de service public. Sans doute ensuite, nous passons par la salle de bain, et en ouvrant le robinet d’eau, on fait de nouveau appel à une activité de service. Ensuite, on allume peut-être la radio pour écouter quelques nouvelles tout
en déjeunant, et là encore, on fait de nouveau appel à un service, puisque l’audiovisuel, la radio et la communication, sont publiques pour certaines ou en tout cas utilisent des activités de service (les moyens de diffusion sont publics). Puis, si on a des enfants, on les a peut-être conduit à l’école en prenant le bus, et là encore, les transports sont eux aussi une activité de
service, de même que l’école. Le père est peut-être allé chez le médecin aujourd’hui et la mère à la poste pour envoyer un colis à quelqu’un de sa famille ? Et là encore, ce sont aussi le plus souvent des activités de service. »
C’est à dire que continuellement, toute la journée, sans même nous en rendre compte, nous faisons appel à des activités de service public. Ces services publics sont en fait le système permettant de concrétiser les droits humains « collectifs » : ces fameux droits, nés de la révolution française, que l’on a appelés, avec les droits individuels, les « droits de l’homme », qui sont les droits à l’éducation, à la santé, au travail, , à l’eau, à l’électricité, à des moyens de transport et de communication, etc.
On a reconnu à ce moment-là que nous devions tous être égaux face à ces droits. Ces droits fondamentaux, ce sont les services publics qui permettent de les mettre en oeuvre, leur coût étant pris en charge par la collectivité dans un souci d’équité et non de rentabilité.
Or, avec le traité constitutionnel européen, tous ces droits acquis et identiques pour chacun, quelle que soit sa condition, peuvent voler en éclat.
- Tout d’abord, l’expression « service public » ne figure pas dans le traité. La formule ’services d’intérêt économique général (SIEG)’ est utilisée à la place, formule qui n’est nulle part expliquée. Mais, on peut néanmoins dire qu’il s’agit bien de « nos » services publics actuels : la poste, l’énergie, l’eau, la gestion des déchets, les transports, les communications...
Le premier article qui en parle est l’article II-96 : ces SIEG n’y sont plus considérés comme des valeurs de l’Union, mais « L’Union reconnaît et respecte l’accès » aux SIEG « tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales », sous-entendu : pas d’harmonisation prévue au niveau européen.
- Mais, surtout, ces services devront désormais, comme le reste, être soumis aux règles « d’un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée » (article I-3, paragraphe 2). En effet, lisons l’article III-148 : « Les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services ... », mais surtout l’article III-166, le seul qui lie les expressions « entreprises publiques » et SIEG, paragraphe 1 : « Les Etats membres en ce qui concernent les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux et exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la Constitution, notamment ... aux articles III-161 à III-169 (section 5 de la partie III qui porte sur les règles de libre concurrence) ; paragraphe 2 : « Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ...sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de concurrence, ... ». De plus, ajoutons qu’il est clairement dit (article III-167) : « ... sont incompatibles avec le marché intérieur ... les aides accordées par les états membres ... qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence ».
- En résumé : les pouvoirs publics n’ont plus une obligation de service dans de
nombreux domaines et ils doivent laisser le privé s’en occuper. Ceci signifie
clairement que le privé va mettre la main sur de nombreux services. Cela signifie qu’il y aura donc une obligation de compétitivité et de rentabilité, autrement dit un certain nombre de services ne seront accessibles qu’à ceux qui pourront se les payer. Il est important de préciser
que les directives de la communauté européenne auront valeur de priorité sur les états nationaux, c’est-à-dire qu’aucun État ne pourra revendiquer une exception nationale pour conserver tel droit ou tel service public en l’état (c’est pourquoi d’ailleurs en France, il a fallu
changer notre constitution en février dernier). Pour donner un exemple en ce qui concerne la sécurité sociale et l’aide sociale, « L’union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux ... » (article II-94) ; dans la constitution française : « (...) elle garantit à tous... la protection de la santé... ».
Cela signifie également l’institutionnalisation de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). De cette façon, on réalise une déclaration de condamnation à mort des entreprises publiques. Les multinationales pourront faire et défaire
suivant leur bon vouloir, déplaçant leurs capitaux d’un endroit à un autre, délocalisant les entreprises, les fermant après avoir bénéficié d’exonérations d’impôts. On ouvre la porte à la mercantilisation et à la privatisation forcée des services publics. Hôpitaux, universités, ... seront mis à la disposition
des capitalistes suivant la logique du bénéfice au dépend de la qualité du service et de l’intérêt général.
