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Les orientations politiques de la manifestation du 27 janvier à Washington

Publie le mercredi 31 janvier 2007 par Open-Publishing
2 commentaires

de Barry Grey à Washington, D.C.

Des dizaines de milliers de personnes se sont rendues à Washington samedi dernier pour signifier leur opposition à la politique d’intensification de la guerre en Irak de l’administration Bush et pour demander la fin de la guerre et le retrait des soldats américains. Des étudiants et des jeunes de plusieurs régions du pays ont participé à l’événement. Il y avait aussi une délégation importante de vétérans de la guerre en Irak ainsi que des familles de soldats tués ou blessés en Irak ou encore de soldats présentement en Irak ou en Afghanistan. Plusieurs dizaines de soldats en service ont aussi participé à la manifestation.

Toutefois, tous ceux qui se sont rendus à Washington parce qu’ils avaient un désir sincère de mettre fin à la guerre n’ont pu trouver aucune perspective sérieuse ou honnête de la part des organisateurs de la manifestation. Ces derniers l’ont délibérément subordonnée aux manœuvres des démocrates au Congrès et aux ambitions électorales du Parti démocrate dans la course présidentielle de 2008.

Unis pour la paix et la justice (UFPJ, United for Peace and Justice), le collectif qui a organisé le ralliement de Washington ainsi que des manifestations de moindre envergure à Los Angeles, San Francisco et d’autres villes, a invité plusieurs politiciens démocrates à la tribune du National Mall, y compris le représentant de l’Ohio au Congrès, Dennis Kucinich, qui tente d’obtenir la candidature démocrate pour les élections présidentielles de 2008, les représentants Maxine Waters et Lynn Woolsey de Californie, le représentant du Michigan, John Conyers et Jessie Jackson.

Une déclaration émise samedi par UFPJ, intitulée « Pourquoi nous manifestons », a clairement établi l’alliance politique entre les organisateurs de la manifestation et le Parti démocrate. Elle louait une loi proposée par les membres du Congrès, Woolsey, Waters et Barbara Lee, demandant le retrait de l’Irak des soldats américains au cours des six prochains mois et déclarait : « Nous nous rangeons avec ce groupe de membres du Congrès, qui ne cesse de croître. Il est maintenant temps pour le Congrès d’agir dans le cadre de ses pouvoirs, de faire l’histoire, d’utiliser son pouvoir d’autorisation des dépenses pour arrêter le financement de la guerre. »

En fait, cette loi et une mesure similaire qui sera présentée au Sénat par Russ Feingold n’ont aucune chance d’être acceptées ou même d’obtenir un appui significatif des législateurs. La direction du Parti démocrate à la Chambre des représentants — la chef de file Nancy Pelosi et le leader de la majorité Steny Hoyer — et le leader de la majorité au Sénat, Harry Reid, ont affirmé qu’ils s’opposaient au blocage du financement pour l’envoi de 21 500 soldats supplémentaires, et qu’il était hors de question pour eux de cesser le financement de la guerre dans son ensemble.

Au contraire, ils tentent cyniquement, au moyen de résolutions non exécutoires contre l’intensification militaire de Bush, d’apaiser et de désamorcer le sentiment anti-guerre de masse, tout en développant une nouvelle stratégie bipartisane pour sauver l’aventure coloniale américaine en Irak.

Le but des manœuvres législatives, comme la loi présentée par Waters et compagnie à la Chambre et par Feingold au Sénat, est de donner un peu de crédibilité aux démocrates et de renforcer les illusions que ce parti impérialiste est réceptif aux pressions visant à lui faire adopter une politique étrangère pacifiste.

