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Les pauvres Blancs de la culture
Publie le vendredi 1er août 2008 par Open-Publishing3 commentaires

de Dimitri
A bien regarder la question, je pense qu’on se trompe en focalisant sur l’antisémitisme en France, autre que résiduel. La question est celle du pouvoir. Quelques personnes, médiocres arrivistes, qui se trouvent dans le sillage du Pouvoir utilisent l’arme redoutable de l’antisémitisme pour s’y maintenir. Des citoyens, surtout ceux de la France d’en bas, l’ont compris et ripostent.
1. Le procédé est le même. Un « second couteau » charge. La victime panique et parfois commet une erreur. L’instructeur entre en jeu pour stigmatiser le coupable et instruire le procès. En cas de résistance de la victime, les sophistes interviennent dans les médias. La condamnation est écrite avant instruction, car la situation « n’était plus supportable depuis longtemps ». Mort politique de la victime. Le sceau infâme de l’antisémitisme. A l’enfer les mécréants et les hérétiques ! « Sans préjuger de l’inévitable réponse des tribunaux ». S’agit-il d’un complot ? Absolument pas. Tout se passe en plein jour depuis les années 90. Convergence idéologique et plaisir d’affirmer sa supériorité (supposée).
2. Lorsque la victime innocente est prise dans l’étau de la calomnie (« antisémite ! », « antisémite imaginaire ! (sic) », « judéophobe ! », …) elle doit impérativement se justifier. Elle doit présenter des parents ou des amis juifs, des témoins de moralité. La plupart des fois sans succès (« Ma femme est Juive » ; « Ouais, celle de Drieu La Rochelle aussi ! »). L’inquisition se fait en public jusqu’à l’humiliation finale. « Il pouvait lever le malentendu dès l’origine en corrigeant ses propos ». La victime doit expier les crimes nazis. Lorsqu’un Juif se présente comme témoin de moralité, il est aussitôt accusé d’avoir « la haine de soi » !
3. Des personnalités de premier plan (Alain Badiou, Pascal Boniface, Pierre Bourdieu, Jacques Bouveresse, Eric Hazan, Edgar Morin, …), des journalistes (Philippe Cohen, Charles Enderlin, Daniel Mermet, Pierre Péan, …), Hugo Chavez, José Bové, … sans oublier Le Monde diplomatique ont été accusés d’antisémitisme. On prend conscience aujourd’hui de la gravité du problème.
4. Pour comprendre à quel point la défense légitime des juifs de France (tant persécutés depuis fort longtemps) ne les intéresse vraiment pas, lire les écrits des commissaires politiques. Ils parlent des juifs comme une « race » ou comme d’un « non choix ». Ils qualifient d’autres « non majoritairement juifs », des « juifs sans aucun doute ». Ils exploitent la mauvaise conscience des Français depuis les années noires (ce qui montre après tout la présence du crime dans la conscience collective) qui les bloque et les immobilise. Les marchands du temple en profitent, jouissant d’une immunité totale. La marchandisation du monde a comme conséquence la marchandisation de la souffrance.
5. Ils ont une conception religieuse de l’Histoire. Le Bien (faible) et le Mal (fort), les victimes et les barbares. Leur approche est théologique, « apolitique », de « bon sens ». Ils chassent les impies de la religion du Capital. Augustin, père de l’église chrétienne, est leur guide spirituel. « … Il y a une persécution injuste, celle que font les impies à l’Eglise du Christ ; et il y a une persécution juste, celle que font les Eglises du Christ aux impies … L’Eglise persécute par amour et les impies par cruauté. »
6. De l’assistante sociale, en passant par le préfet, jusqu’au directeur de journal, la délation, la dénonciation calomnieuse devient acceptable, autorisée, signe de civisme. Il faut éliminer les opposants de l’intérieur comme de l’extérieur. Anti-israélien, antiaméricain, anticapitaliste, anti-sarkozyste, anti-européen est devenu synonyme d’antisémite. Imaginons un instant avec le nouveau truc Union pour la Méditerranée du président N. Sarkozy quelqu’un qui se déclare anti-méditerranéen ! Antisémite ! La paranoïa pétainiste. « (…) le gouvernement français a tout intérêt à se démarquer des slogans d’un antiaméricanisme dominé par la haine du capitalisme, du matérialisme et de l’universalisme, voire teinté, pour les mêmes raisons, d’antisémitisme. » La folie maccarthyste.
