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Les collectifs ont leur programme

Publie le samedi 21 octobre 2006 par Open-Publishing

Les antilibéraux ont désormais une batterie de propositions à faire valoir aux échéances de 2007. Après l’adoption d’une stratégie commune, cette seconde étape franchie permet d’envisager sereinement la question « délicate » du choix du candidat qui les représentera.

Le temps politique n’est pas le temps médiatique. Les militants engagés dans la construction d’un rassemblement antilibéral de gauche en ont fait une nouvelle fois l’expérience, ce week-end. Alors que la seconde rencontre nationale des collectifs avait pour seul objet de discuter du programme qui sera défendu lors des élections présidentielle et législatives de 2007, la plupart des comptes rendus de presse ont surtout mis l’accent sur la difficulté des antilibéraux à s’entendre sur une candidature commune. Le débat sur les élections n’a pourtant occupé que deux heures trente d’horloge dans une réunion qui aura duré près de quatorze heures. Il devrait être tranché début décembre.

Cinq mois après leur lancement, les collectifs unitaires n’ont pas à rougir de leur bilan. Ils sont désormais 650 recensés sur tout le territoire. Les noyaux militants initiaux (communistes, trotskistes, républicains sociaux, écologistes, altermondialistes, socialistes) commencent à s’étoffer, assurent plusieurs animateurs de collectifs locaux qui ont vu réapparaître des citoyens non encartés, côtoyés pendant la campagne pour le « non » au référendum sur le traité constitutionnel européen. Pas à pas, le mouvement se construit. Et la mayonnaise prend. Les 600 à 700 délégués et observateurs qui ont participé, ce week-end, à la réunion de Nanterre, ont adopté un programme qu’ils ont longuement discuté, texte et stylo en main. Cette seconde étape, après l’adoption d’un texte qui a fixé la stratégie du rassemblement, le 10 septembre, à Saint-Denis, était importante. Elle augure bien d’un accord politique entre les différentes composantes du rassemblement antilibéral. Celui-ci ne sera pleinement effectif que lorsque sera franchie la troisième étape, celle de la désignation des candidats aux échéances électorales de 2007.

L’adoption du programme au consensus, une méthode raillée parfois, mais inévitable quand il s’agit de faire travailler ensemble des formations et des militants d’origine diverses, a été unanimement saluée. Même Léon Crémieux, dirigeant « majoritaire » de la LCR, venu en observateur, convient qu’il « marque une rupture avec le libéralisme ». Si des points restent en débat ­ le droit de vote des étrangers aux élections nationales (certains courants proposant l’octroi de la nationalité avant le droit de vote), le nucléaire, le rôle de la France dans le désarmement... ­, chacun est satisfait de voir se concrétiser, enfin, un projet propre à combattre les politiques néolibérales. « Ce programme prend en considération toutes les dimensions du citoyen et de la citoyenneté. C’est tellement inhabituel de fonctionner sur le mode de la démocratie participative qu’on a tendance à vouloir tout y mettre, explique Isabelle Barthélémy, déléguée non encartée du comité de Pignan (Hérault), mais c’est aussi la meilleure façon de dégager les lignes de force qui nous sont communes. » « Si on n’est pas des spécialistes de la vie politique et économique au sein des collectifs, on est, en revanche des spécialistes de la vie quotidienne. C’est à la fois notre faiblesse et notre force », conclut-elle.

Pour Raphaël Brasseur, délégué, non encarté, et ex-PS, du collectif de Limoges-Haute-Vienne, ce programme est un équilibre entre les extrêmes de la gauche et son centre : « On a veillé à ne pas verser dans l’excès, tous les grands points y figurent, notre démarche est vraiment constructive. L’atelier sur le thème de l’Europe était emblématique de cet équilibre, tous les points ont rencontré une adhésion générale. » Dominique Poupard ne se reconnaissait plus dans « aucune organisation politique ». Déléguée du collectif de Cholet, syndicaliste, militante à Attac et dans le réseau RESF, elle aussi se dit « satisfaite » et décèle dans les nouvelles méthodes avec lesquelles a été élaboré le programme l’apport indéniable de l’altermondialisme et de l’outil que représente Internet. Pour Romain Véron, du collectif de l’université Paris-X-Nanterre, le fait que ces 26 pages existent est déjà « historique », « c’est énorme et c’est surtout une autre façon de faire de la politique ! » À l’approche de la troisième étape, « décisive » et « délicate » de l’avis de plusieurs intervenants, le débat a aussi porté sur les critères et méthodes de désignation des candidats. Deux aspects ont suscité des controverses.

Le calendrier. Faut-il maintenir la désignation du candidat qui figurera sur le bulletin de vote de la présidentielle à la fin novembre, comme prévu ? Ou se donner le temps de la réflexion supplémentaire pour départager les candidats déclarés, cinq connus (Marie-George Buffet, José Bové, Clémentine Autain, Patrick Braouezec, Yves Salesse) et quatre militants locaux ? En séance, les tenants de l’une ou l’autre solution ont fait valoir leurs arguments. Moins franchement toutefois que certains, lors des pauses. Isabelle Barthélémy ne pense pas que la désignation du candidat soit une urgence. Partisane d’entrer en campagne « toute de suite » pour « faire savoir, en multipliant les débats sur le terrain, qu’il existe une autre alternative que l’UMP ou les socialistes », elle attend beaucoup des élections internes au PS même si ce ne doit pas être, selon elle, une échéance paralysante. « Proclamer notre candidat en janvier, après les primaires de l’UMP, serait l’idéal, à mon sens », conclut-elle. Raphaël Brasseur pense également que le résultat des primaires au PS pourra être déterminant pour la suite de la campagne des candidatures unitaires : « Si Laurent Fabius n’est pas choisi, ce sera à lui de venir vers nous. Dans cette optique, il me semble fort possible que le groupe de Jean-Luc Mélenchon converge également vers nous. » Attendre le PS serait une erreur, estime au contraire Romain Véron : « Il faut entrer en campagne au plus vite et être présent dans les grands médias, car je ne pense pas que les médias alternatifs suffiront à relayer notre programme et la candidature unitaire. » Pour une désignation rapide, Dominique Poupard constate : « Nous sommes bloqués par la non-réponse à cette question sur le terrain. De nombreuses personnes à Cholet attendent de savoir qui sera le candidat pour nous rejoindre. »

Le Collectif d’initiative national doit trancher dans les jours qui viennent. Un petit report est envisagé. La prochaine réunion nationale des collectifs qui désignera le candidat à la présidentielle pourrait se tenir dans la première quinzaine de décembre. D’ici là, la campagne devrait démarrer, collectivement. Un grand meeting unitaire est prévu le 6 novembre au Mans.