Alors que l’administration Bush méprise sans se gêner l’opinion publique sur la question de la guerre en Irak, et qu’elle perd ses appuis au Congrès, même parmi les républicains, pour sa politique téméraire d’intensification de la guerre en Irak et ses menaces de guerre contre l’Iran, l’establishment politique dans son ensemble se dirige vers une crise politique et constitutionnelle de proportions potentiellement historiques. Les deux partis sont terrifiés à l’idée que l’opposition de masse à la guerre puisse s’associer à d’autres revendications sociales des travailleurs et déclencher un mouvement social hors du contrôle de ces partis ou de toute autre institution de l’élite dirigeante américaine.

Cette crainte est partagée par ceux qui ont organisé les manifestations du 27 janvier. Le collectif Unis pour la paix et la justice comprend l’organisation démocrate libérale MoveOn.org et est dirigé par des défenseurs « de gauche » du Parti démocrate comme la chef stalinienne du Parti communiste Judith LeBlanc et l’organisatrice expérimentée Leslie Cagan.

Ils ont très consciemment fait en sorte de présenter le Parti démocrate comme le seul point de rencontre légitime de toute activité anti-guerre. Ils ont aussi volontairement bloqué l’émergence d’un mouvement contre la guerre impérialiste venant de la gauche, c’est-à-dire un mouvement indépendant du système biparti mettant de l’avant un programme socialiste et articulant les intérêts de la classe ouvrière américaine et internationale.

Ceux qui se sont exprimés au rassemblement du 27 janvier ont maintes fois dit à la foule que le moyen de mettre un terme à la guerre était de faire pression sur le nouveau Congrès démocrate. L’appel à faire pression sur le Congrès démocrate s’accompagnait d’appels, à peine voilés, à élire un président démocrate en 2008. (On a fait peu de cas de l’absence des principaux candidats démocrates à la présidence : Hillary Clinton, Barack Obama, John Edwards ou Joseph Biden.)

Eleanor Smeal, présidente de la Fondation de la majorité féministe, a déclaré : « Nous élirons des majorités encore plus importantes en 2008... Gardez aux pieds vos chaussures de lobbying. »

Faisant référence au Congrès démocrate, Susan Schaer de Women’s Action for New Directions (Mouvement des femmes pour de nouvelles directions) a déclaré : « Ce sont eux les décideurs, et non pas Bush. Ce sont eux qui commandent. C’est maintenant à eux de faire le changement ... À chaque étape nous devons être derrière eux. Une résolution non exécutoire c’est bien, mais ce n’est pas assez... Nous pouvons y arriver. Nous l’avons fait en novembre et nous pouvons le refaire l’an prochain. »

La manifestation était en grande partie organisée en toile de fond d’une nouvelle tentative pour faire pression sur le Congrès, intitulée « Américains contre l’intensification de la guerre en Irak », qui a été lancée récemment par une coalition de syndicats et MoveOn.org.

La complicité des démocrates dans la guerre, de ses débuts à aujourd’hui, a été largement ignorée, et il n’y a eu aucune explication des causes fondamentales de l’éruption du militarisme américain dans la crise du capitalisme américain et mondial.

En fait, la manifestation de Washington avait un caractère semi-officiel. Dans les jours qui ont précédé le rassemblement, le Washington Post a publié des articles qui prédisaient une participation massive, a fourni un plan du site et a même affiché les portraits de célébrités de Hollywood, telles que Jane Fonda, Susan Sarandon, Tim Robbins et Danny Glover, qui allaient être sur place. L’édition de vendredi a même annoncé que la manifestation allait profiter d’une douce journée ensoleillée. Le Washington Post du dimanche avait en première page un article sur la manifestation avec une grande photo des manifestants — une pratique totalement différente de la couverture médiatique insignifiante que le journal avait faite lors des précédentes manifestations anti-guerre.

Certaines indications soulignent la nature semi-officielle de la manifestation et de la coordination entre les organisateurs et la direction du Parti démocrate, comme le fait que la bureaucratie de l’AFL-CIO ait donné son appui. La fédération syndicale, qui au départ appuyait la guerre et qui est demeurée silencieuse durant plusieurs mois alors que le carnage s’intensifiait, a envoyé Fred Mason, le président de l’AFL-CIO du Maryland-DC, pour accueillir le rassemblement au nom du président de l’AFL-CIO John Sweeney.