D’ailleurs, un certain nombres de services publics est déjà sérieusement menacé :
=> La poste : fermeture estimée de 6000 bureaux de postes sur les 17000 existants, certains étant transformés en « points postes » dans les commerces, à terme disparition des bureaux de poste en milieu rural.
=> Santé : baisse des remboursements de l’assurance maladie obligatoire et transfert des dépenses mutualisées vers les complémentaires privées, tarifs libres pour les spécialistes, diminution du nombre de lits et de personnels soignants dans l’hôpital public.
=> Éducation : flexibilisation de l’école et adaptation aux besoins de l’économie, approche par les compétences, précarisation des personnels.
La liste est longue !!
On peut donc projeter facilement ce qui risque de se passer dans l’avenir : ces nouvelles activités de service, confiées au privé, auront pour souci majeur la rentabilité et la réalisation de bénéfices importants pour enrichir les actionnaires. Donc, tout ce qui ne sera pas jugé rentable pourra être
supprimé ou facturé à un prix supérieur. C’est la fin de l’harmonisation des tarifs à un niveau national, la règle sera la disparité.
Nous, humanistes d’Europe, aspirons à une Constitution européenne dont l’objectif fondamental est que tous les citoyens de l’Union européenne aient accès et bénéficient des avancées scientifiques, technologiques, sociales et humaines et ce, de manière gratuite et sans distinction."
Vu sur le site du Parti Humaniste
Messages
1. > Les Services Publics en péril dans le Traité, 19 mai 2005, 00:02
Je voudrais juste apporter un précision sur la définition des fameux SIEG :
Extrait du livre blanc 2004 "COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU
CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ
DES RÉGIONS
Livre blanc sur les services d’intérêt général" —>page 23
« Des différences terminologiques, une confusion sémantique et des traditions variées dans les États
membres ont créé de nombreux malentendus dans le débat mené au niveau européen. Dans les États
membres, des termes et des définitions différents sont utilisés dans le domaine des services d’intérêt
général en raison d’évolutions historiques, économiques, culturelles et politiques dissemblables. La
terminologie communautaire s’efforce de prendre ces différences en considération.
Services d’intérêt général
L’expression "services d’intérêt général" ne se trouve pas dans le traité lui-même. Elle découle dans la
pratique communautaire de l’expression "service d’intérêt économique général" qui est, elle, utilisée
dans le traité. Elle a un sens plus large que l’expression précitée et couvre les services marchands et
non marchands que les autorités publiques considèrent comme étant d’intérêt général et soumettent à
des obligations spécifiques de service public.
Services d’intérêt économique général
L’expression "services d’intérêt économique général" est utilisée aux articles 16 et 86, paragraphe 2,
du traité. Elle n’est pas définie dans le traité ou dans le droit dérivé. Cependant, dans la pratique
communautaire, on s’accorde généralement à considérer qu’elle se réfère aux services de nature
économique que les États membres ou la Communauté soumettent à des obligations spécifiques de
service public en vertu d’un critère d’intérêt général. La notion de services d’intérêt économique
général couvre donc plus particulièrement certains services fournis par les grandes industries de
réseau comme le transport, les services postaux, l’énergie et les communications. Toutefois,
l’expression s’étend également aux autres activités économiques soumises elles aussi à des
obligations de service public.
Comme le Livre vert, le présent Livre blanc se concentre principalement, mais pas exclusivement, sur
les questions liées aux "services d’intérêt économique général", puisque le traité lui-même est axé
essentiellement sur les activités économiques. L’expression "services d’intérêt général" est utilisée
dans le Livre blanc uniquement lorsque le texte fait également référence aux services non
économiques ou lorsqu’il n’est pas nécessaire de préciser la nature économique ou non économique
des services concernés.
Service public
Il convient de souligner que les termes "service d’intérêt général" et "service d’intérêt économique
général" ne doivent pas être confondus avec l’expression "service public", qui est moins précise.
Celle-ci peut avoir différentes significations et être ainsi source de confusion. Elle peut se rapporter au
fait qu’un service est offert au grand public ou qu’un rôle particulier lui a été attribué dans l’intérêt
public, ou encore se référer au régime de propriété ou au statut de l’organisme qui fournit le service en
question42. Elle n’est dès lors pas utilisée dans le Livre blanc.
Obligations de service public
L’expression "obligations de service public" est utilisée dans le Livre blanc. Elle désigne les obligations
spécifiques imposées par les autorités publiques à un fournisseur de service afin de garantir la
réalisation de certains objectifs d’intérêt public, par exemple dans le secteur du transport aérien,
ferroviaire ou routier et dans le domaine de l’énergie. Ces obligations peuvent être imposées au
niveau communautaire, national ou régional. »