7. Ils sont en guerre contre l’invisible, les forces du Mal qui complotent contre la « démocratie » (système oligarchique où le peuple est absent). Traquer le dernier antisémite « dans les journaux qui ne le sont pas » ! Admirons un instant les propos d’un polémologue de haute culture, formaté à l’école de la guerre froide : « Aujourd’hui, on voit en tout cas qui a la trempe d’un Zola, d’un général Picard [ndlr. Picquart pour les historiens] : c’est Philippe Val. Et qui a la bassesse de Drumont, de Maurras ou de Bernanos : ce sont les pétitionnaires semi-trotskistes [ndlr. En français demi-trotskistes] en faveur de l’éternel stalinien Siné. » On rit, mais on paiera après à notre tour. C’est inquiétant.
8. Et voilà une dernière pétition de vingt personnalités, soutien à la victime du « lynchage » des sans-parole. Tout cela ressemble fort aux défilés de l’ère brejnévienne. Bardés de médailles, sur les hauteurs de Tanger, ils regardent passer leur arme de destruction massive : la machine à fabriquer des antisémites. Le peuple absent, scrute l’avenir sur Internet. La fin du règne approche. « Rendez-vous compte, pas un journaliste non juif qui me soutient », dira la « victime ».
9. Une vingtaine de personnalités des plus prestigieuses, des prix Nobel, des hommes politiques présidentiables interrompent leurs vacances pour soutenir le patron d’un journal de … l’extrême gauche, « journal anarchiste, stalinien, scatologique, homophobe, anticlérical, anti-corrida, antimilitariste, antiaméricain, anti-femmes, antisémite, bête et méchant » et j’en passe. Curieux ! Mystère ! Vous vous salissez les mains, messieurs-dames. Moi, qui vous croyais dans vos palais somptueux que vous méritez (la richesse est utile à la paix et à la création, si j’en crois Paris-Match) en train de résoudre les problèmes importants de ce monde.
10. Il est encore plus inquiétant de constater la continuité des intellectuels organiques du pouvoir depuis les années vingt. Langage similaire, même discours de haine, même « défense » de l’Occident capitaliste. « Plutôt Munich que Moscou ». Leur sport favori : Humilier les gens. Leur vie : Ecoles prestigieuses qui confèrent une position sociale supérieure, « haute culture », goûts « raffinés », vie de salon. Je pense à quelqu’un qui a fait Harvard et qui n’a pas encore compris pourquoi « la haute culture n’a pas pu enrayer la barbarie ». Il oublie que la « solution finale » a été conçue par des monstres de la plus haute culture (les mêmes références culturelles que des inquisiteurs d’aujourd’hui). Il suffit de lire les articles des académiciens au Figaro des années 36-42 et bien-sûr Céline et Brasillach. La collaboration passive ou active des « élites » avec le Reich doit nous faire réfléchir. Nous n’avons pas assez écouté Marc Bloch (« L’Etrange défaite »).
11. Les gardiens de l’ordre social (les pauvres Blancs de la culture, disait P. Bourdieu) haïssent le peuple, la « banlieue francophone », la « racaille ». Je comprends mieux l’affaire Val lorsque Siné (j’avoue, inconnu de mes lectures) met en avant une vérité qui les indispose : « prolo, j’aime pas qu’on se foute de la gueule des prolos, j’ai de la tendresse pour eux. Je reconnaissais un peu mon père ferronnier ou ma mère épicière, et j’aime pas qu’on se foute de leur gueule ». Ce vieil anar a au moins des réflexes sains de classe. Il a, comme disait Günter Grass, « le satané sourire et sarcastique du vaincu » qui dérange les dominants. Il a la malchance d’être du côté de l’Algérie, du côté des Palestiniens et du côté des prolos.