Un événement organisé sur la base de cette fausse perspective ne peut pas devenir un véhicule pour l’expression de la haine intense des travailleurs et des jeunes envers la guerre et l’administration Bush et des grandes préoccupations sociales et économiques des larges masses.

Un des aspects les plus odieux de l’événement fut le discours démagogique de Dennis Kucinich, imposteur et vaurien politique de première classe. Le représentant de l’Ohio au Congrès cherche à rejouer le rôle qu’il avait joué dans la course à la candidature présidentielle des démocrates de 2004, où il s’était présenté comme le soi-disant candidat anti-guerre le plus déterminé pour finir par soutenir le candidat pro-guerre John Kerry au congrès de nomination du Parti démocrate.

Avant de faire subir à la foule un sermon de plus de Jesse Jackson sur le refrain de « Gardons l’espoir » le coordonnateur national d’Unis pour la paix et la justice a présenté de façon révérencieuse cet imposteur politique aguerri comme « une personne qui fait partie de ce mouvement et de tous les mouvements pour la justice sociale et économique. »

Lorsque le journaliste du WSWS a interviewé Jackson avant son discours, toutefois, sa position sans principes et jouant sur deux tableaux a été exposée clairement. Lorsqu’il lui fut demandé s’il était en faveur d’interrompre le financement de la guerre, Jackson a répondu « Oui. Il est impossible de faire autrement. »

Ensuite, à la question « Tout le financement ou simplement celui concernant l’augmentation du nombre des soldats ? », Jackson a éludé la question : « A, stopper l’augmentation du nombre des soldats et B, commencer à regrouper une véritable coalition de volontaires pour commencer la transition pour nous sortir de là… » a-t-il dit.

Quand je lui ai demandé s’il était en faveur de la destitution de Bush, il a encore évité de répondre, disant « Je suis en faveur d’audiences et d’enquêtes. Commençons au moins le processus pour déterminer ce qui a mal tourné et qui a fait quoi et à quel moment. »

Derrière de telles dérobades et un tel double langage, on trouve la politique d’un parti qui, quelles que soient ses critiques de la politique de Bush en Irak, défend entièrement les intérêts de l’élite américaine du monde de la finance et des affaires tant dans le pays qu’à l’étranger. Il n’y a pas un iota d’opposition de principes soit à la continuation du bain du sang en Irak ou aux lancements de nouvelles guerres impérialistes.

Il faut tirer les leçons politiques décisives de la complicité du Parti démocrate dans les guerres avec l’Afghanistan et l’Irak, sans parler de la guerre d’Israël contre le Liban de l’été passé soutenue par les Etats-Unis. Il faut aussi tirer les leçons de la politique des alliés opportunistes prétendument de gauche du Parti démocrate, comme ceux qui ont organisé les manifestations de samedi dernier.

L’unique et véritable base pour le développement d’un mouvement de masse contre le militarisme et la guerre est la mobilisation des travailleurs à échelle internationale, indépendamment des partis de l’élite dirigeante capitaliste et en les combattant. Cela signifie qu’il faut rompre de façon irrévocable avec le Parti démocrate et construire un mouvement de masse socialiste indépendant.

(Article original anglais publié le 29 janvier 2007)
http://www.wsws.org/francais/News/2007/janvier07/310107_manifestation_p.shtml

Messages

  • ....c’est curieux comme cette analyse et cette conclusion me font penser à la France et son P.S.... : )) ...si le P.C. ne se ramollit pas trop en virant au rose pour cause de subsides : )))

    Un jour surement nous verrons ce front international antiguerre, probiologique et émancipatif, ce ne sera l’affaire que de quelques siècles : ) ...

