Les sans-papiers, tels "les Juifs en 43"

BERNARD DELATTRE

Mis en ligne le 10/03/2009

Un film explicite l’analogie historique qui ulcère le ministère de l’Immigration.

Le film s’intitule "Welcome". Il sortira dans les salles françaises mercredi, puis le 25 mars en Belgique. Il raconte l’histoire d’un habitant de Calais qui aide un jeune clandestin kurde à entrer illégalement en Angleterre. Ce film vient relancer la controverse autour des méthodes de la politique migratoire du président Sarkozy.

De longue date, les associations parlent de "rafles" et d’"arrestations au faciès" d’étrangers : deux termes très connotés. Avec "Welcome", l’analogie historique est désormais explicite.

Le réalisateur du film, Philippe Lioret, et son acteur principal, Vincent Lindon (soutien de François Bayrou aux présidentielles de 2007), ont été marqués par la situation à Calais : "ville en état de siège" , où les migrants "sont parfois traités plus mal que les chiens" . Et ils fustigent la loi punissant de cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende les Français qui, comme le héros de "Welcome", facilitent l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers de clandestins. "Dans quel pays vit-on ?" a interrogé Vincent Lindon, "choqué" qu’"on puisse menacer de prison des gens qui ont de la compassion pour autrui". Qu’on puisse donc punir le Français moyen qui, comme son personnage "se regardait le nombril, lève enfin les yeux, est happé par un sens civique et va devenir un hors-la-loi" .

"La ligne jaune franchie"

Et son réalisateur d’asséner : "De voir qu’un brave mec, d’un seul coup, se retrouve mis en examen et qu’il peut aller en taule, c’est dingue. J’ai l’impression qu’on est en 1943 et qu’on a planqué un Juif dans la cave."

Furieux, le ministre (ex-socialiste) de l’Immigration, Eric Besson, a qualifié l’analogie de "dérapage" d’artistes ayant "franchi la ligne jaune" . Car "suggérer que la police française, c’est la police de Vichy, que les Afghans sont traqués, qu’ils sont l’objet de rafles, c’est insupportable" .

"Chasse aux immigrés : ce sont des Justes qu’on enferme !" , ne renchérit pas moins en ce moment, utilisant là aussi un terme lourd, une pétition contre les conditions de l’arrestation récente de deux sans-papiers. Le premier, handicapé, a été dénoncé par un agent de la Sécu qui gérait son dossier de soins de santé. Le second, SDF, a été arrêté après une descente chez Emmaüs (l’association de l’abbé Pierre) lors de laquelle la police a saisi les dossiers des seuls nécessiteux aux noms à consonance étrangère. Auparavant déjà, les associations avaient dénoncé les "rafles" que la police a pris l’habitude d’organiser à Calais aux moments et lieux où les clandestins affamés font la queue pour bénéficier de la soupe populaire servie par les associations

– http://www.lalibre.be/actu/europe/a...