12. Encore aujourd’hui, le racisme, l’antisémitisme (contre les Arabes et les Juifs), l’exclusion, la xénophobie sont entretenus au sein de la société par des intellectuels « jaunes » ; ceux qui ont peur du peuple, ceux qui qualifient les révoltes urbaines « pogroms républicains ». Ils ont peur et ils font peur avec leur truc abominable. A propos de l’affaire Val, Gisèle Halimi dira avec justesse et perspicacité : « Cette opération participe donc des procès en sorcellerie qui se multiplient aujourd’hui pour maintenir une psychose du juif persécuté ».
13. Cette fois-ci ils ont une peur terrible. Probablement, la fin d’une période. De bavure en bavure (RER D, Rudy) les gens commencent à comprendre. Mais il y a surtout Internet. La presse officielle du régime avec sa nomenclature contre des citoyens sur Internet. Goliath contre David. Les « élites » contre la « racaille ». Le petit David a déjà deux victoires à son actif par les arguments et par le nombre ; le référendum du 29 mai et l’affaire Val.
14. Les Juifs de France d’aujourd’hui sont riches / pauvres, croyants / athées, bons ou moins bons, créatifs ou non, de gauche ou de droite, vaccinés ou non, … comme les Auvergnats de France et les ch’tis de France. Hélas, la plupart d’entre eux sont de condition modeste. Qu’on leur foute la paix.
15. Je lisais ces jours-ci les infos dans un journal grec. Le 23 juillet 1944 deux hébreux (les grecs appellent ainsi le vieux peuple) Sam (13 ans) et David (17 ans) ont été déportés, de l’île de Rhodes où ils vivaient, à Auschwitz. 64 ans après, ils se sont retrouvés dans l’île et racontent l’horreur des camps. Témoignage émouvant et précieux. Il nous rappelle avec pudeur et fierté que l’île accueillit tant de Juifs rejetés d’Espagne qu’elle prit le surnom de « la petite Jérusalem ».
Cette mémoire des hommes et des femmes persécutés, méprisés, meurtris est une affaire commune. C’est notre affaire. Nous devons tous respect, solidarité et surtout combat. Combat contre les marchands de la souffrance. Contre la banalisation du génocide.
Je me sens Juif et Palestinien et Français et Grec. Nous sommes tous égaux. Le monde est unique. Il existe un seul monde.
(dimitri.over-blog.fr)
Messages
1. Quartiers de judéité, 1er août 2008, 11:16, par L’avocat du diable
C’est vrai que l’expression "non majoritairement juif" utilisée pour parler de Nicolas Sarkozy, si je ne m’abuse est assez immonde et finalement profondément raciste ou racialiste. Elle renvoie à cette conception de l’Ancien Régime où l’on comptait les quartiers de noblesse pour mesurer la pureté du sang ou, plus près de nous, à cette obsession des métisses d’affirmer leur part de sang "blanc"... Et sur ça on ne dit rien... Mais que font la Licra et SOS racisme... Ah ! On me dit dans l’oreillette qu’ils sont occupés à lyncher un homme... On ne va pas les déranger.
L’avocat du diable.
2. Les pauvres Blancs de la culture, 1er août 2008, 14:39
" Une vingtaine de personnalités des plus prestigieuses, des prix Nobel, des hommes politiques présidentiables interrompent leurs vacances pour soutenir le patron d’un journal .... " Peut-on rajouter à la liste , Tapie , Guelfi , Hortefeux , Copé , ce merveilleux carré d’as plein d’honneur et de classe , les notabilités footbalistiques ( joueurs , dirigeants , argent sale ) , les décorés de la Légion d’Honneur , les animateurs de Koh-Lanta , les vedettes du show-bizz , les bandits libérés , etc ?
Oui , on le peut ! Vive l’an 2000 ! Formidable ! Le prestige est sans limite . Voire explosif . Comme l’invention du sieur Nobel . Qui lui donne enfin toute sa saveur . Toute sa valeur .
3. Les pauvres Blancs de la culture, 2 août 2008, 12:06, par Nobo
Bel article, Dimitri, et qui fait chaud au coeur...