    Calixte Europe

  • Guerre sans fin
    À Herzliya, Israël dévoile sa stratégie contre l’Iran
    par Thierry Meyssan*
    Parlementaires et ministres, principalement israéliens et états-uniens, se sont bousculés à la 7e conférence d’Herzliya pour entendre dévoiler la stratégie israélienne contre l’Iran : instrumenter la pseudo-menace nucléaire pour renverser la république islamique qui a le tort de soutenir les Résistances en Palestine, en Irak et au Liban. Le résumé de ces quatres jours de débats comme si vous y étiez…

    2 février 2007

    Depuis
    Paris (France)

    Pays
    Palestine/Israël
    États-Unis

    Thèmes
    Contrôle du « Grand Moyen-Orient »

    Le Center interdisciplinaire d’Herzliya est une université privée laïque qui joue un rôle central dans la vie politique israélienne. Il dispose de deux centres de recherche particuliers : l’Institut du contre-terrorisme, dirigé par Shabtai Shavit (directeur du Mossad de 1989 à 1996), et un Institut de politique et de stratégie, dirigé par Uzi Arad (ancien sous-directeur du Mossad). Depuis 2000, il organise une conférence annuelle sur « la sécurité d’Israël » qui s’est imposée comme le lieu où sont actées les décisions stratégiques. Ainsi, c’est lors de la conférence de 2003 et non au Parlement qu’Ariel Sharon dévoila son « plan de désengagement unilatéral de la bande de Gaza ».

    La septième conférence d’Herzliya s’est tenue du dimanche 21 au mercredi 24 janvier 2007. Les néoconservateurs états-uniens y ont rejoint tout ce qui compte de bellicistes israéliens. Loin d’être un forum permettant aux acteurs politiques et militaires de confronter leurs analyses, la conférence a donné lieu à l’exposé de la stratégie et en cours et s’est transformée en un meeting où chaque orateur a surenchéri sur le précédent pour dénoncer le péril imminent du nouvel génocide.

    Les débats ont été ponctués par des interventions, soit physiques, soit par satellites, de leaders états-uniens, notamment des candidats à la Maison-Blanche, le « pacifiste » John Edward et l’ex-Marine John McCain, qui rivalisèrent de déclarations martiales [1].
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    Le sénateur d’Arizona John McCain intervenait en duplex
    Désigner l’ennemi

    Les organisateurs avaient choisi de donner la parole lors du premier déjeuner à l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu. Les positions de celui-ci sont connues depuis son discours de Los Angeles. Il y déclarait avec son habituel sens de la nuance : « Nous sommes en 1938, et l’Iran c’est l’Allemagne, et il s’est lancé dans la course pour s’armer avec des armes nucléaires. Les mêmes tendances : calomnier et salir ses victimes en préparation de leur massacre. Ahmadinejad a appris ses réplique d’Hitler et personne ne s’en préoccupe. Chaque semaine il parle d’éffacer Israël de la carte, et personne ne dit rien. Parfois les juifs ne parlent pas assez. La grande différence c’est qu’Hitler s’était d’abord engagé dans la conflit et avait seulement alors essayé de développer des armes nucléaires » [2].

    À Herzliya, Benjamin Netanyahu passa de la diatribe à la pratique. Il annonça à son aimable auditoire qu’une stratégie avait été déterminée contre l’Iran dans laquelle Israël jouait deux rôles [3] :
     Diffuser dans les médias l’idée que l’Iran, dans la ligne du Reich nazi, s’apprête à détruire les juifs [4]. Puis faire juger le président Ahmadinejad par un tribunal international pour incitation au génocide (principe de justice préventive)
     Convaincre les États occidentaux de prendre unilatéralement des sanctions économiques contre l’Iran pour mettre son économie à genoux, sans passer par le Conseil de sécurité de l’ONU.Une opération déjà avancée avec l’interdiction prononcée par le Trésor états-unien de commercer avec la banque Saderat qui a servi à transférer les pétro-dollars iraniens au Hezbollah pour reconstruire le Liban [5].

    Le dimanche après-midi, une table-ronde réunissait le sous-secrétaire d’État états-unien Nicholas Burns et le vice-Premier ministre israélien Shaul Mofaz [6]. Il leur appartenait de clarifier si la stratégie israélienne exposée par Netanyahu visait à renverser la République islamique (« le régime ») ou à préparer la guerre. Les deux hommes s’efforcèrent d’éluder la question, tout en soulignant que l’on doit « affronter l’Iran » et que « l’option militaire est ouverte ».
    Au demeurant, Nicholas Burns tout en répétant que les États-Unis souhaitent régler diplomatiquement leur différent avec l’Iran ne fit pas mystère de leur volonté de renverser la République islamique indépendamment de la question nucléaire. Il précisa que même en cas de suspension de l’enrichissement d’uranium, Washington poursuivrait ses pressions sur Téhéran, confirmant ainsi que la question nucléaire n’est qu’un prétexte pour parvenir au renversement de la République islamique. Au passage, il confirma que, dans le cadre des sanctions économiques unilatérales évoquées par M. Netanyahu, les États-Unis convaincraient l’Union européenne de cesser tous prêts et garanties relatifs au commerce avec l’Iran, de manière à rendre celui-ci impossible à grande échelle.
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    Richard Perle

    Bien que la parole ait été donnée à divers fabriquants d’armes, du directeur de Raytheon à celui de Boeing, il fallut attendre la table ronde « Prévention et dissuasion » pour entendre les plans de guerre [7]. Star incontesté de ces stratéges de salon, Richard Perle, le « prince des ténèbres », se livra à son brillant numéro de rhétorique : « Une fois que l’Iran aura des armes nucléaire, il ne sera pas facile de le dissuader ou de le contenir. Il n’est pas facile de menacer de tuer une vaste population civile en réplique et de toute manière, c’est trop tard. Alors, quant l’Iran aura-t-il la bombe ? Vous ne pouvez attendre des preuves pour prendre la décision » [8]. Que faire ? « Attaquer avec précision pour infliger des dommages critiques aux installations nucléaires, avec efficacité et rapidité. Les bombardiers B-2 et les missiles de croisière peuvent le faire. Israël devra le faire, s’il est clair qu’il y a une menace existentielle. Israël devra le faire et le président [Bush] s’y joindra » [9].
    Réorganiser les alliances

    La journée du mardi fut consacrée aux alliances. Le premier temps fort étant la présentation du nouveau concept stratégique de « réalignement arabe » [10]. Dore Gold, président du Jerusalem Center for Public Affairs, annonça que les États de la région, créés par les Britanniques à partir des provinces ottomanes, avaient fini leur temps et que le moment était venu de redessiner les cartes. Puis, il expliqua que la ligne de confrontation n’opposerait plus Israël aux pays arabes, mais les Occidentaux et les sunnites modérés aux chiites.
    L’ancien chef d’état-major et actuel consultant du Shalem Center, Moshe Ya’alon, souligna que la révolution iranienne de 1979 s’est produite indépendamment du conflit israélo-palestinien. Dès lors, il est possible de déplacer la ligne de fracture de la Palestine vers l’Iran, et d’ajuster le concept de « choc des civilisations » en le déplaçant d’un affrontement juifs et chrétiens contre musulmans à une guerre juifs-chrétiens-sunnites contre chiites. Il fut appuyé par le professeur Bernard Lewis, toujours heureux d’utiliser son érudition pour justifier les décisions du moment. Avec, en prime, une description de la folie apocalyptique du président Ahmadinejad pour lequel « l’assurance d’une destruction mutuelle n’est pas dissuasive, c’est une incitation [à utiliser la bombe atomique] » [11].
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    James Woolsey

    Avec fougue, l’ancien directeur de la CIA James Woolsey ajouta qu’il ne fallait pas se contenter « de frappes chirurgicales sur deux ou trois installations [nucléaires] », mais qu’il faut « détruire le pouvoir du Vilayat-al-Faqit » (c’est-à-dire le pouvoir du clergé chiite). Et de poursuivre : « Nous sommes appelés et contraints à user de la force contre l’Iran » [12]. Une opération qui ne peut-être conduite que par les États-Unis et Israël car « j’aurais aimé que nous ayons un partenariat avec l’Europe, mais je suis effrayé par sa détérioration. L’Europe s’accommode de la Sharia et devient incroyablement affectée par la poussée démographique des musulmans » [13].

    Pour conclure, le ministre de la Défense, Amir Peretz a indiqué que, compte tenu des évolutions politiques en Israël et dans les Territoires, Tel-Aviv entendait relancer les négociations en renonçant à sa traditionnelle condition préalable d’arrêt du terrorisme [14]. Il convient donc
     De régler d’abord une série de contentieux allant de la libération du soldat Gilad Shalit au démantèlement d’implantations récentes ;
     Pendant six mois, de négocier avec toute autorité reconnaissant l’État d’Israël, c’est-à-dire le président Abbas dés aujourd’hui et le Hamas s’il franchit ce pas, à propos des voies de communication (ouverture d’un aéroport à Dahanya, ouverture d’un passage entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, etc.). Il s’agit de s’appuyer à la fois sur le plan Bush et sur le plan saoudien ;
     Enfin démanteler les organisations terroristes et négocier la solution à deux États.
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    José Maria Aznar

    Au cours de l’après-midi, l’ancien président du gouvernement espagnol José-Maria Aznar plaida pour l’adhésion d’Israël à l’OTAN de manière à renforcer la sécurité de l’État juif et non pas à l’abandonner au milieu du Proche-Orient musulman [15]. Une adhésion qui exige, à ses yeux, un « changement » en Europe car le vieux continent est actuellement submergé par la vague démographique musulmane. Toutefois, l’enthousiasme de M. Aznar fut tempéré par Lord Charles Guthrie of Craigiebank, ancien chef d’état-major britannique, qui objecta qu’aucune procédure d’intégration de l’État juif dans l’alliance n’était en cours.

    Au cours du dîner, la ministre des Affaires étrangères et de la Justice, Tzipi Livni — étoile montante de la politique israélienne — annonça qu’Israël se doterait prochainement d’une constitution lui permettant de s’affirmer comme un « État-nation juif », basé sur « la loi du retour » (c’est-à-dire le droit d’immigrer reconnu à tout juif de la diaspora en vertu d’un mandat biblique sur « la terre promise ») [16].
    La proposition de Mme Livni doit être comparée à celle des Afrikaaners d’Afrique du Sud qui reconnurent unilatéralement des bantoustans de manière à ce que leur pays devenu 100 % blanc ne puisse plus être accusé d’apartheid.
    Reconquérir le soutien de l’opinion publique internationale

    Le mardi 23 janvier fut consacré à l’approvisionnement d’Israël en énergie et au soutien politique de l’opinion publique internationale.

    Fort étrangement ce second point fut introduit lors du déjeuner par l’écrivain états-unien Charles Murray. Déjà connu pour sa théorie de l’infériorité intellectuelle et de l’inclination des noirs au crime [17], il développa l’idée d’une supériorité intellectuelle des juifs. Selon lui, ceux-ci auraient un quotient intellectuel moyen de 112 contre 100 pour le reste de l’humanité. « Pourquoi les juifs ont-ils un quotient intellectuel plus élevé que les autres ? La réponse la plus simple serait de dire que les juifs sont le peuple élu de Dieu, mais se serait déconsidérer les réalisations scientifiques et l’histoire des juifs » [18]. La réponse à cette question délirante tiendrait au fait que ce coefficient intellectuel prétendument plus élevé aurait permis au peuple juif de perdurer et de conserver le génie de sa culture laquelle favorise son quotient intellectuel. Applaudissements soutenus des généraux sionistes.
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    Natan Sharansky

    Plusieurs intervenants reprirent alors des propos tenus la veille par Alan Dershowitz. Le professeur de droit d’Harvard et théoricien de la légitimité de l’usage de la torture s’était longuement plaint de la poussée anti-israélienne dans l’opinion publique internationale. Il avait dénoncé la « campagne antisémite » de l’ancien président Jimmy Carter selon lequel Israël pratiquerait l’apartheid en Palestine. Et celle de l’ancien commandeur suprême de l’OTAN, le général Wesley Clark, déclarant que « Les friqués de New York sont en train de pousser les États-Unis à la guerre contre l’Iran » [19].

    Au dîner, l’ancien vice-Premier ministre Nathan Sharansky [20] mit en garde l’assistance quant à l’impact des accusations de crimes de guerre portées apr le Hezbollah contre Tsahal. Il ne s’agit plus simplement de défendre Israël, il faut défendre Tsahal, et aussi défendre le général Halutz, s’exclama-t-il alors que l’on apprenait la démission de ce dernier de ses fonctions de chef d’état-major.
    L’avenir d’Israël

    La quatrième et dernière journée fut consacrée aux réformes internes à réaliser en Israël, notamment au plan économique.

    Concluant cette longue conférence, le Premier ministre Ehud Olmert fit le point sur « la menace iranienne » et le « réalignement arabe » [21].
    Il déclara : « Le soutien de l’Iran au terrorisme palestinien — à travers un soutien financier, l’a fourniture d’armes et de savoir-faire, à la fois directement et via la Syrie — ; l’assistance iranienne à la terreur en Irak, la découverte des moyens reçus d’Iran par le Hezbollah durant la guerre au Liban et l’assistance offerte encore récemment au Hamas, ont démontré à beaucoup le sérieux de la menace iranienne » [22]. Cependant « Aussi sérieux que soit la menace iranienne, une attaque nucléaire contre Israël n’est d’aucune manière imminente » [23]
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    Bernard Lewis

    En d’autres termes, tout ce qui a été dit depuis trois jours sur le génocide nucléaire à venir est de la pure propagande que l’auditoire est priée de répéter mais de ne pas croire, le seul vrai grief, c’est le soutien aux Résistances en Palestine, en Irak et au Liban.
    M. Olmert pouruivit : « Cette activité [de soutien aux Résistances] a suscité un front d’opposition qui inclut, avec plus ou moins d’intensité, tous les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, des États arabes comme l’Arabie saoudite, les États du Golfe, l’Égypte et la Jordanie, ainsi que d’autres États occidentaux clés comme l’Allemagne et le Japon » [24].
    Reste à savoir si ce « front d’opposition » passera du stade des déclarations d’intention obtenues sous la menace de sanctions économiques à celui d’alliance militaire.

    .
    Thierry Meyssan
    Journaliste et écrivain, président du Réseau Voltaire.
    Les articles de cet auteur

    [1] « Hysteria at Herzliya » par Patrick J. Buchanan, Antiwar.com, 31 janvier 2007.

    [2] « It’s 1938, and Iran is Germany, and it’s racing to arm itself with nuclear weapons. Same tendencies : to slander and vilify its victim in preparation for slaughter. Ahmedinijad takes his cue from Hitler, and no one cares. Every week he talks about erasing Israel from the map, and no one says anything. Sometimes the Jews don’t say that much. The big difference : is that Hitler embarked on the conflict and then tried to develop atomic weapons ».

    [3] « L’ancien Premier ministre israélien Netanyahu appelle à imposer des sanctions à l’Iran », Xinhua ; « Netanyahu : Who will lead the effort against genocide, if not us ? » par Gil Hoffman et « A Prime minister in wainting ? » par Anshel Pfeffer, The Jerusalem Post,, 22 janvier 2006.

    [4] « Mobilisation sioniste contre l’Iran », Réseau Voltaire, 17 novembre 2006.

    [5] « La guerre monétaire États-Unis/Iran en suspens », Réseau Voltaire, 19 septembre 2006.

    [6] « L’Iran est sur la défensive, selon un haut responsable américain », AFP, 21 janvier 2007. « US Undersecretary of State Burns : We have to confront Iran » par Sasson Tiram, The Jerusalem Post, 22 janvier 2006.

    [7] « Shadow boxing with Iran » par Anshel Pfeffer et « Analysts optimistic that West will act » par Haviv Rettig, The Jerusalem Post, 22 janvier 2006.

    [8] « Iran with nuclear weapons will not be that easily deterred or detained. The threat to destroy a large civilian population in a second-strike is not an easy threat to make, and anyway, by then it’s too late. So when will Iran have a nuclear weapon ? You can’t wait for all the evidence to take a decision. »

    [9] « Precision attacks to critically damage the nuclear facilities, efficiently and quickly. B-2 bombers and cruise missiles can carry it out. Israel will have to do it if it’s clear that there is a existential threat. Israel must do it and this president will join in ».

    [10] « Experts at Herzliya Conference War of Global Jihad », Israel Faxx, 23 janvier 2007.

    [11] « The “Mutual Assured Destruction” is not a deterrent, but an inducement to him ».

    [12] « And if we use force, we should use it decisively, not execute some surgical strike on a single or two or three facilities. We need to destroy the power of the Vilayat al-Faqih if we are called upon and forced to use force against Iran ».

    [13] « I wish we had a partnership with Europe, but I am afraid it is deteriorating (…) Europe is accommodating Sharia and becoming increasingly affected by the Muslim demographics in their countries ».

    [14] « Peretz pousse son plan de paix avec les Palestiniens », Reuters et « Le ministre israélien de la Défense voit le Hamas comme un éventuel partenaire de négociations », Xinhua, 22 janvier 2007. « Peretz hints at Hamas talks before conditions met » par Ori Porat, The Jerusalem Post, 23 janvier 2007.

    [15] « L’OTAN : Une alliance pour la liberté » par Cyril Capdevielle et « José-Maria Aznar est favorable à un bombardement du Liban par l’OTAN », Réseau Voltaire, 6 décembre 2005 et 31 juillet 2006.

    [16] « Tsipi Livni pour une constitution israélienne », Communiqué de l’Ambassade d’Israël en France, 29 janvier 2007.

    [17] La Bible du racisme ordinaire aux États-Unis : Bell Curve : Intelligence and Class Structure in American Life par Charles Murray et Richard J. Herrnstein, Simon & Schuster Ltd, 1996. Voir « Le Manhattan Institute, laboratoire du néo-conservatisme » par Paul Labarique, Réseau Voltaire, 15 septembre 2004.

    [18] « [Why do Jews have a higher mean of intelligence ? The simplest answer would be that Jews are God’s chosen people, but that would discredit all the scientific data and history of Jewish accomplishments »

    [19] « Hoelein : Deligitimization of Israel rising among US elite » par Haviv Rettig, The Jerusalem Post, 23 janvier 2007.

    [20] « Natan Sharansky, idéologue de la démocratisation forcée », Réseau Voltaire, 24 février 2005.

    [21] « Olmert : Nuclear Attack Not Imminent », Israel Faxx, 25 janvier 2007.

    [22] « Iranian support of Palestinian terror – through financial support, provision of weapons and knowledge, both directly and through Syria – Iranian assistance of terror in Iraq, the exposure of the capabilities which reached the Hizbullah from Iran during the fighting in Lebanon and the assistance which they offered just recently to Hamas, have demonstrated to many the seriousness of the Iranian threat ».

    [23] « As serious as the Iranian threat is, the threat of nuclear attack on Israel is by no means imminent ».

    [24] « This activity has created an opposing front, which includes, in varying intensities, all the permanent members of the UN Security Council ; Arab states such as Saudi Arabia, the Gulf States, Egypt and Jordan ; and other key countries in the West, such as Germany and Japan ».